Le poids du climat sur notre santé, une épidémie silencieuse
« Le changement climatique nous rend malades, et agir d’urgence est une question de vie ou de mort », alertait l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lors de la conférence de l’ONU sur le climat fin 2024. Pour l’agence sanitaire, il s’agit désormais de la plus grande menace pour la vie humaine. Ses effets touchent tout : notre environnement, nos organes vitaux, mais aussi le système de santé censé nous protéger. Qualité de l’air, maladies infectieuses, sécurité alimentaire… les impacts sur la santé sont multiples et s’aggravent.
Alors que la planète continue de se réchauffer, inondations, sécheresses, vagues de chaleur et tempêtes se multiplient. Selon l’OMS, ces dérèglements pourraient causer jusqu’à 250 000 décès supplémentaires par an dès 2030.
Pour Valérie Masson-Delmotte, climatologue au CEA et ancienne coprésidente du GIEC, ces effets se divisent en deux catégories : les conséquences directes et les conséquences indirectes.
Les conséquences directes : chaleur et événements extrêmes
Les canicules sont devenues l’un des symboles du changement climatique. Elles provoquent hyperthermie, déshydratation, troubles rénaux, accidents vasculaires cérébraux, maladies cardiovasculaires et respiratoires, voire des défaillances d’organes.
Une étude publiée par The Lancet en octobre 2024 révèle qu’en 2023, la population mondiale a subi 50 jours supplémentaires de fortes chaleurs par rapport à la moyenne historique. Résultat : une surmortalité frappant surtout les plus fragiles. Les décès des plus de 65 ans ont ainsi augmenté de 167 % depuis les années 1990.
Les catastrophes naturelles telles que les tempêtes, les inondations ou bien les incendies ont elles aussi un lourd bilan. Elles causent des noyades, des infarctus, des blessures graves, mais aussi des traumatismes psychologiques. « Ces phénomènes entraînent des impacts majeurs sur la santé mentale : traumatismes liés aux déplacements forcés, peur de catastrophes récurrentes, ou anxiété face à la dégradation de la planète », explique Valérie Masson-Delmotte sur le site de l’Institut Pasteur.
Les conséquences indirectes : un effet domino mondial
Le réchauffement climatique agit comme un accélérateur de crises sanitaires. En perturbant les écosystèmes, il favorise la propagation de maladies infectieuses telles que la dengue, le chikungunya ou le paludisme, désormais présentes dans des régions jusque-là épargnées. « La durée saisonnière des maladies transmises par les moustiques va s’allonger. Des infections comme la dengue ou le chikungunya deviendront des enjeux majeurs dans les pays du Nord », prévient l’épidémiologiste Arnaud Fontanet (Institut Pasteur).
Le risque de transmission de la dengue par le moustique tigre a augmenté de 46 % en dix ans. En 2023, plus de 5 millions de cas ont été recensés dans plus de 80 pays. La France n’échappe pas au phénomène : au 1ᵉʳ janvier 2024, le moustique tigre était installé dans 78 départements métropolitains, avec plus de 4 000 cas importés et 85 cas autochtones selon Santé publique France. « La déforestation, aggravée par le réchauffement climatique, accélère les échanges de virus entre animaux, augmentant ainsi le risque de pandémies », ajoute Arnaud Fontanet.
Famine, eau et pollution : les autres menaces silencieuses
Les sécheresses et les pluies extrêmes perturbent les récoltes, provoquant malnutrition et maladies alimentaires. « Le changement climatique accentue l’insécurité alimentaire et la sous-nutrition : il réduit les rendements agricoles, perturbe l’accès à l’eau et compromet les ressources marines », détaille The Lancet.
La pénurie d’eau potable devient un enjeu crucial. Associée aux vagues de chaleur, elle favorise déshydratation et maladies liées à la chaleur, surtout dans les communautés les plus vulnérables.
Autre fléau : la pollution de l’air, responsable de maladies respiratoires, cardiovasculaires et de certains cancers. Selon l’OMS, 99 % de la population mondiale respire un air trop pollué. « Entre 12 et 20 % des nouveaux cas de maladies respiratoires chez l’enfant et 7 à 13 % chez l’adulte sont dus à une exposition prolongée à la pollution atmosphérique », précise Sylvia Médina, épidémiologiste à Santé publique France.
Des systèmes de santé au bord de la rupture
Et comment se faire soigner si le système de santé lui-même est fragilisé ? Les effets du changement climatique sur les hôpitaux se font sentir non seulement dans les établissements, mais aussi dans l’organisation de la santé publique. Exemple : dysfonctionnement des services d'électricité et d'eau, routes perturbées ou inaccessibles…
Cet effet en cascade impacte les infrastructures qui accueillent du public, au risque de retarder la prise en charge. Une perte de temps qui peut être fatale.