L’ antibiorésistance, une menace pour l’activité chirurgicale Image d'illustrationIstock
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L’antibiorésistance serait-elle la prochaine pandémie ? Selon l’Organisation mondiale de la santé, elle constitue la plus grande menace pour l’humanité. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 4 500 décès par an en France et 1,3 million d’un point de vue mondial. "Cela pourrait atteindre 2 millions par an en 2050 si rien n’est fait", souligne le Dr Céline Pulcini, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Nancy. Une enquête réalisée par l’Académie nationale de chirurgie a révélé que ce problème pourrait à l’avenir mettre en difficulté la pratique chirurgicale.

De mai à octobre 2024, un questionnaire a été remis auprès de 270 chirurgiens afin de déterminer l’impact de l'antibiorésistance dans leur pratique au quotidien et leur rôle dans la prévention et le traitement de ces infections. Trois spécialités étaient concernées : la gynécologie-obstétrique, l’orthopédie et la chirurgie viscérale. "La moitié des participants sont d’accord pour affirmer que l’antibiorésistance peut menacer leur activité, notamment les orthopédistes", précise lors d'une conférence de presse le Dr Gabriel Birgand, épidémiologiste et pharmacien hygiéniste au CHU de Nantes.

"Chacun doit être conscient de sa responsabilité dans l’usage des antibiotiques. À l’hôpital les prescriptions sont faites par les services de chirurgie et c’est là qu’il y a le moins d'experts d'où la nécessité de la formation des chirurgiens à cette thématique"

L’infection est une des principales causes d’échec d’une intervention chirurgicale. La spécialité viscérale est la plus touchée par ce fléau. "La chirurgie est le deuxième secteur de santé le plus touché par les infections après la réanimation", précise le Dr Birgand. Les bactéries E.coli et le staphylocoque aureus sont les principaux coupables.

Des chirurgiens pas suffisamment formés à l’antibiorésistance

L’enquête a révélé que les chirurgiens ne se sentent pas suffisamment formés sur cette question. Seulement 30 % estiment être suffisamment informés sur les mesures de maîtrise de l’antibiorésistance dans leur pratique de la chirurgie. "Chacun doit être conscient de sa responsabilité dans l’usage des antibiotiques. À l’hôpital les prescriptions sont faites par les services de chirurgie et c’est là qu’il y a le moins d'experts d'où la nécessité de la formation des chirurgiens à cette thématique", explique le Dr Brigand.

La prévention : un élément essentiel dans la lutte contre l'antibiorésistance

Pour prendre ce problème à bras-le-corps, trois piliers sont à prendre en compte selon les scientifiques. Le premier concerne la prévention. La transmission des bactéries se fait par trois biais : l’environnement, les animaux et le contact. À l’hôpital, les mains sont le premier vecteur. Cela permet aux microbes de se balader d’une personne à l’autre sans trop de difficulté. "Si la bactérie présente sur la main est résistante et se transmet à quelqu’un qui n’a pas développé cette résistance, elle le deviendra”, explique le Dr Céline Pulcini. Ce qui veut dire que personne n’est protégée, même celles qui n’ont que très rarement fait usage de ce traitement.

Pour éviter cette transmission, le Dr Birgand insiste sur le lavage des mains. "Un lavage des mains de trois minutes avec du savon et d’une minute avec un gel hydro alcoolique est indispensable pour éliminer les microbes. Il est important de respecter ce temps de contact", commente-t-il.

Le deuxième pilier concerne la vaccination. "Bien que trop souvent critiquée, elle a permis l’augmentation de l’espérance de vie", indique le Dr Brigand. Et le dernier s’applique à l’antibioprophylaxie (attribuer des antibiotiques en amont de la chirurgie pour limiter le risque d’infection), un pilier fondamental de prévention. "C’est une procédure incrustée dans les techniques opératoire avec des protocoles précis. Cela permet d'obtenir une concentration d'antibiotique suffisante sur le site opératoire même car la plupart des germes qui affectent le malade sont ses propres microbes", explique le Dr Brigand.

Former les chirurgiens au bon usage des antibiotiques

"Un antibiotique qui ne fonctionne pas augmente le risque de complication, de décès, met en difficulté la pratique de la chirurgie, de la réanimation et le pronostic vital des patients sous immunosuppresseurs", alerte le Dr Céline Pulcini. Selon elle, le bon usage des antibiotiques permet d’éviter de détruire notre microbiote et de faire émerger des bactéries résistantes et de les transmettre à notre entourage.

"Les chirurgiens doivent être sensibilisés au bon usage des antibiotiques et s’en sentir acteurs. Ils doivent avoir la meilleure démarche diagnostique possible et prescrire comme il faut et quand il faut, avec une durée la plus courte possible et des antibiotiques les moins générateurs d’antibiorésistance", souligne le Dr Céline Pulcini. Ils doivent également travailler main dans la main avec le référent en antibiothérapie de l’établissement.

"Comme pour le réchauffement climatique, il ne faut pas compter sur la technique et la science pour trouver des solutions à l’antibiorésistance. Nous avons déjà ces solutions dans les mains et les chirurgiens doivent prendre conscience qu’ils sont au cœur du problème", conclut le Dr Gabriel Brigand.

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