
“Les antibiotiques, ce n’est pas automatique”. Vous n’avez pas pu passer à côté des différentes campagnes d’informations et de préventions sur un usage plus modéré des antibiotiques. Car les antibiotiques, s’ils sont une avancée essentielle en médecine et permettent de soigner aujourd’hui des maladies potentiellement mortelles hier, provoquent aussi des mutations chez les bactéries qui inquiètent de plus en plus.
En France, d’ici 2050, on estime que 238 000 personnes mourront des suites de l’antibiorésistance.
“L’antibiorésistance n’est pas un phénomène nouveau, explique le ministère de la Santé. Depuis la découverte de la pénicilline, chaque nouvelle génération d’antibiotiques a vu apparaître des mécanismes de résistance lui correspondant. Les premières résistances à la pénicilline apparaissent en 1940. Les premières bactéries multirésistantes (BMR) apparaissent, elles, dans les années 1970, tandis que les bactéries hautement résistantes (BHRe) surgissent dans les années 2000.” Mais nous sommes aujourd'hui confrontés à une situation hors norme et presque hors contrôle. Les médecins sont obligés, en ville comme à l’hôpital, de prescrire des antibiotiques de plus en plus puissants ou pire se retrouve en impasse thérapeutique.
Antibiorésistance : plus de 230 000 décès d’ici 2050
Rien qu’en France, on estime que le nombre d’infections à bactéries résistantes touchent entre 120 000 cas et 130 000 patients chaque année et sont associées à plus de 5500 décès. Et l’avenir ne s’annonce pas meilleur si on ne fait rien : “Selon des projections récentes de l’OCDE, les infections résistantes aux traitements antibiotiques pourraient tuer quelque 2,4 millions de personnes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie entre 2015 et 2050 si l’on ne redouble pas d’efforts pour enrayer l’antibiorésistance, indique encore le ministère de la Santé. En France, d’ici 2050, on estime que 238 000 personnes mourront des suites de l’antibiorésistance.
Mieux cibler l’usage des antibiotiques, dès à présent, est une voie pour pallier les résistances. C’est l’ambition de l’Agence européenne du médicament (EMA) qui s’attaque aujourd’hui plus particulièrement à l’azithromycine. Les données montrent en effet une résistance qui s’installe partout en Europe. A titre d’exemple, une étude britannique et suédoise rendue publique en 2022 a montré une résistance stable et élevée de Neisseria gonorrhoeae (la bactérie responsable de la gonorrhée) à l'azithromycine dans 26 pays européens.
Qu’est-ce que l’azithromycine, cet antibiotique sous le joug de l’Agence européenne du médicament ?
L'azithromycine est un antibiotique de la classe des azalides (famille des macrolides) qui est indiqué selon le Vidal pour les affections suivantes :
- Angine aiguë streptococcique (en traitement alternatif à la pénicillinothérapie)
- Bronchite aiguë présumée bactérienne
- Chancre mou
- Infection de la peau et des tissus mous
- Infection stomatologique (des gencives notamment)
- Infection urogénitale à chlamydiae ou mycoplasme
- Otite moyenne aiguë
- Pneumopathie aiguë
- Sinusite aiguë
- Surinfection de bronchite chronique
En France, cet antibiotique ne dispose d’une autorisation (AMM, mais les médecins ont toujours la possibilité de prescrire hors AMM) que dans le cas d’une angine aiguë streptococcique (en traitement alternatif à la pénicillinothérapie), de bronchite aiguë présumée bactérienne, d’infection stomatologique (infections de la bouche comme des abcès), d’infection urogénitale à chlamydiae ou mycoplasme et de surinfection de bronchite chronique.
Malgré ses restrictions, les prescriptions de macrolides augmentent en France. Un rapport de Santé publique France* relève que la consommation des macrolides, “après une baisse continue jusqu'en 2020, a recommencé à augmenter, en partie à cause d'une utilisation accrue de l'azithromycine, dont la consommation a augmenté de 12,8 % en 2023.”
Les nouvelles recommandation d’usage de l’azithromycine voulue par l’Europe
De manière à limiter les phénomènes d'antibiorésistance, l’EMA propose d’harmoniser les indications thérapeutiques de l’azithromycine et de les réserver notamment aux affections suivantes :
- Infections des voies respiratoires supérieures et inférieures (sinusites, angines, pneumonies communautaires, etc.).
- Infections sexuellement transmissibles (chlamydia, gonorrhée).
- Infections du système reproducteur féminin (maladie inflammatoire pelvienne).
- Infections dentaires (abcès, parodontite).
- Traitement et prévention des infections à Mycobacterium avium chez les personnes vivant avec le VIH-1.
Certaines autres indications sont en revanche supprimées. Il s’agit de l'acné vulgaire modérée, des infections à Helicobacter pylori (bactérie responsable d'infections gastriques) et de la prévention des exacerbations de l'asthme. Ces indications seront donc retirées des informations du produit. La commission recommande aussi que soit noté sur les boîtes les risques d’antibiorésistance.
*Consommation d’antibiotique en secteur de ville en France 2013-2023
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35672671/
https://www.vidal.fr/medicaments/substances/azithromycine-5925.html