Un virus de l’herpès en passe de devenir une arme contre le cancer de la peau

Publié par Elodie Vaz
le 10/09/2025
Virus anticancéreux
Autre
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Un virus anticancéreux pourrait bientôt être approuvé aux Etats-Unis et en Europe après avoir réduit les tumeurs chez un tiers des personnes atteintes d'un mélanome à un stade avancé. DECRYPTAGE.

Un virus pour soigner un cancer. Non, ce n’est pas de la science-fiction mais bien une réalité. Cette option thérapeutique intrigue les chercheurs depuis plusieurs années. Une équipe de scientifiques américaine a récemment cherché à approfondir cette option thérapeutique. Dans une étude publiée le 8 juillet 2025 dans le Journal of Clinical Oncology, ils ont découvert que le virus de l'herpès réduit les tumeurs chez un tiers des personnes atteintes d'un mélanome à un stade avancé.

Depuis plus d’un siècle, les chercheurs observent que certaines infections virales pouvaient parfois réduire des tumeurs. Mais utiliser des virus « sauvages » s’est vite révélé trop dangereux. À partir des années 1990, les scientifiques ont donc commencé à les modifier génétiquement, afin qu’ils ciblent plus efficacement les cellules cancéreuses tout en préservant les tissus sains. 

Ces « virus oncolytiques » agissent de deux manières complémentaires : ils infectent et détruisent directement les cellules tumorales, et ils stimulent le système immunitaire pour qu’il s’attaque à toutes les tumeurs présentes dans l’organisme.

Le précédent du T-VEC

Le premier succès clinique est venu en 2015 avec le T-VEC, une version modifiée du virus de l’herpès simplex, approuvée aux États-Unis et en Europe. Rebaptisé Imlygic, il avait été conçu pour que les cellules cancéreuses infectées libèrent notamment une molécule immunostimulante, le GM-CSF. 

Mais son usage reste limité. « Le T-VEC n'est pas largement utilisé », rappelle sur le média américain New Scientist, le Dr Gino Kim In, de l’Université de Californie du Sud, « en partie parce qu'il n'a été testé et approuvé que pour être injecté dans des tumeurs cutanées. La plupart des personnes atteintes d'un mélanome avancé ont des tumeurs plus profondes. »

C’est là qu’intervient le RP1, un autre virus de l’herpès génétiquement modifié, conçu pour franchir cette limite. Contrairement à son prédécesseur, il peut être injecté dans des lésions plus profondes. Sa particularité : il provoque la fusion des cellules cancéreuses avec celles qui les entourent, favorisant la propagation du virus dans la tumeur et amplifiant la réponse immunitaire.

Des résultats cliniques impressionnants

Lors d’un essai mené sur 140 patients atteints d’un mélanome avancé résistant aux traitements standards, le RP1 a été administré en combinaison avec le nivolumab, un médicament d’immunothérapie. Les résultats sont frappants : 30 % des patients ont vu leurs tumeurs régresser, y compris celles qui n’avaient pas été directement injectées. Dans la moitié de ces cas, la disparition a été totale.

« La moitié des patients ont répondu complètement au traitement, ce qui signifie la disparition complète de toutes les tumeurs », explique le Dr Gino Kim In dans le média américain. « Nous sommes très enthousiastes à propos de ces résultats », ajoute-t-il. Selon lui, les options disponibles à ce stade sont moins efficaces et entraînent davantage d’effets secondaires.

Une étude de phase avancée impliquant 400 participants est encore en cours, mais la perspective d’une approbation anticipée est bien réelle. « La FDA (l’autorité sanitaire américaine, NDLR) devrait nous donner sa décision à la fin du mois », confirme le scientifique. Si le feu vert est accordé, le RP1 deviendrait le deuxième virus oncolytique autorisé aux États-Unis et en Europe après le T-VEC.

Un effet systémique inédit

L’une des grandes forces du RP1 réside dans sa capacité à déclencher une réponse immunitaire généralisée. « Il est plus susceptible d'induire une réduction de toutes les tumeurs, et pas seulement celles qui ont été injectées », souligne-t-il. « Cela indique un effet systémique plus puissant. » Cette efficacité étendue laisse espérer qu’il pourra être proposé à un plus grand nombre de patients que le T-VEC.

Un tournant pour la recherche

L’arrivée du RP1 pourrait marquer une étape décisive. D’après le Dr Gino Kim In, son adoption plus large devrait relancer tout un champ de recherche longtemps considéré comme marginal. « Je m'attends à ce que cela suscite beaucoup plus d'intérêt. »

En d’autres termes, si la FDA confirme son approbation, l’idée d’utiliser des virus pour combattre le cancer pourrait passer d’une curiosité scientifique à une véritable option thérapeutique, capable de redonner de l’espoir aux patients atteints des formes les plus avancées de mélanome.

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