Cancer : un Anglais décède après avoir pris un vermifuge pour chien, aux propriétés anticancéreuses
Sur le Net, des vidéos pour vanter les vertus du fenbendazole en cancérologie pullulent. Pensez-vous, un simple vermifuge capable de soigner un cancer à un stade avancé, de façon plus efficace qu’une chimiothérapie ou une radiothérapie, voilà qui redonne de l’espoir à de nombreux patients.
En janvier dernier, c’est même l’acteur Mel Gibson qui affirmait pendant une interview que plusieurs des ses amis avaient réussir à guérir de cancers incurables grâce à des antiparasitaires pour animaux, dont le fenbendazole, le même qui a été avalé pendant plus de trois semaines par Lee Redpath, l’anglais de 45 ans qui est décédé il y a quelques mois.
Le hic ? Ces effets d’annonce et vidéos ne s’appuient sur aucune donnée scientifique fiable. S’il est vrai que le fenbendazole, une molécule utilisée comme vermifuge pour débarrasser les intestins des animaux des parasites, a suscité l’intérêt des chercheurs pour ses propriétés anticancéreuses, aucune donnée validée rigoureusement par des études sérieuses n’est venue confirmer à ce jour un intérêt thérapeutique dans le traitement contre le cancer.
Surtout, cette molécule est particulièrement dangereuse pour le foie humain.
Vermifuges pour animaux : des lésions irrémédiables sur le foie
Pour ce qui concerne le cas de Lee Redpath, il n’y a aucun doute, c’est bien le fenbendazole (et non son cancer) qui l’a tué. La médecin légiste, la Dre Caroline Jones, a déclaré aux autorités britanniques que M. Redpath avait avoué aux médecins avoir visionné “des vidéos sur les sites de médias sociaux sur les prétendues propriétés anticancéreuses [du fenbendazole]” et a déclaré qu'il était “probable que le fenbendazole utilisé sur une période prolongée à fortes doses soit la cause principale” des lésions hépatiques aiguës qui ont conduit à son décès. Sachant que ce patient présentait déjà une cirrhose à cause d’un alcoolisme antérieur.
Au-delà des précautions d’usage essentielles en cas d’information glanées sur le Net, surtout concernant des maladies aussi graves que le cancer, il est important de rappeler que les médicaments formulés pour les animaux ne doivent jamais être avalés par les humains.
Peut-on prendre des médicaments destinés aux animaux ?
Peut-on prendre des médicaments destinés aux animaux ?
“Aucun humain ne doit prendre de médicament vétérinaire, confirme la Dre Farah Kesri, vétérinaire et auteure de Même pas bêtes (éditions Glénat), car nos organismes ne réagissent pas forcément de la même manière aux molécules pharmacologiques. Ces dernières ont été testées sur une espèce animale à des doses et selon le poids de l’animal. L’effet peut donc être toxique pour un humain. Bien que nous soyons des mammifères comme bon nombre de nos animaux de compagnie, il faut être conscient des différences, par exemple, certaines de nos enzymes ne sont pas présentes chez les animaux.” C’est pourquoi, les chiens ne peuvent pas manger d’oignons, de raisins secs ou de chocolats, au risque d’être malades. Alors que nous les assimilons de notre côté parfaitement.
Les risques d’intolérance aux médicaments vétérinaires avec des conséquences potentiellement graves, comme ce qu’il s’est passé en Angleterre ne doivent pas être sous-estimés.
L’inverse, toutefois, n’est pas forcément vrai : les animaux peuvent parfois prendre des médicaments formulés pour les humains. Mais attention, c’est uniquement dans un cadre strict et encadré par le vétérinaire.
Médicaments vétérinaires : une réglementation stricte
“Pour les vétérinaires, la réglementation en pharmacologie est extrêmement stricte, explique la Dre Farah Kesri, et surtout les prescriptions doivent répondre au principe de la cascade”. Le vétérinaire doit ainsi toujours donner en première intention un médicament formulé pour l'espèce animale spécifique en tenant compte de la taille et du poids pour adapter la posologie. S’il n’y a pas de médicaments dédié, il devra se tourner vers un autre médicament formulé à l’intention d’une autre espèce animale et c’est seulement en cas d’absence de solution dans cette catégorie qu’il pourra orienter vers un médicament humain ou une préparation magistrale.
Notons que certains médicaments humains sont en outre interdits aux animaux alors qu’on sait qu’ils pourraient les soigner, dans le but de préserver la santé de la population. C’est le cas de certains antibiotiques que l’on réserve aux humains pour ne pas créer une antibiorésistance.
En aucun cas, conclut la spécialiste, il ne faut donner à son animal un médicament humain en automédication.
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Interview de la Dre Farah Kesri, vétérinaire