Pollution de l’air : un nouveau suspect dans l'apparition de cette maladie dégénérative du cerveau

Publié par Elodie Vaz
le 16/09/2025
Pollution et démence
Istock
Image d'illustration
Respirer de l’air pollué n’abîmerait pas seulement les poumons. Une étude américaine montre que les particules fines pourraient aussi favoriser une pathologie du cerveau liée à la mémoire et aux mouvements.
 

Il n’y a pas que les poumons qui subissent l'air pollué. D’après une étude américaine publiée dans la revue scientifique Science le 4 septembre, les fines particules en suspension dans l’air, les fameuses PM2,5, si petites qu’elles pénètrent en profondeur dans les bronches, pourraient aussi favoriser une affection du cerveau encore peu connue : la maladie à corps de Lewy. Une pathologie neurodégénérative qui touche près de 11 millions de personnes dans le monde, et 200 000 en France.

Des données de santé à grande échelle

Les chercheurs ont analysé les dossiers médicaux de plus de 56 millions d’adultes aux États-Unis, hospitalisés entre 2000 et 2014. "Les gens qui étaient hospitalisés pour la première fois pour une maladie à corps de Lewy étaient des personnes qui étaient plus en contact avec les particules fines", explique Frédéric Blanc, professeur de médecine en gériatrie aux hôpitaux universitaires de Strasbourg au micro de France Inter mardi 9 septembre. 

Les résultats sont frappants : plus la concentration de PM2,5 augmente, plus le risque d’être hospitalisé pour une maladie à corps de Lewy grimpe, jusqu’à 12 % de risque supplémentaire, et même davantage pour certaines formes liées à Parkinson.

Des expériences sur les animaux qui confirment l’alerte

Pour comprendre ce qui se passe dans l’organisme, l’équipe a aussi mené des tests sur des souris. Elles ont été exposées pendant près d’un an à de l’air contenant des PM2,5, comme si elles vivaient dans une grande ville très polluée. Chez ces animaux, les scientifiques ont observé : une perte de neurones, une atrophie du cerveau, des difficultés de mémoire et d’apprentissage, et surtout la formation d’amas d’une protéine appelée alpha-synucléine.

Ces amas, qu’on appelle “corps de Lewy”, sont justement la signature de la maladie chez l’humain. Leur objectif : détruire les cellules nerveuses présentes dans le cerveau, ce qui est à l’origine de cette maladie.

Un mécanisme inquiétant

Les chercheurs pensent même que la pollution pourrait créer une forme particulière d’alpha-synucléine, plus résistante et plus toxique que d’habitude. Et ce phénomène ne semble pas limité à un type de pollution : les particules prélevées en Europe, en Chine ou aux États-Unis produisent des effets similaires.

Des conséquences pour notre santé publique

Jusqu’ici, on savait que la pollution de l’air augmentait le risque de maladies cardiaques, d’asthme ou de cancers. Cette étude montre qu’elle pourrait aussi contribuer à certaines maladies neurodégénératives, qui touchent la mémoire et le contrôle des mouvements.

Bien sûr, les chercheurs restent prudents : les études sur les animaux ne se traduisent pas toujours directement chez l’homme, et d’autres facteurs tels que l’alimentation, le mode de vie, et les autres autres polluants, peuvent entrer en jeu. Mais le signal reste fort : la pollution s'immisce partout.

Un enjeu collectif

Les particules fines proviennent surtout des véhicules, du chauffage au bois, de certaines industries ou des feux de forêt. Réduire leur présence dans l’air est possible : normes plus strictes pour les voitures, amélioration du chauffage domestique, développement des transports publics… autant de mesures qui, au-delà du climat, pourraient protéger la santé humaine.

Avec ce résultat, le neurologue Xiaobo Mao qui a dirigé cette recherche, a appelé sur le Guardian à améliorer la qualité de l’air. « L’implication la plus directe [de cette étude] est que les politiques de purification de l’air sont des politiques de santé cérébrale. »

Google News