Vitamine D : se supplémenter peut-il être dangereux ? Des scientifiques alertent
L’hiver approche, les journées raccourcissent et, avec elles, notre exposition au soleil. Résultat : beaucoup d’entre nous manquent de vitamine D, un nutriment clé pour l’ossature mais aussi pour l’immunité. « Au Royaume-Uni et dans d'autres régions situées à des latitudes nordiques, de nombreuses personnes souffrent en hiver d'une ostéomalacie légère (appelée rachitisme chez les enfants), causée par un manque de vitamine D, qui se manifeste par une léthargie, des douleurs osseuses, des douleurs musculaires, une sensibilité aux infections et de la fatigue, sans qu'elles s'en rendent compte », rappelle à nos confrères de New Scientist, Susan Lanham-New, scientifique à l'université du Surrey.
Notre organisme fabrique de la vitamine D lorsque les rayons ultraviolets transforment une protéine de la peau, le 7-déhydrocholestérol, en vitamine D3. Mais quand la lumière manque, les compléments deviennent essentiels. Ils se présentent sous deux formes : la vitamine D3, ou cholécalciférol, issue en général de la lanoline de laine de mouton, et la vitamine D2, ou ergocalciférol, extraite de champignons. Longtemps, les scientifiques pensaient que le choix de l'une ou l'autre forme n'avait pas vraiment d'importance.
Une surprise scientifique
Mais aujourd’hui, cette certitude vacille. Dans une étude publiée dans la revue scientifique Nutrition le 18 septembre, Emily Brown, membre de l’équipe de chercheurs de l’université du Surrey, a passé au crible 11 essais cliniques randomisés totalisant 655 participants. Son équipe a observé que « la prise de compléments alimentaires à base de vitamine D2 pouvait entraîner une baisse de la concentration de vitamine D3 dans l'organisme », explique-t-elle dans l’article britannique. Plus étonnant encore, des niveaux de vitamine D3 plus faibles apparaissent] chez les personnes prenant de la vitamine D2 que chez les groupes témoins ne prenant aucun supplément. « C'est un effet jusqu'alors inconnu », souligne la chercheuse.
Des rôles différents
Cette découverte compte, car une étude de 2022 a montré que les deux formes n’agissent pas tout à fait de la même façon sur l’immunité. Seule la D3 « stimule le système de signalisation de l'interféron de type I, qui constitue la première ligne de défense contre les bactéries et les virus ». Autrement dit, un déficit en D3 pourrait priver l’organisme de ce renfort de protection.
Alors faut-il abandonner la D2 ? Pas nécessairement et surtout pas sans un avis médical. Emily Brown nuance : « Votre taux total de vitamine D restera suffisant si vous prenez des compléments de vitamine D2, mais vous constaterez peut-être qu'ils sont moins efficaces et que vous perdez ces fonctions supplémentaires en termes de soutien immunitaire. »
Vers une vitamine D3 végétale
Pour certains publics, la D2 conserve même des atouts. « Chez les personnes âgées, la conversion de la vitamine D3 en sa forme active appelée calcitriol peut être moins efficace, de sorte que la supplémentation en D2 peut être particulièrement bénéfique pour cette population », note Ouliana Ziouzenkova, de l’université d’État de l’Ohio. Et pour les personnes végétaliennes, Bernadette Moore, de l’université de Liverpool, est claire : « En l'absence de preuves d'effets négatifs, si une personne végétalienne présente une carence en vitamine D, opter pour un complément en D2 plutôt que de ne prendre aucun complément reste probablement le choix le plus prudent. »
Pour concilier efficacité immunitaire et refus des produits animaux, la recherche explore de nouvelles pistes : une tomate génétiquement modifiée capable de produire de la vitamine D3 est déjà en test.