Vous l’avez peut-être déjà aperçue, nichée sur l’avant-bras d’un passant. Une pastille grise, grande comme deux pièces d’un euro. Il s’agit d’un capteur de glycémie, qui, grâce à un cathéter planté sous la peau, mesure le taux de glucose dans le sang. Relié à une application, il permet aux personnes diabétiques de constater, heure après heure, comment la glycémie varie, au gré des efforts et des collations du quotidien. L’application indique si vous êtes en hypoglycémie ou en hyperglycémie, ou dans la “plage viable”. Cet outil a révolutionné la prise en charge des patients diabétiques et leur médecin traitant, puisqu’il permet un suivi efficace et régulier, sans charge mentale.
A lire aussi :
8 applis santé validées par les médecinsCapteurs de glycémie : on a testé !
Dans le cadre d’une conférence de presse menée par le laboratoire Abbott pour parler du Freestyle Libre 2, un des capteurs les plus connus du marché, nous avons nous-même testé le dispositif, à la rédaction Medisite. Et le résultat était étonnant ! Quelques minutes après avoir goûté un en-cas sucré, la courbe de glycémie montait en flèche. D’un autre côté, une séance de sport (comme, pour ma part, mon usuel cours de yoga hatha du vendredi soir) a fait chuter le taux de glucose façon rollercoaster. L’outil est très réactif. Aussi, il devient presque amusant de surveiller sa glycémie, heure après heure.
Si ce capteur est efficace, notez toutefois que toutes les méthodes de mesure de glycémie ne se valent pas : certains dispositifs prétendant mesurer la glycémie sans piqûre, comme des montres connectées, ne sont pas homologués par les autorités sanitaires françaises. La Fédération Française des Diabétiques met en garde contre ces produits, qui peuvent représenter un danger réel en raison de leur fiabilité non prouvée.
Les dérives du capteur de glycémie
Un outil ludique et accessible pour mesurer sa glycémie ? Génial pour les patients diabétiques, pour qui la maladie est déjà un poids quotidien, et qui avaient bien besoin d’être délestés de certaines étapes (comme tenir un carnet de glycémie régulier à fournir au médecin, ou se faire des piqûres au doigt tous les jours). Toutefois, il y a un revers de médaille à cette facette “fun” : les dérives qui lui sont associées. Les capteurs de glycémie sont en libre accès en pharmacie, ne nécessitent pas d’ordonnance. N’importe qui peut donc s’en procurer. Pour quoi faire, vous demanderez-vous ? Suivre l’obsession de toutes et tous dans un monde où le culte de la minceur ne nous a jamais tout à fait quitté : contrôler son poids. C’est ce que promeut Jessie Inchauspé dans son livre “Faites votre glucose révolution”. Un ouvrage polémique puisqu'il invite à acheter des capteurs glycémiques pour contrôler son glucose et ses fringales. Une dérive que les médecins et laboratoires à l'initiative des dispositifs déplorent : “Le capteur n’est pas fait pour une perte de poids. C’est un dispositif médical remboursé par l’Assurance Maladie à destination des diabétiques pour surveiller leur glycémie en continu”, soutient un de nos contacts travaillant auprès des laboratoires Abbott. Son utilisation pour contrôler vos apports en sucre ou vos fringales est donc coûteuse, d’une part, mais aussi dangereuse, puisque cet outil n’est pas du tout pensé comme un outil de régime.
Contrôler son glucose pour perdre du poids : une bonne idée ?
Cette méthode part d’un postulat qui est réel : quand la glycémie est stable, vous évitez les chutes ou pics rapides de sucre dans le sang, des variations brutales qui entraînent souvent des fringales. Stabiliser la glycémie permet donc de ne plus avoir de fringales. Cependant, une perte de poids viable et durable ne saurait se résumer à votre taux de glycémie. L’excès de sucre est un enjeu de santé, mais votre surpoids peut s’expliquer d’une multitude de façons : anxiété, alimentation déséquilibrée, manque d’exercice physique… Avoir un capteur de glycémie n’est pas la réponse magique pour vous faire perdre du poids.
Par ailleurs, un mauvais usage de ces capteurs peut entraîner des troubles du comportements alimentaires (ou TCA), qui ont un fort impact sur la santé physique et mentale. A la moindre bouchée, vous pouvez prendre le réflexe de filer sur votre application, voir si votre glycémie monte ou non. Ce rapport contrarié à la nourriture n’est pas bon pour la santé, et peut même entraîner un revers de bâton : vous vous privez, et ensuite patatra, vous êtes frustrés et avez ensuite des pulsions alimentaires qui entraînent un effet yo-yo.
La loi Delaporte-Vojetta
En réponse à ce phénomène dangereux pour la santé, l’Assemblée Nationale a mis en place une loi le 9 juin 2023, connue sous le nom de loi Delaporte-Vojetta, visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Elle a été promulguée en réponse à des pratiques problématiques, notamment la promotion de dispositifs médicaux tels que les capteurs de glucose à des fins non médicales, comme la perte de poids ou l'amélioration des performances sportives.
