L'évolution du carnet de santé qui marque les changements d'une société

Publié par Elodie Vaz
le 04/01/2025
Ce petit carnet qui suit notre histoire, de la naissance à la fin de vie, a bien changé depuis sa création. Le 1er janvier 2025, une nouvelle version voit le jour. Encore une modification qui marque le renouveau d’une société.

C’est le premier document remis à la sortie de la maternité. Un petit livret aux pages encore vierges qui va nous suivre pendant des années. Il raconte l’enfance, l’adolescence et, pour ceux qui l’ont conservé précieusement, la vie d’adulte. Depuis sa création, il a changé de visage et de ton, mais il a toujours gardé le même rôle : éclairer chaque étape de notre histoire médicale. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, de nouveaux axes de prévention y sont apparus, reflet d’une société en constante évolution.

La première version du carnet de santé apparaît en 1868. Le docteur Jean-Baptiste Fonssagrives, médecin à Montpellier, publie "Le Rôle des mères dans les maladies des enfants et ce qu’elles doivent savoir pour seconder le médecin". Il imagine alors un petit livret à leur usage, où elles consignent la croissance et les maladies de leurs enfants, de la naissance à quatre ans. Payant et destiné aux familles aisées, l’ouvrage peine à s’imposer et tombe vite dans l’oubli.

Il faut attendre 1938 pour que le carnet de santé tel que nous le connaissons voie le jour. Son autrice, Louise Hervieu, dessinatrice et écrivaine née en 1878, milite pour sa création. Le 1ᵉʳ juin 1939, un arrêté ministériel officialise son idée : « Chaque enfant doit être pourvu à sa naissance d’un carnet de croissance délivré gratuitement, conçu pour recevoir les renseignements prévus par le règlement d’administration publique. »

L’obligation en 1942

En 1942, la version de Louise Hervieu devient obligatoire. Petit et gris, le carnet accompagne désormais chaque naissance. Jusqu’au milieu des années 1970, il contient peu d'informations. Puis il s’agrandit, les pages se multiplient, et les courbes de taille et de poids y trouvent leur place. Dans les années 1980, il adopte sa célèbre couverture bleu marine, restée emblématique.

Aujourd’hui, le carnet de santé entre dans une nouvelle phase, marquée par l’ère du numérique. « Dans un monde envahi par les écrans, on a tendance à placer les enfants devant. On voit bien qu’ils sont captivés et qu’ils ne font plus rien d’autre », explique à France Info la docteure Khadoudja Chemlal, coordinatrice de la nouvelle version. « La surexposition aux écrans nuit gravement au développement psychomoteur de l’enfant », ajoute-t-elle.

« C’est un miracle de le retrouver à chaque fois qu’un soignant me le demande. Il commence sérieusement à se détériorer. La version numérique ne sera pas une mauvaise chose »

Des pages entières sont désormais consacrées à la prévention : alimentation, santé mentale, violences physiques et psychologiques. Une section aborde même les conséquences de ces violences. « Cela pourrait provoquer un déclic chez certains parents confrontés à ces situations », confie au Monde Brigitte Virey, première vice-présidente du Conseil national professionnel de pédiatrie.

Vers la fin du papier

Témoin de plusieurs générations, cet outil, qui a traversé guerres et bouleversements sociaux, s’apprête à disparaître sous sa forme papier. Il sera bientôt remplacé par une version numérique, plus durable et plus accessible. « C’est un miracle de le retrouver à chaque fois qu’un soignant me le demande. Il commence sérieusement à se détériorer. La version numérique ne sera pas une mauvaise chose », confie Émilie, 34 ans.

Témoin discret de nos premières fièvres, de nos vaccins et de nos grandes étapes, découvrez en images l’évolution du carnet de santé, de 1960 à nos jours.

Année 1960

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Crédit : Marie-Dominique Stef

Pour les enfants nés au début des années 1960, un petit livret gris d’une quarantaine de pages leur est remis. Sobre et fonctionnel, il rassemble les principales données liées à la naissance et à la vaccination. À cette époque, seules deux vaccinations sont recommandées : le DT-Polio (diphtérie, tétanos, poliomyélite) et le ROR (rougeole, oreillons, rubéole).

Année 1970

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Crédit : Marc Stef

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, le carnet change d’aspect : il devient bleu et son contenu s’étoffe, passant de 40 à 96 pages. Toujours de petit format, il intègre quelques pages de prévention, notamment sur l’alimentation et les dangers de l’alcool pour les enfants. En 1973, il s’allonge encore pour atteindre 104 pages.

Année 1980

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Crédit : Elodie Vaz

La version des années 1980 conserve la même structure que celle de 1973. Elle compte 104 pages, retrace les différentes étapes de la vie de l’enfant et consacre une partie importante à la vaccination. En revanche, les messages de prévention disparaissent peu à peu de son contenu.

Année 1990

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Crédit : Morgane Thivent

À partir des années 1990, le carnet de santé change de fonction : il devient un véritable outil éducatif destiné aux parents, aux soignants et aux enfants. Plus qu’un simple document médical, il se transforme en support de prévention et d’information, offrant aux jeunes qui n’osent pas toujours poser de questions quelques premières réponses.

Année 2000

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Crédit : Loick Brisson

Au début des années 2000, la prévention reprend toute sa place. Le carnet devient plus coloré, plus attrayant, et son ton se fait résolument plus dynamique pour encourager la lecture et la compréhension.

Année 2010

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Crédit : Elodie Vaz

Les années 2010 prolongent cette approche éducative. Les rubriques de prévention s’enrichissent de conseils sur l’alimentation, le sommeil, ainsi que sur la sexualité à l’adolescence, désormais considérée comme un volet essentiel de la santé globale.

Année 2020

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Crédit : Elodie Vaz

À partir du début des années 2020, de nouveaux messages apparaissent, notamment sur la gestion du temps d’écran avant trois ans. Le carnet aborde également l’alimentation, le sommeil, la sécurité, les troubles sensoriels, mais aussi les gestes pour préserver un environnement sain, à la maison comme à l’extérieur, ainsi que la sexualité.

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