Diabète de type 2 : un risque de cancer du foie multiplié par quatre
La frontière entre diabète et cancer serait plus mince qu’on ne l’imagine. C’est ce que révèle une étude publiée le 22 mars 2025. Présentée lors du congrès européen sur l’obésité (ECO 2025) à Malaga, l’équipe de scientifiques confirme un lien préoccupant entre cette maladie métabolique et plusieurs cancers liés à l’obésité. Les conclusions de cette recherche menée par le Centre de recherche biomédicale de Manchester pourraient bien changer la manière dont les médecins surveillent les nouveaux patients diabétiques.
Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont analysé les données de la UK Biobank de près de 95 000 adultes, dont 23 750 avaient récemment reçu un diagnostic de diabète de type 2. Chaque personne révélée positif a été comparée à trois personnes non-diabétiques, équivalentes en âge, en sexe et en indice de masse corporelle (IMC). L’objectif : déterminer si le développement récent d’un diabète est lié à une augmentation du risque de cancers dits « liés à l’obésité », comme ceux du foie, du pancréas, du rein, ou encore du côlon.
Les résultats sont sans appel. Sur une période de cinq ans de suivi, les participants diabétiques ont présenté 2 431 nouveaux cas de cancers, contre 5 184 chez les témoins non diabétiques. En tenant compte de l’âge, du tabac ou de la consommation d’alcool, l’étude conclut que le diabète de type 2 augmente globalement de 48 % le risque de cancer lié à l’obésité chez les hommes et de 24 % chez les femmes.
Le foie et le pancréas particulièrement concernés
Mais tous les cancers ne sont pas touchés de la même manière. Chez les personnes diabétiques, le risque de cancer du foie est presque multiplié par quatre chez les hommes, et par cinq chez les femmes. Le cancer du pancréas est lui aussi particulièrement concerné : +74 % de risque chez les hommes, et presque le double chez les femmes. Le cancer colorectal augmente lui de 27 % chez les hommes et de 34 % chez les femmes.
En revanche, aucune hausse significative n’a été observée pour d’autres cancers pourtant souvent associés à l’obésité, comme ceux de l’endomètre ou du sein post-ménopausique.
Une relation complexe et encore mal comprise
Les chercheurs insistent sur les limites de leur étude. “On ne peut pas affirmer que le diabète provoque directement ces cancers. En effet, le diabète de type 2 et certains cancers partagent de nombreux facteurs de risque communs, notamment l’obésité, le manque d’activité physique et une alimentation déséquilibrée”, précise le communiqué de presse.
De plus, les scientifiques rappellent qu’il existe un biais de détection. Lorsque le diabète est diagnostiqué, les patients subissent souvent plus d’examens médicaux, ce qui augmente la probabilité de découvrir un cancer à ce moment-là.
Pourquoi de telles différences entre hommes et femmes ?
L’étude montre des écarts selon le sexe, mais sans explication claire. Les chercheurs avancent plusieurs pistes : rôle des hormones, différences dans la sensibilité à l’insuline, ou encore répartition différente de la masse grasse entre les hommes et les femmes. Il est aussi possible que ces écarts soient liés au simple nombre de cas détectés, plus élevé chez les hommes dans cette cohorte.
Une hypothèse biologiquement plausible questionne les chercheurs : l’hyperinsulinémie, c’est-à-dire une concentration trop élevée d’insuline dans le sang. Ce phénomène, fréquent dans le diabète de type 2, pourrait favoriser la croissance et la prolifération de cellules cancéreuses. « L’hyperinsulinémie nous semble un mécanisme sous-jacent plausible », expliquent les auteurs, qui appellent à poursuivre les recherches sur cette voie.
Une alerte pour la prévention et le dépistage
Au-delà du constat scientifique, cette étude envoie un message clair : le diagnostic d’un diabète de type 2 doit inciter à une vigilance accrue vis-à-vis de certains cancers, en particulier ceux du foie et du pancréas. Les auteurs estiment qu’une surveillance ciblée pourrait permettre une détection plus précoce de ces tumeurs, souvent silencieuses au début de leur évolution.