Pourquoi le microbiote joue un rôle majeur dans les cancers digestifs, l’obésité et le diabète ? Les réponses de Benoit Chassaing, chercheur spécialiste du microbiote à l'Institut Pasteur

Publié par Sandrine Coucke-Haddad
le 12/11/2025
microbiote et cancer
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INTERVIEW. Les cancers plus agressifs et chroniques ? C’est aussi à cause du microbiote, explique Benoit Chassaing, Directeur de Recherche INSERM et responsable de l’équipe Interactions Microbiote-Hôte à l’Institut Pasteur, qui a accepté de répondre à nos questions. 

 

Medisite : On parle beaucoup du microbiote ces dernières années mais on a l'impression de découvrir de nouvelles choses constamment. Est-ce vrai ? 

Benoit Chassaing, Directeur de Recherche INSERM et responsable de l’équipe Interactions Microbiote-Hôte à l’Institut Pasteur : En réalité, on sait depuis très longtemps, plusieurs siècles, que notre organisme est colonisé par des micro-organismes, des bactéries, des champignons… Mais la recherche sur le microbiote ne date elle que d’une vingtaine d’années, à la faveur du développement de la biologie moléculaire

Ces recherches ont permis d’identifier un nombre important de pathologies qui sont en lien avec le microbiote, en particulier les maladies chroniques. On sait avec certitude que le microbiote joue un rôle important dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, le diabète, l’obésité, le cancer colorectal, etc. 

Je pense que l’on est aujourd’hui à un stade où l’on commence vraiment à comprendre comment il est impliqué, on décortique les mécanismes d’action du microbiote dans ces pathologies chroniques. Se faisant, nous allons avoir des leviers d’action, comme cela est déjà le cas avec les transplantations fécales pour certaines infections récurrentes. On peut ainsi espérer, dans un avenir proche, soigner nombre de pathologies simplement en agissant sur le microbiote. C’est un tournant. 

 

Certains travaux récents semblent pointer un lien entre le microbiote et certains cancers, notamment les cancers digestifs. Pouvez-vous nous expliquer comment cela est-il possible ?  

B. C. : Le lien entre microbiote et cancers peut être lié à plusieurs mécanismes. Il y en a notamment deux qui nous intéressent plus particulièrement. 

Le premier mécanisme est directement lié au bactéries : certaines bactéries - E-coli par exemple - peuvent synthétiser de petites molécules toxiques et ainsi modifier l’ADN, conduisant au cancer. 

Le second mécanisme est lié à l’inflammation, qui va en quelque sorte “nourrir” le cancer. Ce n’est pas forcément l’inflammation qui va faire apparaître le cancer, en revanche, l’inflammation va nourrir la chronicité et la sévérité du cancer. Or on sait très bien qu'un microbiote en mauvaise santé peut conduire à l’inflammation. Ces deux mécanismes peuvent en outre se combiner. 

Un autre lien dont on parle moins, c’est celui qui existe entre le microbiote et la réponse aux traitements anticancéreux, notamment l’immunothérapie. L’immunothérapie va être plus ou moins efficace en fonction du microbiote et des travaux ont pointé une meilleure réponse aux traitements chez des patients qui avaient un microbiote en bonne santé. 

 

Que sait-on aujourd'hui avec certitude sur les aliments qui sont bénéfiques ou au contraire délétères pour notre microbiote ? 

B. C. : Nous travaillons beaucoup sur ces questions dans notre laboratoire. Et ce que nous observons c’est que l’alimentation transformée et ultra-transformée est négative pour notre microbiote, et ceci est principalement dû à la présence d’additifs (colorants, agents émulsifiants…) nombreux que ce type d’alimentation contient. Nous avons à ce jour collecté énormément de données qui s'accumulent sur l’impact délétère de ces additifs sur le microbiote : certains de ces additifs se comportent comme de réelles molécules antibactériennes. 

Or nous savons désormais qu’un microbiote en bonne santé est un microbiote qui est bien nourri, car composé de tout un tas d’espèces différentes qui ont des besoins nutritionnels variés. Ainsi, une alimentation variée, et surtout riche en fibres, est intéressante car elle comble les besoins de ces nombreuses espèces  bactériennes. 

 

 

 

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Interview de Benoit Chassaing, octobre 2025. 

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