Seins volumineux : comment adapter le dépistage du cancer du sein ?

Les seins volumineux compliquent la lecture des mammographies et peuvent retarder le diagnostic du cancer du sein. Entre imagerie 3D, IRM ou angio-mammographie, les spécialistes adaptent les examens pour mieux dépister et rassurer toutes les femmes.
 

Chaque année, le mois d’octobre met en lumière la place des femmes dans la lutte contre le cancer du sein. C’est la tumeur la plus fréquente chez la femme en France et la première cause de mortalité par cancer, avec 12 146 décès en 2018 selon Santé publique France. Ce chiffre, qui fait froid dans le dos, pourrait pourtant être revu à la baisse grâce au dépistage. L’examen de première intention reste la mammographie. Simple et rapide pour la majorité des femmes, cet examen de radiologie peut toutefois se transformer en véritable parcours du combattant pour celles en surpoids, les images étant parfois difficiles à interpréter.

La raison : une masse graisseuse trop importante dans le sein. Les seins volumineux renferment davantage de tissus glandulaire et fibreux, en plus de la graisse qui donne à la poitrine sa taille et sa forme. « La graisse dans la peau baisse la sensibilité de la mammographie », explique le Dr Luc Rotenberg, radiologue spécialisé dans le cancer du sein pour le groupe d’imagerie Cardinet et membre de l’Institut du sein Hartmann.

Le positionnement, un temps de placement indispensable pour une image nette

À cette difficulté s’ajoute le positionnement du sein. La mammographie, qui utilise des rayons X à faible dose, est réalisée grâce à un appareil appelé mammographe. « Il faut voir la mammographie comme une photographie : elle ne prend que la zone dans son champ de vision. Pour les seins trop volumineux, nous sommes parfois confrontés à un problème de taille où le sein dépasse », précise le spécialiste.

« J’ai eu ma première mammographie en 2006, à la suite d’une boule que j’ai ressentie dans le sein. Cette expérience m’a bouleversée. Les soignants m’ont manipulé le sein dans tous les sens au moment de l’installation à cause de mon obésité. C’était vraiment désagréable », se souvient Sandrine, 59 ans.

Malgré les obstacles, cet examen demeure la méthode de référence pour le dépistage du cancer du sein. Fortement recommandées pour les femmes âgées de 50 à 75 ans, les autorités sanitaires préconisent un contrôle tous les deux ans. « Dans le cas d’un indice de masse corporelle (IMC) élevé, les doses de rayonnement doivent être plus importantes pour traverser le sein. Il faut le faire avec des mammographes modernes et utiliser la tomosynthèse », précise le spécialiste.

Des examens adaptés pour un dépistage plus précis

Cette technique d’imagerie, aussi appelée « mammographie 3D », permet d’obtenir un cliché numérique reconstitué en trois dimensions à partir d’images du sein prises sous différents angles. « Elle donne plus de précision et est intéressante chez les femmes avec un IMC élevé. »

Si le radiologue n’est pas satisfait du cliché (présence d’anomalies ou seins trop denses), il peut prescrire une échographie mammaire. « C’est un examen d’imagerie médicale qui utilise la technologie des ultrasons pour produire des images de l’intérieur de la glande mammaire. »

Deux autres examens peuvent être envisagés selon l’analyse du radiologue : l’IRM et l’angio-mammographie. « L’IRM est particulièrement utile en présence de seins denses, ou pour contrôler une masse suspecte lors des précédents examens. » La Société européenne d’imagerie mammaire recommande un dépistage complémentaire par IRM tous les deux à quatre ans pour les femmes présentant des seins extrêmement denses.

L’angio-mammographie, fusion entre la mammographie et le scanner, consiste en une mammographie avec injection d’iode. « Elle se pratique sur un mammographe standard. » Reconnue par la Haute Autorité de santé depuis 2021, cette technique permet d’obtenir des images comparables à celles de l’IRM.

L’appui de l’intelligence artificielle

Et parce qu'elle est aujourd’hui partout, l’intelligence artificielle offre un soutien précieux aux radiologues. « Elle permet une détection plus précise des lésions. Sa fiabilité est supérieure à celle de l’œil humain lorsqu’elle est intégrée aux données médicales cliniques, biologiques et génétiques », explique le Dr Luc Rotenberg. « Néanmoins, elle est précise à condition qu’elle soit bien entraînée. Le problème, c’est que les logiciels ne sont pas suffisamment entraînés avec des datas de patients en surpoids », ajoute-t-il.

Ces examens permettent de réduire le risque de voir apparaître un cancer du sein à un stade avancé. Mais encore faut-il que les femmes en surpoids se fassent dépister. Les contraintes logistiques liées à l’installation ou la peur d’être jugées les conduisent parfois à renoncer. « C’est notre rôle, en tant que professionnels de santé, de les rassurer et de les mettre à l’aise pour que l’examen se déroule dans de bonnes conditions et qu’elles n’aient plus peur de revenir lors du prochain dépistage. »

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Interview avec le Dr Luc Rotenberg, radiologue spécialisé dans le cancer du sein pour le groupe d’imagerie Cardinet et membre de l’Institut du sein Hartmann.

https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2022/depistage-du-cancer-du-sein-quelle-participation-des-femmes-en-2021 

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3121421/fr/mammographie-par-tomosynthese-des-questions-a-traiter-avant-une-eventuelle-integration-dans-le-depistage-organise-du-cancer-du-sein 

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