Creuse : un tiers des habitants de ce village français atteints par le cancer, une habitante demande une enquête

Corbigny est un hameau paisible situé à quelques encablures de la petite ville de Guéret (23 000 âmes) dans le département de la Creuse. D’ordinaire, les habitants de ce hameau - une quarantaine d’habitants -  y coulent une vie plutôt calme. Mais depuis quelques années, un nombre très élevé de cancers pose questions. Sur les vingt-trois foyers qui composent ce hameau, pas moins d’un tiers des habitants est ou a été atteint par un cancer. 

C’est une habitante de Corbigny qui sonne l’alerte auprès de nos confrères du quotidien régional La Montagne et demande aux Autorités de se saisir de l’affaire. “Là, cette maison. Ma voisine est décédée il n’y a pas longtemps d’un cancer du sein à 57 ans. La grande maison ici, cancer du poumon. Celle-ci, cancer du pancréas. Là, un autre cancer. Ici, un cancer des voies ORL. Derrière ces maisons, il y en a une autre, un cancer de la prostate…” explique cette habitante de 57 ans, aujourd’hui à la retraite, qui ne veut pas être considérée comme une lanceuse d’alerte ni divulguer son nom. 

Au total, le cancer est entré dans la vie de (trop) nombreux habitants : “On recense douze cas de cancers dont six décès sur les vingt-trois foyers” du hameau, détaille La Montagne. “Une maison sur deux est touchée”, insiste la femme de 57 ans, qui a perdu son mari il y a dix ans d’un myélome multiple, alors qu’il n’était âgé que de 47 ans. Comment expliquer cette hécatombe ? Une simple coïncidence ? Cette habitante est convaincue qu’il y a autre chose, sans doute dans “l’environnement où l’on vit à Corbigny à laquelle on est exposé. C’est peut-être une multitude de facteurs qui se conjuguent à cet endroit. C’est ce qui inquiète beaucoup mes enfants, surtout ma fille…”. La ligne à haute tension qui passe au-dessus du hameau ? Le déversoir d’orage potentiellement pollué ? Les particules fines venues de la quatre voies toutes proches ? 

Cas inexpliqués de cancers dans la Creuse : l’ARS envoie une fin de non recevoir 

Inquiète depuis quelques mois, cette Guérétoise a alerté la préfecture et l’Agence régionale de santé. Mais pour les autorités, ces cas de cancers ne sont pas significatifs, on ne peut pas parler de cluster. 

ARS et préfecture ont ainsi répondu à cette quinquagénaire qu’après de “nouveaux échanges entre les médecins de l’ARS Nouvelle-Aquitaine et Santé publique France, il ressort que la diversité des localisations des cancers ne permet pas de valider ce signalement comme un agrégat spatio-temporel. Par conséquent, et au regard des avis d’experts formulés, et de l’absence de signaux sanitaires et environnementaux sur cette zone, il n’est pas envisageable de mener une étude épidémiologique spécifique sur ce territoire”. Pas sûr que cela suffira à faire taire les inquiétudes. 

Des cas inexpliqués de cancers ou de malformations partout en France

Ce n’est pas la première fois que des cas regroupés de cancers posent question en France. La pollution et l'environnement, on le sait aujourd'hui avec certitude, sont des facteurs favorisants pour de nombreux cancers. Des cas de malformations congénitales chez les enfants ont été aussi rapportés ces dix dernières années. 

Des concentrations inhabituelles de cas — cancers pédiatriques ou malformations — ont ainsi été signalées dans plusieurs zones en France (Ain, Morbihan, Loire-Atlantique, Eure, récemment autour de La Rochelle). Les enquêtes diligentées par les ARS régionales ont parfois conclu à la réalité des agrégats (clusters) mais sans jamais trouver de causes communes. Si ces clusters continuent de se multiplier dans les années à venir, il faudra sans doute envisager d’autres méthodes d’enquête pour identifier le ou les coupables.