
Nul doute que la chimie a pu avoir des bénéfices pour la société contemporaine. Mais elle a aussi contribué à polluer l’environnement ainsi que ceux qui cohabitent avec lui, c’est-à-dire les êtres vivants. Autrement dit : nous. Pour les experts, il est incontestable que réduire cette pollution, c’est agir pour la santé humaine et animale. Pesticides, particules fines dans l’air, polluants éternels et microplastiques : autant d’éléments qui représentent un danger à court et moyen terme.
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L’invasion des microplastiques dans nos organes"Nous avons des polluants chimiques dans l'air, dans les boissons, dans les aliments, dans nos objets du quotidien. Et ce n'est plus la pollution visible, celle des gros nuages que l'on imaginait autrefois : aujourd'hui, elle est invisible, présente un peu partout, et l'ensemble de l'exposition à tous ces polluants induit des effets sur la santé", explique sur Radio France, en 2024, Yves Lévy, professeur émérite en santé publique et santé environnementale à l'université Paris-Saclay.
Une pollution aux effets réels sur la santé des populations. "L'ensemble des effets biologiques sur la santé concerne aussi bien le développement du fœtus que celui de l'enfant jusqu'à son adolescence. En découle l’apparition de cancers, de troubles de la reproduction, de troubles du développement, de diabètes. C'est un ensemble de maladies liées à l'exposition à tous ces polluants chimiques", ajoute-t-il.
La pollution de l’air aux particules fines
Les particules fines dans l’air font partie des polluants aux impacts certains. En 2024, plus de 2,6 millions de Franciliens respiraient un air dont les concentrations de polluants étaient supérieures aux seuils des directives européennes. L’inhalation de ces polluants augmente notamment le risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires.
Alors que les bonnes nouvelles se font rares en ce qui concerne les questions environnementales, il est encourageant de partager les points qui s'améliorent. Selon un rapport de l'organisme de surveillance, publié le 9 avril 2025, les concentrations de particules fines dans l'air ont baissé en moyenne de 35 % entre 2014 et 2024. "Cette baisse s’explique par l’impact combiné des politiques européennes, nationales et locales en matière de mobilité, de chauffage, d’énergie et d’environnement. En conséquence, le nombre de décès prématurés liés à la pollution de l’air a diminué d’un tiers entre 2010 et 2019", explique l'organisme dans un communiqué.
Malgré ces améliorations, l’organisme français qui surveille la qualité de l’air en région Île-de-France (Airparif) rappelle cependant que ces particules ont engendré, en 2019, une perte moyenne de dix mois d’espérance de vie par adulte en région parisienne.
Les pesticides
Concernant les pesticides, plusieurs études ont démontré leurs impacts sur la santé. En avril dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a analysé l’expertise réalisée par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) sur l’impact sanitaire des pesticides. Les familles de produits examinées par l’Inserm comprennent des produits phytopharmaceutiques à usage agricole, mais aussi des produits biocides et vétérinaires.
"En considérant les études sur des populations qui manipulent ou sont en contact avec des pesticides régulièrement, l’expertise confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition aux pesticides et six pathologies : lymphomes non hodgkiniens (LNH), myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, bronchopneumopathie chronique obstructive et bronchite chronique", précise l'Inserm dans un communiqué.
Cette analyse a permis d'établir également un lien entre l'exposition aux pesticides de la mère pendant la grossesse et le développement de certains cancers, en particulier les leucémies et les tumeurs du système nerveux central.
PFAS
"Aujourd’hui, la grave situation de la pollution par les PFAS, les per- et polyfluoroalkylées ou « polluants éternels », est beaucoup décrite à juste titre. Mais cela fait plus de 20 ans que les scientifiques ont découvert leur importante présence dans certaines rivières en Allemagne", explique, dans une interview au média Harmonie, le professeur Yves Lévy.
Ces polluants sont en effet partout. Certains s’accumulent dans le corps humain. Deux organes sont notamment les plus exposés : les reins et le foie. "Il existe pour le foie une toxicité directe et une autre, moins directe, qui fait augmenter le cholestérol", indique sur France Info le Dr Damien Mascret, médecin et journaliste sur France Info.
À ce jour, une augmentation des troubles thyroïdiens, une baisse de l'immunité et, pour les femmes, des problèmes de fertilité ont également été observés chez les personnes les plus exposées.
Microplastiques
Il est difficile de parler de pollution sans évoquer les microplastiques. Alors que ces déchets prolifèrent dans le monde entier et dans une grande majorité des organes humains, une question essentielle se pose : sont-ils nocifs pour la santé humaine ?
Fin 2024, un rapport de plusieurs scientifiques français a cherché à répondre à cette interrogation. Selon les experts, il est encore difficile d’évaluer leurs impacts, en raison de la composition vertigineuse des polymères. "Il en existe des dizaines, avec 16 000 additifs actuellement connus". Ces derniers notent quatre critères qui participent à la dangerosité des microplastiques : la molécule, la durée d’accumulation, la mobilité et la toxicité. "Si, avant de prendre des mesures, on nous demande de démontrer la toxicité pour chaque type de microplastique, nous n'arriverons pas à les réduire ni à nous en protéger", précise Muriel Mercier-Bonin.
L’effet cocktail est particulièrement redouté. Un microplastique atmosphérique qui se couple avec un autre polluant présent dans l’air peut présenter une nouvelle dangerosité que les composants ne possédaient pas séparément. Mais des recherches sont encore nécessaires pour en évaluer le risque potentiel.
Comment réduire son exposition ?
"Dans de nombreux domaines, le citoyen n’a pas la main. C’est pour cela qu’il faut agir à t ous les niveaux : celui des industriels, des pouvoirs publics et du citoyen. Plus le public aura conscience des enjeux, plus il saura influer sur les décideurs (maire, député, sénateur…), et plus les politiques agiront pour la protection de la santé de l’environnement et celle des populations", prévient le professeur Yves Lévy.
Cependant, de petites actions restent possibles pour les consommateurs, comme réduire sa consommation de produits plastiques en consommant en vrac et en utilisant la consigne de verre. Près de 40 ans après sa disparition, cette pratique fait enfin son retour. Bientôt expérimentée dans l’Ouest de la France, la consigne du verre devrait s’étendre rapidement à l’ensemble du territoire.
"À la maison, chacun doit limiter au maximum la diffusion de produits chimiques, en évitant, en arrêtant de diffuser des produits volatils, en aérant régulièrement, en éliminant la poussière, en cessant de fumer…", conseille, au média Harmonie, le spécialiste en santé environnementale.