Les microplastiques : une pollution invisible qui nous empoisonne à petit feu
Il y en a partout : dans la terre, dans l’eau, dans l’air. Les microplastiques ont colonisé la planète entière. Les scientifiques en ont découvert dans l’Himalaya, dans les fosses marines les plus profondes, mais aussi dans la quasi-totalité des organes de l’être humain. "Si l’on mettait bout à bout les 500 millions de tonnes de plastiques produits chaque année, il serait possible d’emballer cinquante fois la France", dévoile le député du MoDem du Maine-et-Loire, Philippe Bolo, lors d’un rapport parlementaire énoncé le jeudi 14 novembre. Avec la consommation de plastique qui se poursuit, ce chiffre pourrait bien être multiplié par trois d’ici 2060 sans changement de notre production.
Des particules omniprésentes et encore mal comprises
Ce rapport dresse un état des lieux inquiétant sur l’impact des micro et nanoplastiques sur la santé humaine. Présents dans la chaîne alimentaire, ils se retrouvent indéniablement dans nos assiettes, puis dans notre organisme. Selon Muriel Mercier-Bonin, directrice de recherche à l’Inrae, ces particules perturbent le microbiote intestinal, en modifiant certains composés bénéfiques à notre système immunitaire. « Nous manquons encore de données pour mesurer les effets à long terme, mais ces modifications pourraient fragiliser nos défenses naturelles », prévient la chercheuse.
"Il existe des dizaines de plastiques comprenant 16 000 additifs actuellement connus"
La difficulté d’évaluer leur danger vient de la complexité chimique du plastique : il en existe des dizaines de types contenant près de 16 000 additifs. Les scientifiques évaluent leur dangerosité selon quatre critères : la nature de la molécule, sa durée d’accumulation, sa mobilité et sa toxicité. « Si l’on attend de prouver la toxicité de chaque type de microplastique avant d’agir, nous n’arriverons jamais à les réduire », déplore Muriel Mercier-Bonin.
Autre inquiétude : l’effet cocktail. Comme l’explique Sonja Boland, ingénieure de recherche à l’Université Paris Cité, un microplastique présent dans l’air peut interagir avec d’autres polluants, créant un composé encore plus dangereux. Un phénomène difficile à mesurer, mais potentiellement dévastateur. Voici ce que l’on sait aujourd’hui.
Leur présence dans l’air
« En région parisienne, nous inhalons jusqu’à 30 millions de particules plastiques par an », alerte Philippe Bolo. En ville, la concentration est particulièrement élevée : entre 3 et 10 tonnes de fibres synthétiques se déposent chaque année dans la région parisienne. Plus la particule est fine, plus elle pénètre profondément dans les poumons, jusqu’aux alvéoles. Selon Sonja Boland, ces microplastiques s’accumuleraient avec le temps, expliquant leur concentration plus forte chez les personnes âgées.
Le risque de rhinite allergique
Des études ont déjà montré une corrélation entre la présence de microplastiques dans l’air et la rhinite allergique. D’autres évoquent un risque accru de cancers pulmonaires et gastriques liés à leur inhalation ou ingestion.
De l’alimentation au système digestif
Les microplastiques se glissent aussi dans le système digestif. On en a retrouvé dans les selles de patients souffrant de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). « Le microbiote évolue tout au long de la vie. L’exposition aux microplastiques pourrait réduire certains acides gras à chaîne courte, essentiels à son équilibre », détaille Muriel Mercier-Bonin.
Augmentation du risque de maladies cardiovasculaires
Selon une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, la présence de microplastiques dans les artères augmente de 4,5 fois le risque d’infarctus ou d’AVC. L’analyse a porté sur plus de 300 patients opérés de la carotide. Le rapport parlementaire alerte : ces particules pourraient devenir un nouveau facteur majeur de maladies cardiovasculaires.
Présence de microplastiques dans le fœtus
Le bisphénol A, utilisé dans la fabrication de plastiques et de résines alimentaires (canettes, boîtes de conserve…), est classé comme perturbateur endocrinien par l’Anses et interdit en France depuis 2015. Pourtant, une étude parue dans Nature Communications établit un lien entre l’exposition prénatale au bisphénol A et un risque accru d’autisme chez les garçons, multiplié par six, selon les chercheurs.
Inflammation et maladies chroniques
Des études menées sur les animaux montrent que l’accumulation de microplastiques favorise l’inflammation, un mécanisme à l’origine de nombreuses maladies chroniques. Les chercheurs appellent toutefois à la prudence : les effets exacts sur l’être humain restent à confirmer.
Les solutions
Ce rapport est alarmant et il est évident que, pour limiter l’impact sur la santé, il faut réduire la production de plastiques et améliorer la chaîne de recyclage. "Si certains d'entre eux sont utiles et précieux, comme ceux utilisés à l’hôpital, d’autres sont inutiles et représentent un fléau pour l’environnement, la biodiversité et notre santé", estime Philippe Bolo, qui sera présent à Busan au dernier cycle du traité international visant à supprimer la pollution plastique.
Au total, les parlementaires formulent neuf recommandations à destination des négociateurs du futur traité. "Seules des politiques contraignantes limitant la production et la demande de plastiques vierges permettront de lutter efficacement contre la pollution plastique", exhorte l’office.
Les scientifiques demandent quant à eux les moyens financiers de pouvoir continuer leurs études sur ces impacts.
D’un point de vue individuel, les chercheurs conseillent d'utiliser des gourdes, de ne pas réchauffer de nourriture dans du plastique ou sous film alimentaire, ni de conserver des aliments au réfrigérateur dans un contenant plastique, de remplacer ces ustensiles de cuisine par des matériaux en bois, de privilégier les vêtements en matières naturelles et de ventiler son intérieur.