Climat : comment le réchauffement met déjà notre santé sous pression

Publié par Elodie Vaz
le 04/04/2025
Maj par Elodie Vaz
le 12/12/2025
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Istock
Dix ans après la signature de l’accord de Paris, les mesures mises en place par les États restent insuffisantes. Cette lenteur à agir ne menace pas seulement la planète. Elle met la santé humaine en danger, avec des canicules mortelles, des maladies émergentes et des systèmes de soins sous pression.

Dix ans après l’accord de Paris, le verdict est implacable. Les engagements pris par les 196 États signataires restent très loin du compte. Le monde file vers +2 à +3 °C de réchauffement d’ici la fin du siècle. Et derrière cette trajectoire trop chaude se cache une autre urgence, moins visible mais tout aussi sévère : les conséquences sur la santé humaine.

Car le dérèglement climatique ne se contente pas de bouleverser les températures et les écosystèmes. Il rend aussi les populations plus malades, plus vulnérables, et parfois même plus exposées à des risques mortels. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette augmentation des températures pourrait provoquer 250 000 décès supplémentaires par an dès 2030, et coûter chaque année entre 2 et 4 milliards de dollars en dommages sanitaires directs. Et déjà, 3,6 milliards de personnes vivent dans des zones très sensibles au réchauffement.

Canicules, tempêtes, incendies 

Les vagues de chaleur, devenues l’un des symboles de cette nouvelle ère, provoquent hyperthermie, déshydratation, troubles rénaux, AVC, maladies cardiovasculaires ou respiratoires, et même des défaillances d’organes. En Europe, 1 500 des 2 300 décès enregistrés lors de la canicule de juin 2025 sont « directement attribuables au changement climatique ».

Une étude publiée dans The Lancet en 2024 révèle qu’en 2023, les habitants de la planète ont subi 50 jours supplémentaires de chaleur extrême par rapport à la moyenne historique. Depuis les années 1990, les décès chez les plus de 65 ans ont bondi de 167 %.

Les catastrophes naturelles aggravent cette situation. Inondations, tempêtes, incendies, toutes laissent derrière elles des chocs. Elles causent des noyades, des infarctus ou encore des blessures graves. « Ces phénomènes entraînent des impacts majeurs sur la santé mentale tels que des traumatismes liés aux déplacements forcés, la peur de catastrophes récurrentes ou l’anxiété face à la dégradation de la planète », explique Valérie Masson-Delmotte, climatologue au CEA et ancienne coprésidente du GIEC.

Maladies et moustiques : les effets indirects, plus discrets mais tout aussi dangereux

À côté de ces chocs brutaux, d’autres menaces évoluent en silence. Le réchauffement du climat agit comme un accélérateur de crises sanitaires. En perturbant les écosystèmes, il favorise la propagation de maladies comme la dengue, le chikungunya ou le paludisme, désormais observées dans des régions jusque-là épargnées.

« La durée saisonnière des maladies transmises par les moustiques va s’allonger. Des infections comme la dengue ou le chikungunya deviendront des enjeux majeurs dans les pays du Nord », avertit l’épidémiologiste de l’Institut Pasteur, Arnaud Fontanet. Le risque de transmission de la dengue par le moustique tigre a grimpé de 46 % en dix ans. En 2023, plus de 5 millions de cas ont été recensés dans plus de 80 pays.

La France n’échappe pas au phénomène. Au 1ᵉʳ janvier 2024, le moustique tigre était installé dans 78 départements métropolitains, avec plus de 4 000 cas importés et 85 cas autochtones selon Santé publique France. « La déforestation, aggravée par le réchauffement climatique, accélère les échanges de virus entre animaux, augmentant ainsi le risque de pandémies », ajoute Arnaud Fontanet.

Les modifications du climat fragilisent aussi la sécurité alimentaire. Sécheresses et pluies extrêmes perturbent les récoltes, provoquant une malnutrition et des maladies qui en découlent. « Le changement climatique accentue la sous-nutrition. Il réduit les rendements agricoles, perturbe l’accès à l’eau et compromet les ressources marines », rappelle The Lancet. La pénurie d’eau potable devient un enjeu vital, en particulier lors des vagues de chaleur.

Et lorsque le thermomètre grimpe, les pics de pollution atmosphérique suivent. Selon l’OMS, 99 % de la population mondiale respire un air trop pollué. « Entre 12 et 20 % des nouveaux cas de maladies respiratoires chez l’enfant et 7 à 13 % chez l’adulte sont dus à une exposition prolongée à la pollution atmosphérique », alerte Sylvia Médina de Santé publique France.

Des systèmes de santé à bout de souffle

La crise touche aussi les infrastructures censées nous protéger. Les hôpitaux eux-mêmes sont mis sous pression. Pannes d’eau ou d’électricité, routes impraticables, services débordés… ces dysfonctionnements retardent la prise en charge. Une perte de temps qui peut être fatale.

Pourtant, cette réalité sanitaire peine à faire bouger les lignes. Alors, certains chercheurs ont choisi un autre angle : démontrer que la lutte contre les émissions est aussi un formidable levier de santé publique.

Une revue de 58 études, publiée en février 2025 dans The Lancet Planetary Health, analyse 125 scénarios menant à la neutralité carbone en 2050. Parmi eux, 94 scénarios prévoient une amélioration de la santé humaine, indépendamment même des bénéfices climatiques.

Les scientifiques identifient trois leviers : l'alimentation, la qualité de l’air, et l'activité physique. La moitié des hypothèses anticipent une baisse de la mortalité de plus de 1,5 %, soit 10 000 décès évités par an en France. À l’échelle mondiale, les gains sont vertigineux. Environ 10 millions de décès sont évités grâce à des régimes alimentaires plus sains, 5 millions par l’arrêt des combustibles fossiles, et 4 millions grâce à l’activité physique régulière.

« Le changement climatique nous rend malades, et agir d’urgence est une question de vie ou de mort », alertait l’OMS lors de la conférence de l’ONU sur le climat fin 2024. Pour l’agence sanitaire, il s’agit désormais de la plus grande menace pour la vie humaine.

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