Metformine et IPP : connaissez-vous leur impact négatif sur la vitamine B12 et le déclin cognitif ?
Publication validée par
Yves Gouiffes-Yan Infirmier en cabinet libéral à Boulogne-Billancourt
Prescrits contre le diabète ou pour traiter les excès d'acidité gastrique, la metformine et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont largement consommés en France, en particulier par les seniors. Or, une utilisation chronique peut saboter l'assimilation de la vitamine B12, indispensable à la fonction nerveuse et cérébrale. Les risques liés à la metformine et aux IPP sont souvent sous-estimés, alors que cette carence, silencieuse, majore les risques cardiovasculaires et le déclin cognitif.
La vitamine B12, un pilier de la santé nerveuse et cérébrale
Également connue sous le nom de cobalamine, la vitamine B12 joue un rôle essentiel bien au-delà de la simple production de globules rouges ou de la synthèse de l'ADN. Elle est un composant fondamental pour le maintien et le développement des cellules nerveuses. Plus précisément, elle participe à la fabrication de la gaine de myéline, une membrane protectrice qui entoure les nerfs et assure une transmission rapide des signaux électriques dans le cerveau et le système nerveux périphérique. Sans un apport suffisant, cette structure vitale peut se dégrader.
Les conséquences d'un manque de B12 sont insidieuses et trop souvent attribuées à tort au vieillissement. Les symptômes peuvent inclure un brouillard cérébral, des troubles de la concentration, des picotements dans les extrémités et une fatigue inexpliquée. À terme, une carence en B12 favorise des troubles cognitifs plus marqués, augmentant le risque de pathologies neurodégénératives. Le problème est que les réserves du foie en cette vitamine peuvent durer de trois à cinq ans, masquant le déficit jusqu'à l'apparition de symptômes parfois irréversibles. Ce déficit peut aussi élever le risque de maladies cardiovasculaires, comme l'insuffisance cardiaque ou les accidents vasculaires cérébraux.
Metformine : comment l'antidiabétique interfère avec l'absorption de certaines vitamines ?
La metformine est le traitement de première ligne le plus prescrit au monde pour le diabète de type 2. Son efficacité est reconnue, mais son impact sur l'assimilation de la B12 l'est moins. L'interaction est purement mécanique et se produit dans l'intestin grêle. Pour être absorbée, la vitamine B12 doit d'abord se lier à une protéine appelée "facteur intrinsèque". Ce complexe se fixe ensuite à des récepteurs spécifiques sur la paroi intestinale, un processus qui dépend de la présence de calcium. C'est ici que le bât blesse : la metformine agit comme un antagoniste du calcium au niveau de cette membrane, empêchant le complexe B12-facteur intrinsèque de s'arrimer correctement. Le mécanisme d'absorption est alors inactivé. L'association entre la metformine et la carence en vitamine B12 est donc bien établie, avec un risque qui augmente avec la durée et la dose du traitement.
IPP : quand la réduction de l'acidité bloque l'assimilation de la vitamine B12
Les inhibiteurs de la pompe à protons, tels que l'oméprazole ou l'ésoméprazole, sont massivement utilisés pour traiter le reflux gastro-œsophagien et les ulcères. Leur fonction est de réduire drastiquement la production d'acide chlorhydrique dans l'estomac. Si cette action soulage les brûlures, elle perturbe un autre processus essentiel. En effet, l'acidité gastrique est indispensable pour libérer la vitamine B12 des protéines alimentaires auxquelles elle est attachée. Sans cette première étape de "libération", la vitamine ne peut pas se lier au facteur intrinsèque pour poursuivre son chemin vers l'absorption. Comprendre le mécanisme d'absorption de la B12 bloqué par les IPP est crucial : en diminuant l’acidité, ces médicaments créent une barrière en amont, rendant l'assimilation de la vitamine B12 d'origine alimentaire beaucoup plus difficile. Une utilisation sur deux ans ou plus augmente ainsi significativement le risque de carence.
Prévention et dépistage : comment réagir ?
Face à ces risques, la panique n'est pas de mise, mais la vigilance est indispensable. Il ne faut jamais arrêter un traitement sans l'avis de son médecin traitant. La solution réside dans la surveillance. Le dépistage de la carence en B12 chez les utilisateurs d'anti-acides ou de metformine devrait être envisagé, surtout en présence de symptômes neurologiques. Un simple dosage sanguin permet d'évaluer les niveaux de vitamine B12. Si une carence est avérée, des solutions existent. Pour les patients sous metformine, une supplémentation en calcium peut parfois suffire à rétablir une absorption normale. Pour les carences plus profondes ou celles liées aux IPP, des suppléments de B12 par voie orale à haute dose ou des injections intramusculaires sont souvent préconisés, car ils contournent le système d'absorption digestive défaillant. Un diagnostic précoce est fondamental, car il permet de corriger le déficit avant que les atteintes neurologiques ne deviennent permanentes.