Incendie Lubrizol à Rouen :
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La nuit du 26 septembre dernier, un gigantesque incendie s’est déclaré aux alentours de 2h40, au sein de l’usine Lubrizol à Rouen, non loin du centre-ville. Plus de 130 sapeurs-pompiers ont été mobilisés pour tenter de maîtriser le feu. Pour l’instant, aucune victime n’est à déplorer, mais l’énorme nuage de fumée pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les habitants.

Fabrizio Pariselli, directeur adjoint de l'Unité de Prévention du risque chimique du CNRS (Centre National de Recherche Scientifique), ne nous cache pas la dangerosité des produits émis par l'explosion. "Il faut le dire, les produits répandus par le site de Lubrizol sont des produits nocifs, confirme l'expert contacté par Medisite. Les substances issues d'une combustion d'hydrocarbure peuvent faire des dégâts. Il faut encore avoir d'autres résultats d'analyse avant de déterminer les risques exacts pour les populations, mais on ne peut nier que cet incendie a émis des produits dangereux".

“Il n’y a pas de toxicité aigüe sur les principales molécules relevées”, affirme le préfet

Ce site industriel est classé “Seveso seuil haut”, ce qui signifie que les produits chimiques qu’il contient sont potentiellement dangereux pour l’environnement et la santé. L’usine rouennaise fabrique, en effet, des additifs pour lubrifiants, et l’incendie s’est déclaré dans un lieu de stockage de marchandises.

Au lendemain de l'incendie, le préfet de Normandie se voulait néanmoins rassurant. "L’urgence, c’est la maîtrise de l’incendie puisqu’il y a des explosions en chaîne qui s’entendent. Ce sont des additifs pour huile qui brûlent et c’est extrêmement spectaculaire mais il n’y a pas de toxicité aigüe sur les principales molécules relevées", avait-t-il indiqué sur BFMTV.

Les habitants de l’agglomération sont invités à limiter au maximum leurs déplacements

Le préfet de Normandie avait néanmoins conseillé aux habitants de l’agglomération rouennaise à limiter au maximum leurs déplacements. Les crèches, écoles, collèges, lycées et universités étaient restés fermés le lendemain de l'incendie, dans 13 communes, et des mesures de confinement ont été mises en place dans les structures d’accueil comme les Ehpad.

De leur côté, les autorités ont sécurisé les installations voisines et établi un périmètre de sécurité autour du site ; et des sirènes ont alerté les habitants des communes alentours du danger, les invitants à se confiner chez eux. Le préfet de la Seine-Maritime a déclenché le plan particulier d’intervention (PPI) et ouvert un centre opérationnel départemental pour coordonner les actions en cours.

Des soldats du feu d'autres départements ont également été appelés à aider leurs confrères de Seine-et-Marne, notamment les sapeurs-pompiers de Paris.

Incendie de l’usine Lubrizol : quel danger réel pour les riverains ?

"A ce jour, les résultats sont encore insuffisants pour déterminer l’impact réel de l’incendie sur la santé des habitants, nous confie Fabrizio Pariselli. Les prélèvements ont été fait le jour de l’accident. Donc c'est encore trop tôt pour déterminer le risque".

Des risques de cancers et de maladies respiratoires sur le long terme

Le préfet de la région a souligné l’absence de toxicité des additifs en train de brûler. Or, s’ils ne sont effectivement pas toxiques à l’état brut (liquide, en l'occurrence), ils peuvent le devenir en cas de combustion, provoquant notamment des irritations des voies respiratoires. Un riverain de l’usine a indiqué à BFMTV “avoir les yeux et la langue qui piquent, et sentir une odeur lourde et bien chimique”.

Néanmoins, Fabrizio Pariselli nous évoque un certain nombre de répercussions possibles et non négligeables. "À court terme, le nuage peut éventuellement être la cause de troubles respiratoires ou asthme. Ce qui s'apparente aux conséquences des pics de pollution, décrit-il. Dans ce cas de figure, on observe ainsi une recrudescence des hospitalisations liées à des difficultés respiratoires".

En effet, les substances émises par l'incendie (particules fines et hydrocarbure) sont aussi produites par le trafic autoroutier et les industries. "Or dans le cas de l'incendie à Rouen, il s'agit d'un pic de pollution beaucoup plus important, qui peut imprégner toute une population", alerte-t-il.

Les conséquences de l'incendie peuvent entraîner d'autres maladies, encore plus graves, sur le long terme. "Il va falloir surveiller les populations à l'avenir, mais aussi la contamination des sols pour définir l'impact réel de l'explosion, poursuit Fabrizio Parisello. Les toxines et particules émises peuvent entraîner des syndromes respiratoire, voir des cancers respiratoires et pulmonaires. Mais c'est encore un peu tôt pour déterminer exactement ces risques. Il faudra faire encore plus d'analyses, mais le nuage peut, en effet, avoir des impacts sur la santé".

Le danger se trouve désormais dans les sols et les potagers

De son côté, le colonel Jean-Yves Lagalle, directeur du Sdis du département estime qu'il "ne faut pas dire aux gens qu'il n'y a pas de risques. Le risque est là. Mais les fumées s'évacuent dans l'atmosphère".

Désormais, plus de huit jours après l'incendie, les dangers ne se trouvent plus dans l'air selon l'expert du CNRS. "Tout est retombé maintenant. Les niveaux d'exposition vont être cutanés ou par l'ingestion, explique-t-il. En clair, les enfants qui jouent dehors, en mettant les mains par terre puis à la bouche, peuvent être exposés aux hydrocarbures. Il en va de même pour les personnes qui cultivent des légumes dans leur jardin par exemple. Ces derniers ont de forts risques d'être contaminés. Les manger peut donc présenter un risque".

Le préfet de Seine-Maritime indique aussi "qu'avec la pluie, il y a des retombées de suie. Nous recommandons donc de procéder à un lavage des mains en cas de contacts avec cette matière. Et s'il y a des cultures, il faut bien laver les fruits et les légumes."

Des photos impressionnantes de l’incendie circulent sur les réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux, des photos montrant un panache de fumée noire, visible à des kilomètres à la ronde, circulent, tandis que d’autres témoignent des résidus d’hydrocarbures qui se déposent dans toute la ville et dans les communes avoisinantes, accompagnées du hashtag #lubrizol.

Les habitants ont aussi évoqué les impressionnantes explosions qui se sont fait entendre depuis le début de l’incendie. Des journalistes présents sur place ont signalé des pluies d'hydrocarbures.

Sources

Merci à Fabrizio Parisello, directeur adjoint de l'Unité de Prévention du risque chimique du CNRS (Centre National de Recherche Scientifique)

DIRECT. Incendie dans un site Seveso à Rouen : "Plus de 200 pompiers sont toujours mobilisés" indique le préfet, France Info, 26 septembre 2019.