"Il se fait retirer le mauvais rein" : quand une erreur rarissime questionne toute la chaîne de contrôle

Publié par Elodie Vaz
le 22/09/2025
Erreur au bloc opératoire
Istock
Image d'illustration
Un patient de 77 ans a subi à Créteil l’ablation d’un rein sain au lieu du rein cancéreux prévu. Cette « erreur de côté », interroge l’efficacité des procédures de contrôle, alors que l’AP-HP admet des lacunes dans la traçabilité des check-lists censées garantir la sécurité au bloc.

La peur de ne pas se réveiller ou de se faire retirer le mauvais organe plane dans l’esprit de nombreuses personnes sur le point de se faire opérer. Selon une enquête de la Cellule d'investigation de Radio France, rapportée par nos confrères de France Info, ce scénario de l’horreur est devenu réalité chez un homme de 77 ans, opéré le 27 juillet à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil. Prévu pour l’ablation d’un rein atteint d’un cancer, il s’est vu retirer par erreur le second, qui lui était sain. 

Dans le jargon médical, il s’agit d’une « erreur de côté », c’est-à-dire une opération menée sur le mauvais site. Ces incidents sont extrêmement rares, mais leur impact est majeur : perte d’un organe sain, risque vital, perte de confiance des patients. Selon plusieurs sources hospitalières, un compte-rendu de scanner pourrait avoir semé la confusion. Pourtant, la « check-list » préopératoire (moment clé où l’équipe confirme l’identité du patient et la zone à opérer) avait bien été réalisée et le patient avait indiqué le bon côté.

Le rôle crucial de la check-list

Selon l'Agence régionale de santé, depuis 2010 les blocs opératoires français appliquent obligatoiremet la check-list de l’Organisation mondiale de la santé. Un protocole en 25 points destiné à réduire les erreurs : identité, site, matériel, éventuelles allergies, etc. Elle est censée être tracée dans le système d’information, étape indispensable pour assurer la traçabilité.

Une étude interne menée en 2024 par l’AP-HP montre toutefois que la pratique n’est pas toujours irréprochable. Sur près de 200 000 interventions, 0,01 % n’ont laissé aucune trace informatique de la check-list et 30 % présentaient au moins un item manquant, le plus souvent en phase post-opératoire. Ces chiffres, bien que faibles en proportion, révèlent une marge de progression notable.

Qualité et transparence sous surveillance

L’AP-HP insiste sur le fait que la qualité et la sécurité des soins restent une priorité constante. En 2024, sur l’ensemble de ses interventions, 60 événements indésirables graves ont été signalés, la majorité liés à des complications survenues après l’opération. 

"La transparence est au cœur de la démarche qualité. L’AP-HP poursuivra activement ses actions de sensibilisation et de formation pour renforcer l’excellence et la fiabilité des soins délivrés dans ses blocs opératoires", précise le communiqué de l'APHP publié le 19 septembre. 

Déclaration d'évènements indésirables graves 

L’affaire de Créteil s’inscrit dans un contexte plus large : la Haute Autorité de Santé a recensé 4 630 événements indésirables graves associés aux soins en 2024, tout en reconnaissant une sous-déclaration chronique. Chaque incident rappelle combien la sécurité au bloc dépend d’une vigilance collective : des examens initiaux jusqu’à la dernière vérification avant l’incision.

Ce patient francilien a survécu à une erreur rarissime mais emblématique. "La famille du patient a entamé une procédure judiciaire contre l'AP-HP et ne souhaite pas communiquer. Interrogé sur cet incident par la cellule investigation de Radio France, l'AP-HP ne fait aucun commentaire en raison du secret médical", souligne France Info dans un article publié le 19 septembre. 

Son cas met en lumière la fragilité d’un système pourtant pensé pour éviter l’irréparable. Pour les hôpitaux comme pour les patients, il rappelle une vérité simple : au bloc opératoire, aucune étape de contrôle ne peut être considérée comme une formalité.

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