Opération laser aux yeux : faut-il redouter des effets secondaires ?Istock
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En une semaine, votre collègue myope comme une taupe ne porte désormais plus ses lunettes en cul de bouteille. La raison ? L’opération laser des yeux, promettant un regard revolver. Si cette solution a séduit de nombreux patients (on estime que 200 000 personnes la choisissent chaque année en France), elle n’est toutefois pas exempte d’effets secondaires. “Comme toute chirurgie, la technique Lasik n’est pas dénuée de risques. Effets indésirables et complications peuvent survenir à la suite de l’intervention. Certains de ces effets sont systématiquement ressentis mais transitoires ; d'autres ne seront jamais ressentis par certains patients ; d’autres encore peuvent persister de manière définitive”, estime ainsi l’ANSM (L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) à propos du Lasik, la technique de chirurgie réfractive au laser la plus répandue pour corriger les troubles de la vision comme la myopie, l’hypermétropie ou l’astigmatisme.

Ces effets secondaires, un compte Instagram regroupant près de 10 000 personnes les dénoncent. “Les dangers du laser” (@les_dangers_du_laser) relatent regretter d’avoir fait une opération qui était une promesse de soulagement, mais qui a en fait été le début de l'enfer.

En quoi consiste l’opération laser des yeux ?

Avant d'aller plus loin, un petit retour aux sources s'impose. Dans cet article, nous allons traiter de l'opération laser des yeux, également connue sous le nom de chirurgie réfractive, corrige les défauts de vision comme la myopie, l’hypermétropie, l’astigmatisme ou la presbytie. Elle repose sur l’utilisation d’un laser, généralement le laser excimer ou femtoseconde, pour remodeler la cornée (la lentille transparente située à l’avant de l’œil) afin de permettre aux rayons lumineux de se focaliser correctement sur la rétine. L’intervention, rapide et indolore, dure une quinzaine de minutes pour les deux yeux, avec une récupération visuelle souvent quasi immédiate. Elle s’adresse aux adultes de plus de 18 ans, dont la vue est stable depuis au moins un an, et qui ne présentent pas de contre-indications comme une cornée trop fine ou certaines pathologies oculaires. Comme tout acte médical, elle n’est pas anodine et exige une information claire et personnalisée.

Un compte Instagram pour questionner l’opération laser aux yeux

"Notre compte Instagram est né d'un besoin de visibilité. Nous avions créé l'association, mais savions qu'il fallait user des réseaux sociaux pour se faire connaître. Nous avons également un site internet. Beaucoup de patients souffrent de séquelles après une chirurgie réfractive (Lasik, PKR, Smile...) mais se sentent isolés, incompris ou même ignorés par les professionnels de santé. Le compte a donc aussi été créé pour briser le silence, partager des témoignages authentiques, et informer sur les risques souvent minimisés ou passés sous silence. C'est aussi un espace de soutien moral et de mobilisation collective", nous partagent Mélissa et Noémy, à l'origine de l'initiative "Les dangers du laser".

On encense les chirurgiens. On célèbre leurs gestes millimétrés. Mais qui prend le temps d’écouter ceux chez qui ça a mal tourné ?” interrogent-elles dès lors sur leur compte Instagram. Le profil réunit des centaines, si ce n’est des milliers de patients regrettant leur chirurgie oculaire. “Certaines personnes développent après l’opération une maladie chronique : sécheresse oculaire sévère, douleurs neuropathiques, photophobie, dépression réactionnelle… Et quand les symptômes s’installent, ils sont très difficiles à traiter.

Pour les créatrices, pas question de blâmer l’opération laser aux yeux au global. Ils espèrent cependant interroger le marketing autour de cette technique. Ils arguent ainsi qu’on vend souvent le laser comme une alternative au “fardeau” des lunettes. Tandis que le véritable fardeau, selon eux, réside plutôt dans les effets secondaires potentiels de la chirurgie, pouvant être très invalidants. “Ce compte n’est pas contre la chirurgie réfractive. Il est pour une information complète, non biaisée, non marketing.”

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Derrière cette initiative : des déconvenues personnelles avec l'opération

Elles sont deux femmes derrière le projet "Les dangers du laser". Mélissa et Noémy, respectivement opérée en 2018 et 2022 d'une myopie. Suite à l'intervention, la première a développé une neuropathie cornéenne ; des douleurs aux yeux mais aussi tout autour, allant jusqu’à la mâchoire et au crâne. Ses douleurs sont constantes. Elle nous narre comment, durant des années, les ophtalmologuess lui ont soutenu que cela n’avait rien à voir avec l’opération. Elle a fait des tas de radios, d’IRM… Elle s’est même fait retirer les dents de sagesse. Jusqu’à tomber sur un article qui décrivait exactement ses symptômes. C’est là qu’elle a découvert qu’elle n’était pas du tout la seule. "Nous avons toutes deux : une sécheresse oculaire importante, une vision déformée (exemple : lecture des lettres floue, non corrigible), des halos, des « starburst » (grosses étoiles), une sensibilité à la lumière." Noémy a également des corps flottants (des mouches noires dans le champ de vision).

Témoignage : mon opération laser entraîne une sécheresse oculaire sévère

  • Une première opération Lasik

Nicolas a 42 ans et partage sur le compte ses mésaventures suite à son intervention aux yeux. Il s’est fait opérer par la technique du Lasik en 2004. Quelques années plus tard, sa vue a régressé et il était obligé de porter de nouveau des lunettes. Il a gardé toutefois un souvenir de sa première opération : une forte sécheresse oculaire qui l’empêche encore aujourd’hui de porter des lentilles de contact. En 2019, lors d’une visite de routine, son ophtalmologue l’a invité à faire une “retouche” afin de corriger sa vue. Thèse corroborée par deux autres spécialistes. “Pourtant, approchant de la quarantaine, je risquais fortement de porter de nouveau des lunettes très vite, à cause d’une presbytie à venir, même en cas du succès de l’opération. De toute façon, la sécheresse oculaire contre-indiquait cette nouvelle opération quoi qu’il arrive, chose que j’ignorais alors et qui pourtant rendait toute nouvelle intervention délétère et inutile. Mais les ophtalmologues, eux, ne le savaient-ils pas ?” questionne amèrement le témoin.

  • L’opération “SMILE” de trop

En faisant confiance aux professionnels de santé, Nicolas finit par faire l’opération, et choisit la technique “SMILE”(Small Incision Lenticule Extraction). Celle-ci est une méthode de chirurgie réfractive de dernière génération, utilisée principalement pour corriger la myopie et l’astigmatisme. Elle est plus récente que le Lasik. Lors de l’opération, en 2020, les cornées de Nicolas se sont déchirées, entraînant des dommages graves et irréversibles pour les deux yeux. Le témoin explique que les cornées ont été fragilisées par la première intervention, ayant pourtant eu lieu 16 ans auparavant. “L’opération en elle-même a été u n cauchemar de souffrance, et a duré beaucoup plus longtemps que prévu. Je suis sorti du bloc incapable de lire, d’écrire, ou d’utiliser un téléphone.” Nicolas était devenu incapable de se débrouiller seul.

  • Une sécheresse oculaire irréversible

Aujourd’hui, à renfort d’autres interventions et opérations, il va fort heureusement mieux. Toutefois, sa sécheresse oculaire est désormais invalidante et irréversible, entraînant des douleurs constantes. Il compare la sensation à celle d’avoir les yeux constamment ouverts devant un ventilateur vers le visage, en permanence. En outre, il ne peut plus conduire la nuit, et souffre de photophobie. J’aurais tant aimé qu’on me dise d’annuler l’opération tant que c’était encore possible.”

Le laser aux yeux : un business ?

Comme Nicolas, de nombreux patients se plaignent d’effets secondaires. Dans un document de la Food and Drug Administration (FDA), l’homologue de la Haute Autorité de Santé aux Etats-Unis, il a été rapporté que certains patients ont souffert de dépression sévère ou de tendances suicidaires qu’ils attribuent aux complications liées à l’intervention. Dans un article de CBS News, Morris Waxler, ancien conseiller de la FDA ayant initialement approuvé le Lasik, exprime aujourd'hui des regrets, estimant que la procédure aurait dû être retirée du marché. Il cite des taux de complications allant de 10 à 30 %, selon ses analyses des données industrielles. En 2011, il a demandé à la FDA de rappeler volontairement le Lasik, une requête rejetée par l'agence, qui affirme ne pas avoir identifié de nouveaux problèmes de sécurité liés à la procédure.

En 2023, La Presse, média québécois, a interrogé le Dr Langis Michaud, professeur titulaire à l'École d'optométrie de l'Université de Montréal, sur les effets secondaires de l’opération laser et des inquiétudes qu’ils suscitent. L'expert avait alors estimé : « [Au Québec], il y a des centres qui travaillent très bien, qui informent leurs patients et qui laissent du temps pour réfléchir. Mais malheureusement, il y a aussi des centres qui fonctionnent au volume et qui occultent ou minimisent les risques ». Se pourrait-il qu’un phénomène similaire se retrouve dans l’Hexagone, expliquant les dérives ?

Objectif : une meilleure communication des risques

Bien sûr, et fort heureusement, le laser aux yeux peut aussi être un véritable soulagement pour certains et certaines. Comme nous le témoigne Alice, 26 ans, tout fraîchement opérée : "Après cinq ans à alterner lentilles et lunettes, j’ai décidé de passer le cap de la chirurgie réfractive pour ma myopie, dont j’avais beaucoup entendu parler. Je me suis faite opérer le en mars 2025 en début d’après-midi dans un institut parisien. Ils ont utilisé la technique Lazik, je suis restée à peine 10 minutes au bloc. Le reste de la journée a été très désagréable, mes yeux brûlaient et pleuraient beaucoup, j’ai dû rester dans le noir jusqu’au coucher. Mais quel bonheur le lendemain matin quand j’ai ouvert les volets et que je voyais tous les détails ! J’avais l’impression de redécouvrir tout ce qui m’entourait."

L'objectif des collectifs comme "Les dangers du laser" n'est pas de nier le soulagement et la joie que l'opération peut prodiguer, mais plutôt de braquer les spotlights sur les éventuels effets secondaires, afin que les futurs patients soient bien informés avant de réaliser l'intervention.