
“L’incontinence anale (ou fécale) est le passage incontrôlé de selles ou de gaz dans l’anus, indique la Pre Emilie Chalais, chirurgienne viscérale et digestive à l’Institut des Maladies de l’Appareil Digestif du CHU de Nantes, lors d’une conférence de presse organisée mi mai à l'Académie nationale de chirurgie. Elle concerne une personne sur dix dans le monde, et en priorité des femmes après 60 ans. C’est une pathologie fréquente dont la prévalence augmente après 65 ans et en cas de pathologie intestinale chronique sous-jacente”. Mais les plus jeunes ne sont pas pour autant épargnés. “Dans un récent sondage en ligne s’intéressant aux individus de moins de 65 ans, 36.6 % des répondeurs rapportaient une incontinence anale”, constate de son côté Pr Aurélien Venara, chirurgien viscéral et digestif au CHU d’Angers. Les femmes sont en effet plus susceptibles de souffrir d'incontinence anale plus jeunes, notamment après l’accouchement.
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Des lésions du sphincter consécutives à l’accouchement peuvent ainsi provoquer une incontinence anale 15 à 25 ans après la naissance du bébé. Des problématiques quasiment jamais abordées par les soignants dans les suites de couche, ni par les femmes elles-mêmes. “On constate que malgré une altération de la qualité de vie relative à l’incontinence anale, les femmes consultent peu, à la différence de l’incontinence urinaire”, poursuit le Pr Aurélien Venara qui ajoute : “Une des évolutions stratégiques de la prise en charge intéresse donc la prévention primaire (pour limiter les risques de lésions obstétricales du sphincter anal) et secondaire notamment par le biais d’une amélioration de l’information sur les risques d’incontinence anale et sur les possibilités de prise en charge au cours de consultations dédiées.”
Car une meilleure information et une prise en charge plus rapide améliorerait non seulement les chances de réussite des traitements aujourd’hui à disposition, mais réduirait nettement le temps de handicap subi par les patients touchés. Consulter est d’autant plus important que l’incontinence anale peut parfois cacher une autre maladie, comme un cancer ou une pathologie neurologique ou inflammatoire, surtout si elle s’accompagne d’autres symptômes et qu’elle est brutale et répétée.
Dépister précocement l’incontinence anale pour mieux la traiter
Le dépistage précoce de l’incontinence anale est essentiel, car il est alors souvent possible de régler le problème avec quelques bons gestes et une rééducation ciblée. La rééducation anale par sonde est le traitement de première intention en cas d'incontinence fécale. Elle fonctionne bien pour les formes peu avancées, mais ses résultats sont conditionnés à la bonne observance des mesures hygiéno-diététiques spécifiques (en fonction du profil du patient) et d'éventuellement médicaments régulateurs de transit. Parmi les gestes indispensables à adopter au moment d’aller à la selle, la Pre Duchalais insiste sur le fait qu’il faut toujours bien attendre l’envie d’aller à la selle, ne pas pousser et que la contraction du rectum soit bien concordante avec le relâchement du sphincter. Si ces mesures et la rééducation ne suffisent pas, il faut alors se tourner vers d’autres solutions : la neuromodulation sacrée, une technique bien rodée, et le Botox, plus récent, mais aux résultats très encourageants.
Neuromodulation ou Botox : deux techniques efficaces dans le traitement de l’incontinence fécale
“La neurostimulation des racines sacrées est proposée depuis plus de 20 ans, explique la Pre Duchalais, et offre des résultats probants, puisque que 50 à 70 % des patients implantés sont satisfaits.” Il s’agit ici de stimuler les racines nerveuses (cette technique est également utilisée en cas de vessie hyperactive) ce qui a pour effet d’améliorer le tonus du sphincter et d’augmenter la sensibilité du rectum. L’implant définitif est posé pour 10 ou 15 ans après une période de test de trois semaines, si la diminution des fuites est égale ou supérieure à 50 %. Malheureusement, pour 30 % des patients environ, la neuromodulation des racines sacrées est un échec. Ils peuvent depuis peu se tourner vers une autre technique, plus récente, mais déjà largement exploitée en médecine : le Botox. “C’est une petite révolution, s’enthousiasme la Pre Duchalais, intéressante pour les personnes souffrant d'incontinence fécale par impériosité (le besoin urgent d’aller aux toilettes, sans pouvoir de retenir, ndlr), on peut obtenir jusqu’à 70 % de réussite”. Les injections - une dizaine directement dans le rectum - sont généralement réalisées par un gastro-entérologue et doivent être renouvelées tous les trois ans.
Conférence de presse de l’Académie de chirurgie, mai 2025.
https://www.thdlab.fr/patients/pathologies/incontinence-fecale