« Je me suis dit que cette compétition ne pouvait pas être plus difficile à vivre que la maladie » : de la paralysie à une course de 226 km, l'histoire folle d'Anick, 20 ans

Publié par Elodie Vaz
le 05/12/2025
L'Ironman
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Crédit photo : Anick Nadeau-Fréchette
TÉMOIGNAGE. Paralysée et intubée en soins intensifs il y a tout juste deux ans, une jeune Québécoise de 20 ans vient de terminer un ultramarathon au Mexique. Un exploit rendu possible grâce à sa détermination et à des dons de plasma.

Il y a deux ans, Anick Nadeau-Fréchette ne bouge plus qu'une paupière. Un syndrome de Guillain-Barré foudroyant cloue au lit cette jeune Québécoise de 20 ans, passionnée de course à pied. Le 27 novembre dernier, elle achève l'un des défis les plus redoutés au monde : l’Ironman de l’île de Cozumel, au Mexique. En tout, 226 kilomètres d'effort répartis en 3,8 km de natation, 180 km de vélo et un marathon. Une promesse qu'elle se fait à elle-même et à son père lorsqu'elle repose, intubée et ventilée, en soins intensifs.

Depuis l'enfance, le sport rythme la vie d'Anick. « Je suis férue de course depuis mes 7 ans. À 18 ans, j'avais déjà couru deux marathons. » Le second, cette jeune femme le court seulement deux mois avant son hospitalisation. Durant cette période de détresse physique, l'idée de l’Ironman s'impose naturellement. « Je me suis dit que cette course ne pouvait pas être plus difficile à vivre que la maladie », murmure-t-elle.

Alors que l'avenir lui sourit, cette maladie fait apparition sans trop prévenir. En quelques jours à peine, elle perd la force de ses jambes, puis de ses bras. Une paralysie qui s'étend jusqu'à son visage. « Je ne pouvais plus cligner des yeux. Les infirmières devaient me les humidifier plusieurs fois par jour », se souvient-elle. Le diagnostic tombe rapidement. Son nom : le syndrome de Guillain-Barré, une maladie auto-immune rare qui s'attaque au système nerveux.

Les soins intensifs
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Crédit photo : Anick Nadeau-Fréchette

Cette affection attaque les nerfs périphériques. Depuis les années 1980, les médecins la traite grâce à un médicament fabriqué à partir de plasma, dont la production nécessite la contribution de centaines, parfois même de milliers, de donneurs à travers le monde. Un élan de solidarité fort pour Anick. « Le dons du sang, de plaquettes ou de plasma sauve des vies. C'est grâce à tous ces inconnus que je tiens debout aujourd'hui. »

Avant de traverser les veines d'Anick, ce précieux sérum est transformé en injections d'immunoglobulines qu'elle reçoit pendant cinq jours. Seulement, voilà, son corps ne répond pas. « Au 6ᵉ jour, mon état se dégradait à vitesse grand V. Les médecins décident alors de me monter aux soins intensifs et de me plonger dans un coma artificiel », raconte-t-elle.

Commence alors un marathon médical. Le traitement, normalement administré sur dix jours, dure cinq mois. « Dès qu'ils arrêtaient les perfusions, je rechutais. Tous les progrès étaient perdus », explique la jeune femme. 

La longue remontée

Quand la paralysie cède enfin, tout reste à reconstruire. « Ce n'était pas une marche rapide au départ mais des petites victoires : bouger un doigt, lever un bras. » Entre ergothérapie et physiothérapie, elle réapprend chaque geste du quotidien : tenir une fourchette, se brosser les dents, marcher. « Les médecins m'avaient annoncé deux ans de rééducation avant de remarcher. Il m'aura fallu deux mois pour tenir sur mes pieds », se réjouit-elle.

Soixante jours où naviguent l'espoir et les rechutes. « Un jour, je pouvais lever le petit doigt et le lendemain, plus rien », confie-t-elle. Les progrès sont fragiles. Mais elle s'accroche. Parce qu'elle a un rêve en ligne de mire : l’Ironman.

La course, son oxygène

Elle reprend l'entraînement, encadrée par son physiothérapeute et son coach. Des mois d'efforts, de doutes, de séances qui s'enchaînent. Et le 23 novembre 2025, elle s'élance sur les routes de Cozumel. « J'avais confiance. Je voulais un défi qui me sorte de ma zone de confort. »

« Il ne faut pas être pressé de récupérer sa vie d'avant. On ne peut pas courir avant de recommencer à marcher »

226 kilomètres plus tard, elle franchit la ligne d'arrivée avec le sourire aux lèvres en 14 h 23 top chrono. « Toutes ces heures de kiné, tous ces moments où je doutais... Tout prenait sens. Cette course était difficile mais magique. Je suis tellement fière de moi », sourit-elle.

L'entrainement
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Crédit photo : Anick Nadeau-Fréchette

Pas question de s'arrêter là pour autant. « Mon coach vient de m'inscrire à la prochaine course prévu au Texas dans quatre mois. J'aimerais aussi me qualifier pour celle d'Hawaï en octobre 2026. Mais pour ça, il faut que je termine première dans ma catégorie en avril. » Un objectif qu'elle défend avec détermination.

Entre deux entraînements, Anick gère son activité de designer d'intérieur. « Le sport, c'est toute ma vie, mais mon travail aussi. C'est un équilibre important dans mon quotidien », livre-t-elle.

Cet exploit ne lui fait pas oublier ceux qui subissent l'épreuve qu'elle vient de traverser. « On ne peut pas courir avant de recommencer à marcher », confie-t-elle avec sagesse. « Il faut avoir un rêve et, si on y met tout notre cœur et toute notre tête, on peut toujours l'atteindre. Les grandes choses, on les réussit tranquillement et non rapidement. »

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Interview avec Anick Nadeau-Fréchette. 

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