Androcur et apparition de méningiomes : les laboratoires reconnus coupables de défaut d'informationIstock

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C’est une victoire pour la sécurité des médicaments ! Ce lundi 2 juin 2025, le tribunal civil de Poitiers a rendu un jugement sans précédent : les laboratoires Bayer, Sandoz et Viatris ont été condamnés à verser 325 000 euros d’indemnisations à une patiente.

Cette dernière avait développé des méningiomes, une forme de tumeur cérébrale, après avoir pris l’un de leur médicament. Le jugement civil les a donc reconnus responsables de “défaut d’information” sur cette molécule. Son nom ? Androcur.

Le lien entre Androcur et les méningiomes déjà connu

Mais qu’est-ce que ce médicament ? Cet anti-androgène est prescrit pour traiter des troubles hormonaux comme l’endométriose, l’acné sévère ou encore l’hyperpilosité. La patiente de cette affaire avait consommé ce médicament, puis ses génériques, entre 1991 et 2013, pour un syndrome des ovaires polykystiques, avant de se rendre compte qu’elle avait développé des méningiomes.

Il s’agit d’une tumeur qui se développe au niveau des méninges, les membranes qui enveloppent le cerveau et la moelle épinière. Généralement bénigne, elle peut cependant entraîner des symptômes graves comme des troubles de la vision, des maux de tête, ou encore des paralysies. Les méningiomes doivent alors être retirés par intervention chirurgicale.

Le lien entre Androcur et le développement de méningiomes avait pourtant été confirmé, par plusieurs études, et ce depuis 2008. Le responsable ? La molécule contenue dans le médicament, l’acétate de cyprotérone. Dès 2018, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait tiré la sonnette d’alarme : l’utilisation prolongée du médicament et de ses génériques peut multiplier jusqu'à 20 le risque de développer cette tumeur. Le danger est encore plus important à fortes doses, et chez les femmes exposées pendant plusieurs années.

Une information jugée insuffisante par le tribunal

En réponse à cette mise en garde, des mesures avaient été prises pour restreindre la prescription du médicament : mise en place d’un protocole de surveillance, signature obligatoire d’un consentement éclairé, limitation des indications thérapeutiques… Mais trop tard pour cette patiente de 55 ans, qui souffre désormais de troubles visuels et de la mémoire, mais aussi d’une forte fatigue.

La décision du tribunal souligne donc un manquement de la part des laboratoires, qui n’avaient pas suffisamment informé la patiente de ces risques, pourtant connu depuis longtemps. Le médecin et le pharmacien de la patiente ont également été mis en cause.

Les juges ont estimé que cette carence d’information d’autant plus grave qu’elle concerne un traitement prescrit à des patientes jeunes, souvent en âge de procréer. Pendant des années, des milliers de femmes ont continué à recevoir Androcur ou ses génériques, parfois pendant plus de dix ans. Selon l’ANSM, cela concernerait plus de 200 000 femmes en France entre 2006 et 2018.

Une première condamnation qui pourrait servir d'exemple

Cette condamnation pourrait entraîner une vague de nouvelles plaintes contre Androcur. L’avocat de la victime parle d’une “victoire historique” et espère que ce jugement encouragera d’autres femmes à faire valoir leurs droits. De son côté, le groupe Bayer a annoncé sa décision de faire appel.

Mais cela va plus loin : cette affaire pourrait marquer un tournant dans la reconnaissance des effets secondaires graves de certains médicaments et ouvre la voie à d’autres potentielles procédures judiciaires. Elle met en lumière la nécessité d’un meilleur encadrement et d’une transparence accrue sur les effets indésirables des médicaments au moment de leur mise sur le marché.

Pour éviter le moindre risque, avant de commencer ou de poursuivre un traitement, n’hésitez pas à poser des questions à votre médecin, mais aussi à vous renseigner sur les effets secondaires possibles.