Quel type de mangeur êtes-vous ? Un psychonutritionniste dresse le bilanAdobe Stock
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Chaque jour, le corps exige sa dose de nourriture pour pouvoir faire fonctionner la machine à plein régime. Geste de vie, et surtout de survie, l’alimentation s’impose comme une sorte de "réflexe" assurant le bon fonctionnement de l’organisme au quotidien apportant l’énergie nécessaire aux organes, notamment. Oui, mais ce n’est pas tout : les habitudes alimentaires et les raisons qui poussent chacun à manger, peuvent varier selon différents critères. Culture, croyances, mélange d’émotions, plaisir à assouvir, besoins nutritifs à combler… divers critères s’accordent et exercent leur influence sur la façon dont chacun va choisir de s’alimenter.

La dimension psychologique de l’alimentation

En clair, le rôle de l’alimentation est, au premier abord, purement métabolique et fonctionnel. Mais ce n’est pas la seule fonction qu’assure cet acte essentiel à la vie, qui s’avère finalement bien plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, la dimension psychologique joue un rôle considérable dans tout le processus alimentaire que chacun connaît. Liée au système d’envie et de récompense, la nutrition va bien au-delà des besoins qu’elle comble constamment.

"Manger est à la fois un acte de survie et de vie. Nous devons manger pour survivre. Selon la masse de nos cellules adipeuses, nous avons de 1 à 2 mois de ‘réserves’ si nous choisissons de ne plus nous alimenter. Mais manger est également un acte de vie, qui répond à nos différents besoins. Nos besoins énergétiques, nos besoins nutritionnels et nos besoins émotionnels. Le fait de manger peut cibler un besoin en particulier ('Je mange des glucides avant d’aller courir’) ou les trois en même temps", indique Charles Brumauld, psychonutritionniste, diététicien et auteur de plusieurs ouvrages.

Alimentation : la nourriture comme refuge

Ce n’est un secret pour personne : la nourriture et l’alimentation en général, s’inscrivent comme de véritables refuges pour un grand nombre de mangeurs. Une petite glace lorsque le soleil et la bonne humeur s’invitent un après-midi d’été, une tablette de chocolat devant un film aux amours impossibles pour évacuer sa tristesse, plusieurs paquets de biscuits lorsque le stress se pointe… le corps est intimement lié à l’esprit, mais également à l’environnement qui entoure.

"Se récompenser, ça peut être utile ! Manger du chocolat après une grosse journée, un chagrin d’amour ou juste parce qu’on a envie, c’est utile. Ça fait du bien. Mais si à chaque fois que je passe une dure journée, que je suis triste ou que j’ai envie, mon unique solution, c’est de manger du chocolat, comment ça se passe pour moi ? Est-ce que je me juge ? Est-ce que c’est toujours un bon moment ? Est-ce que je suis vraiment en train de prendre soin de moi court terme, moyen terme, long terme si je fais ça à chaque fois, ou est-ce que je ne suis pas un petit peu en train de m’enfermer ?", explique le psychonutritionniste.

Mais quelles autres raisons peuvent pousser certains à se jeter sur la nourriture, sans forcément ressentir cette faim qui tiraille le ventre ? Leslie Frazier, une professeure de psychologie à la Florida International University aux Etats-Unis, a établi une liste des différents "mangeurs" existants.

Les mangeurs internes

Pour la spécialiste américaine, il existe le profil des "mangeurs internes", qui se laissent guider par leurs émotions et qui, par conséquent, ont tendance à profiter d’autant plus de l’alimentation lorsqu’ils sont tristes, joyeux, en pleine festivité ou en plein bonheur. "Bien que la faim soit un besoin physiologique, il me semble délicat de la décorréler totalement de nos envies. On peut avoir faim ET envie de manger. Cette vision dichotomique peut vite conduire à relativiser, minorer, voire diaboliser nos envies, en mode ‘je n’ai pas faim, ce n’est qu’une envie’", selon Charles Brumauld.

"D’autre part, notre cerveau ‘veille au grain’. Il souhaite que notre état psychique soit le plus stable possible. Lorsque nos émotions sont trop intenses (tristesse, colère, mais aussi joie), il suggère des solutions qui auront pour effet de diminuer l’intensité de l’inconfort émotionnel. Et il faut reconnaître que dans l’urgence, cela marche plutôt bien (chocolat, chips…). L’important est de pouvoir développer d’autres stratégies de coping, un ensemble de stratégies pour être plus en lien avec nos émotions, plutôt que de chercher à les éviter", poursuit l’expert en psychonutrition.

Les mangeurs externes

Dans les pages de la Florida international university, Leslie Frazier évoque les "mangeurs externes", qui s’alimentent également pour répondre à des stimuli perçus au sein de l’environnement. Panneaux publicitaires, spots TV, ami qui mange une glace à côté de nous et qui nous donne envie de faire de même… l’environnement s’invite comme un véritable facteur d’influence dans le quotidien.

"Effectivement, les mangeurs qui ont une forte externalité, lorsqu’ils sont en présence d’un stimulus de nourriture (un buffet, des vitrines de viennoiseries ou des chocolats en entreprise) ont la sensation qu’ils ne peuvent s’empêcher de goûter, d’y retourner et/ou d’en manger dans des quantités importantes. Dans ce cas, il convient d’abord de stabiliser la physiologie : s’assurer que l’on est correctement hydraté-e, manger plus régulièrement (toutes les 4 heures, par exemple) et suffisamment afin d’éviter une sensation de faim trop prégnante. En tant qu’humain, lorsque nous avons très faim, nous avons très faim et nous ferons tout pour répondre à ce besoin de manière urgente", indique Charles Brumauld.

Le spécialiste va même plus loin, et indique qu’il peut être nécessaire de ré-apprendre à percevoir les signaux internes qu’envoie l’organisme, ce que les experts nomment "interoception", "puisqu’en l’espèce, elle est dérégulée chez ce type de mangeurs/mangeuses", selon lui.

Les mangeurs restreints

Le troisième type de mangeur se nomme "mangeur restreint", selon l’experte en psychologie américaine. Ces profils ont plutôt tendance à se concentrer sur la qualité de ce qu’ils consomment, et la quantité. La perte et la prise de poids peuvent, dans ces cas-là, rapidement interférer dans le quotidien, jusqu’à en devenir l’obsession tant redoutée.

"Pourquoi la perte de poids est une obsession ? Parce que toute la société nous dit que c’est dans ‘tel type de corpulence’ que se trouve la réussite, notre épanouissement, voire notre salut. Confrontés aux images et aux discours véhiculés (Tv, films, séries, réseaux sociaux…), les individus réfléchissent logiquement à « perdre du poids » pour se conformer à ce modèle de société, un modèle changeant selon les époques, pourtant", affirme le psychonutritionniste et diététicien.

Les mangeurs intuitifs

Le quatrième profil a été déterminé comme celui des "mangeurs intuitifs", qui, malgré leur goût pour la nourriture, se contentent principalement de manger pour répondre aux signaux envoyés par le corps. Ainsi, quelle place prend le plaisir, à côté des besoins vitaux chez ceux qui n’osent faire confiance qu’aux signaux purement essentiels et métaboliques ?

"Je comprends l’intention de ‘vouloir manger plus intuitif’. Le ‘trop de règles’ et les nombreux arbitrages mentaux peuvent user. Lorsqu’on n’a pas du tout faim le matin et qu’on entend, ‘Le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée’, où trouve-t-on sa place ? Néanmoins, le ‘corps sait’ a ses limites, puisqu’il n’a pas d’appétence naturelle pour la vitamine C ou la vitamine D, par exemple. Or, nous en avons besoin. Le corps ne sait pas si ces petits poissons gras sont riches en oméga 3 ou si l’huile d’onagre est bonne pour ma peau. C’est ma tête, mon cerveau, grâce à ses connaissances, qui lui indique ce qui serait bon pour le corps", partage Charles Brumauld.

Ainsi, la tête et le corps sont supposés travailler ensemble et s’accompagner, plutôt que d’afficher une opposition certaine et parfois infondée. "Le plaisir (olfactif, visuel, gustatif…) fait partie intégrante de l’équilibre alimentaire. Le plaisir intervient même dans le rassasiement. On peut manger du poisson blanc/brocolis sans sauce en grandes quantités, sans pour autant être rassasié-e, car il nous…manque quelque chose !", conclut le spécialiste.

Sources

Merci à Charles Brumauld, psychonutritionniste et diététicien. 

http://www.charlesbrumauld.com/

https://news.fiu.edu/2020/psychology-of-food

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