

Le premier sentiment qui apparaît lorsque l’on s'ennuie est l’anxiété de ne rien faire. La faute, sans doute, à notre société contemporaine qui nous oblige constamment à combler le vide. "Il y a une telle angoisse qu’il ne se passe rien (…) Il y a plein de moments où on patiente. Mais attendre, c’est être en face de soi, et être en face de soi, c’est déprimant", expliquait, lors d’une interview sur le média Brut, Fabrice Luchini, acteur français. Pourtant, ces dernières années, des scientifiques constatent que si l'ennui est désagréable, il est porteur d'un message que nous ferions bien de prendre en compte.
Selon le philosophe et neuroscientifique cognitif à l'université de Waterloo, James Danckert, l'ennui est un indicateur que la tâche que nous sommes en train d'accomplir ne convient pas à nos ressources mentales et émotionnelles. C’est un signal d’alarme interne, un peu comme peut l’être la douleur. Pour le philosophe Peter Toohey, l’ennui est un état émotionnel fondamentalement humain qui nous pousse à revoir nos priorités et à ralentir.
Le neurone ne peut plus supporter le flottement
Seulement, notre société moderne nous oblige à ne plus ressentir ce sentiment. Et il ne manque pas d’objets connectés pour y échapper : réseaux sociaux, podcasts, plateformes de séries à la demande… tout a été conçu pour ne jamais s’ennuyer. "Notre rapport au portable a une fonction merveilleuse et atroce. Dès que nous sommes dans un moment de perplexité, il résout ce problème (...) le neurone est tellement accroché à cette addiction qu’il ne peut plus supporter le flottement", alerte Fabrice Luchini sur Brut.
L’impact de la surstimulation sur la fonction cognitive
Or, cette surstimulation épuise notre fonction cognitive. Plusieurs études ont démontré que cette exposition perpétuelle à des stimuli favorise l’anxiété et altère la mémoire. Il devient donc vital de réapprendre à s’ennuyer afin d’en tirer tous les bénéfices.
On dit d’ailleurs souvent que l’ennui stimule la créativité, mais cette idée est contestée. Andreas Elpidorou, philosophe à l’université de Louisville, démontre par différentes études que l’ennui nuit souvent aux tâches créatives. En clair, ce n’est pas l’ennui qui favorise la créativité, mais la pratique.
Cependant, certaines personnes savent transformer l’ennui en moteur créatif. « Dans ce cas, dit Elpidorou, ce n’est pas l’ennui qu’il faut saluer, mais votre capacité à y réagir. » En fin de compte, l’impact de l’ennui dépend surtout de la façon dont on y répond.
Pour enfin réapprendre à s’ennuyer, voici un diaporama de sept façons de laisser notre esprit divaguer :
Faire du tri

Faire du tri dans ses placards, c’est faire du tri dans son esprit. Rien de mieux pour réapprendre l’ennui.
Lire un livre

Plonger son esprit dans un bouquin reste un stimulus extérieur, mais il laisse bien plus de place à la créativité que les écrans qui imposent leur contenu.
Sortir son animal de compagnie

Les animaux favorisent la connexion à l’autre et obligent à sortir de chez soi. C’est une très bonne manière de réapprendre l’ennui.
Se consacrer un instant de pause chaque jour

Vingt minutes par jour sans écrans ni stimulations extérieures. Ce temps peut servir à marcher ou juste attendre et ne rien faire.
Redécouvrir les gestes répétitifs

Jardinage, ménage, préparation des repas… Ces instants permettent en quelque sorte au cerveau de se mettre en pause. C’est une sorte de méditation.
Accepter les temps morts

À chaque instant où l’envie vient de prendre son téléphone pour combler un vide (au feu rouge, dans la salle d’attente du médecin…), remplacez cette action par une observation et une description des lieux.
Organiser des vacances sans programme

Quoi de mieux que de se laisser porter par le vent ? Ne pas combler l'agenda en vacances permettra de réapprendre à s’ennuyer.