

Dans un monde où tout, ou presque, passe désormais par un écran, il n’a jamais été aussi facile de rester en lien ou de donner l’illusion qu’on l’est. Les réseaux sociaux et les applis de rencontre ont bouleversé notre manière d’entrer en relation, mais aussi de rompre, de disparaître, ou de revenir sans prévenir. Ce qui pourrait n’être qu’un simple jeu numérique finit par peser lourd sur l’estime de soi. Car ces nouveaux comportements entretiennent le doute, alimentent des espoirs flous, et laissent des blessures invisibles.
Pourquoi ces pratiques fragilisent-elles autant la confiance en soi ?
Parce qu’elles installent un flou émotionnel constant. Un rejet clair, aussi douloureux soit-il, a au moins le mérite de fixer les choses : on sait où on en est, on peut avancer. Mais ces nouveaux modes de rupture ou de non-relation laissent une porte entrouverte, nourrissant les « et si ? » et les « peut-être ». Un like, un message sans suite, un profil qui continue de visionner vos stories, tout cela réactive des sentiments et vous empêche de tourner la page. À la longue, on finit par se demander si l’on n’a pas exagéré, si l’on vaut si peu qu’on mérite un tel traitement, si l’on n’est pas responsable de ce flou.
Comment les réseaux ont-ils changé la façon de rompre ou de s’éloigner ?
Avant les réseaux sociaux, une rupture signifiait souvent une vraie coupure : plus de nouvelles, plus de traces de l’autre dans notre quotidien. Aujourd’hui, impossible de ne pas croiser son visage ou son nom, que ce soit sur Instagram ou sur Facebook. Même sans échanger un mot, l’autre reste là, comme une présence fantomatique sur nos écrans. Chaque notification, chaque apparition rouvre la blessure, empêche de guérir et ravive l’envie de comprendre ce qui s’est passé. On se retrouve prisonnier des souvenirs, à guetter des signes, à interpréter des gestes qui n’en sont peut-être pas.
Pourquoi est-ce si difficile de ne pas y accorder d’importance ?
Parce que ces comportements jouent avec nos émotions les plus profondes : le besoin d’être vu, reconnu, apprécié. Quand quelqu’un adopte l’un de ces modes de relation flous, il envoie des signaux contradictoires : une part de vous comprend qu’il n’y a plus rien à espérer, mais une autre s’accroche au moindre signe qui pourrait signifier le contraire. C’est un terrain glissant, où l’on se met à douter de soi plus que de l’autre, à chercher des explications là où il n’y a que du vide.
Est-il possible de s’en protéger sans couper tous les ponts numériques ?
C’est là toute la difficulté. On pourrait bloquer, supprimer, se déconnecter mais cela revient à renoncer aux aspects positifs des réseaux : les amis, les échanges, la découverte. La vraie force réside plutôt dans le fait de repérer ces comportements et de les nommer. Comprendre qu’un like ou un message isolé ne signifie pas forcément qu’on tient à vous. Réaliser que ce qui compte, ce sont les actes, pas les miettes qu’on vous laisse. Et surtout : réapprendre à se centrer sur soi, plutôt que de chercher des réponses dans un fil de notifications.
Ces nouvelles façons de jouer avec les codes de la relation ont des noms bien à elles. Elles traduisent cette époque où l’on disparaît sans disparaître vraiment, où l’on sème des signes sans jamais s’engager. Des mots venus souvent de l’anglais, qui mettent un terme précis sur des comportements flous, mais qui ont tous le même effet : entamer la confiance qu’on a en soi. Tour d’horizon de ces 7 tendances qui rendent les relations modernes si déroutantes et parfois si douloureuses.
Prowling

C’est l’art de hanter vos réseaux sans jamais vraiment réapparaître dans votre vie. Le « prowler » ne vous écrit pas, ne vous appelle pas, mais s’arrange pour laisser des traces : un like ici, un visionnage de story là… Vous le sentez dans votre sillage numérique, comme un fantôme silencieux. Le pire ? Cela entretient l’illusion qu’il s’intéresse encore à vous, alors qu’il ne fait que nourrir votre confusion.
Orbiting

C’est la version plus passive-agressive : cette personne a mis fin à votre relation ou vous a ghosté, mais continue de tourner autour de vous sur les réseaux. Comment ne pas se demander « pourquoi ? » en voyant ses likes sur votre dernier selfie ou son nom apparaître dans les spectateurs de votre story ? L’orbiting vous laisse dans une zone grise émotionnelle, entre rejet et fausse proximité.
Zombieng

Vous pensiez qu’il avait disparu pour de bon ? Erreur. Le zombie numérique revient d’entre les morts après des semaines, des mois, parfois des années de silence. Un petit « Hey, ça va ? » surgit dans vos messages comme si rien ne s’était passé. Le pire ? Ce retour inattendu ravive des blessures mal refermées et vous pousse à vous demander ce que vous avez bien pu louper.
Breadcrumbing

C’est le jeu cruel des miettes d’attention. L’autre ne s’engage jamais vraiment : un message ambigu, un emoji en réaction à votre story, un compliment lâché au hasard… juste assez pour garder votre intérêt en éveil. Vous attendez un geste plus franc qui ne vient jamais, prisonnier.ère d’un espoir fabriqué de toutes pièces.
Benching

Vous êtes là, toujours là, mais jamais choisi.e. Cette personne vous garde sur le banc de touche, vous écrit de temps en temps, propose des plans qui n’aboutissent pas, vous donne l’impression d’être « presque » important.e. Le benching entretient une attente interminable et un sentiment de n’être qu’une option parmi d’autres.
Gaslighting numérique

C’est la manipulation 2.0. Un jour vous êtes sublimé.e par des mots doux, des likes, des attentions ; le lendemain vous êtes ignoré.e, rabaissé.e, ou accusé.e d’exagérer. À force, vous doutez de votre propre réalité : avez-vous rêvé ce lien ? Ce qui mine le plus, c’est cette sensation de perdre pied dans une relation virtuelle devenue toxique.
Cloaking

Le summum du mépris moderne. Vous avez un rendez-vous prévu, tout semble bien parti : messages échangés, heure et lieu fixés… Puis plus rien. La personne disparaît sans un mot et vous bloque de partout : réseaux, appli, téléphone. Vous restez seul.e avec votre incompréhension, planté.e comme un.e idiot.e devant un café vide.