Christian 69 ans : « Le jour où je me suis rendu compte que je chantonnais en marchant, c’est le moment où j’ai compris que j’étais en sécurité avec mon chien-guide »
Moti est bien plus qu’un animal de compagnie pour Christian. Ce labrador croisé golden retriever de neuf ans a une fonction bien définie : il voit pour deux. « J’ai progressivement perdu la vue à partir de l’adolescence. Pendant plusieurs années, je me suis débrouillé tant bien que mal, refusant d’utiliser une canne blanche. Il y a neuf ans, j’ai décidé de prendre un chien-guide. Un choix que je ne regrette pas », témoigne Christian Lair, malvoyant et président de l’association ANM Chiens Guides, affiliée à la Fédération française des associations de chiens guides d’aveugles (FFAC). Après deux années d’attente, ce nouveau compagnon de route est entré dans sa vie, son quotidien s’est adouci et, plus encore, il s’est sécurisé.
Ce dimanche 28 septembre, consacré aux chiens guides d’aveugles, rappelle combien se déplacer reste un défi permanent pour les personnes malvoyantes : trottoirs surélevés, transports publics escarpés ou rues étriquées, c’est la ville tout entière qui est inadaptée à la déficience visuelle. « Avant d’avoir Moti, je me déplaçais seul sans canne. Le problème, avec ou sans cette aide, c’est qu’on a connaissance de l’obstacle qu’à la dernière seconde. Résultat : la charge mentale sur nos seules épaules est énorme », se souvient Christian.
Bien que son quotidien soit devenu plus serein, l’arrivée de ce compagnon à quatre pattes au domicile de Christian s’est accompagnée d’une période d’adaptation. Il aura fallu attendre trois mois pour que le binôme se forme pleinement et devienne parfaitement efficace. « C’est difficile au départ de s’en remettre entièrement au chien. Il faut apprendre à se connaître, à appréhender nos caractères respectifs et à instaurer une confiance mutuelle. Comme moi, Moti est un être vivant avec ses qualités et ses défauts », témoigne-t-il.
Une formation exigeante et continue
Une période d’apprentissage qui se traduit par deux semaines de stage en immersion totale à l’école de chiens guides pour que le maître et son camarade puissent s’apprivoiser. Il s’ensuit un suivi régulier par un éducateur dans l’environnement dans lequel va évoluer le binôme. « En moyenne, un chien-guide sort de l’école avec une cinquantaine d’instructions : passage clouté, passage des portes ou du tourniquet dans le métro, trouver l’arrêt de bus mais aussi une place à l’intérieur de celui-ci », explique Christian.
Familles d’accueil bénévoles, professionnels spécialisés, donateurs et associations fédérées, tous se mobilisent pour permettre chaque année la remise gratuite de plus de 200 chiens-guides. En France, il existe 10 écoles et un centre d’élevage affiliés à la FFAC. Des institutions indispensables mais pourtant très fragiles. Leur point faible : le financement. « Elles sont entièrement dépendantes de la générosité du public », déplore Christian.
Le bien-être animal, gage de sécurité
Ces centres d’apprentissage sont pourtant indispensables pour garantir le bien-être animal et, par association, celui de son futur maître. « Un chien-guide épanoui, c’est un chien-guide plus concentré, plus sûr et plus attentif à nos besoins », rappelle Christian. De la naissance à la retraite, la santé, l’équilibre et l’épanouissement des chiens guides sont indissociables de la sécurité et de l’autonomie des personnes déficientes visuelles. « Si je fais tomber des écouteurs, il les ramasse et me les donne. Lorsque je m’apprête à entrer dans une bouche de métro, c’est Moti qui m’emmène directement en haut de l’escalier de la station et ensuite devant le quai. »
Garantir la sécurité de Christian est la mission principale de Moti. Mais ce toutou a d’autres atouts : le lien social. « Lorsqu’une personne avec une déficience visuelle s’assied dans un parc avec sa seule canne, la grande majorité des passants avancent sans même se rendre compte de sa présence », observe Christian. Le chien a un effet d’aimant : il attire les gens et crée inévitablement un lien. « Il engage la discussion sur un autre sujet que la déficience visuelle, qui peut parfois mettre mal à l’aise. Lorsque je me suis installé à Antibes, j’ai noué des attaches avec mon voisinage grâce à Moti », exprime-t-il.
Des refus d’accès encore trop fréquents
Malgré son caractère indispensable pour l’inclusion des personnes à mobilité réduite dans la société, l’accessibilité des chiens guides dans les lieux publics est parfois un véritable combat. En 2024, plus de 245 refus d’accès dans des restaurants, commerces, transports ou établissements médicaux ont été signalés à l’association. « À titre personnel, j’ai reçu un refus catégorique avec un taxi. Dès que le chauffeur a vu Moti, il est parti. Mais cette situation est exceptionnelle. La plupart du temps, ce sont des réticences face à des personnes qui ne connaissent pas la législation », explique Christian.
Les chiens guides d’aveugles et les chiens d’assistance sont autorisés à entrer dans tous les lieux ouverts au public et dans tous les transports, sans exception. La loi du 11 février 2005 rappelle ces droits et les dispense de porter une muselière. « Même si la loi est complète, il faut faire évoluer les mentalités et que la différence entre un chien-guide et un chien domestique soit connue de tous. »
À l’occasion de la journée dédiée à ces boules de poils, la fédération veut interpeller les pouvoirs publics ainsi que tous les citoyens. Elle soutient le plaidoyer de l’ANM Chiens Guides, qui se compose de trois points : la reconnaissance d’un véritable statut pour le chien-guide, qui couvrirait l’ensemble de sa vie, de sa naissance à sa mort, incluant ainsi sa retraite, la requalification en délit du refus d’accès d’une personne accompagnée d’un chien-guide dans un espace recevant du public, et la revalorisation de l’aide animalière, inchangée depuis 2005, destinée à aider le maître à faire face aux frais engendrés par la présence de ce compagnon à quatre pattes.
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Rencontre avec Christian Lair, malvoyant et président de l’association ANM Chiens Guides, affiliée à la Fédération française des associations de chiens guides d’aveugles (FFAC) et Moti.