Migraine : un fardeau sous-estimé, et des traitements efficaces hors de portéeImage d'illustrationIstock

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Des crises qui ne préviennent pas, et des patients insuffisamment soulagés. C’est le quotidien de plus de 10 millions de personnes à travers l’Hexagone. Résultat : un parcours de soins chaotique, marqué par l’isolement et les arrêts de travail qui se succèdent. Pourtant, l’arrivée de nouveaux traitements sur le marché ces dernières années est censée améliorer la qualité de vie des migraineux. Mais la réalité est tout autre. « Le coût de ces médicaments peut atteindre 250 euros par mois à la charge des patients. C’est une dépense que tout le monde ne peut pas se permettre sur le long terme », déplore Sabine Debremaeker, présidente de l’association La Voix des migraineux.

Ces nouveautés portent un nom : les anticorps anti-CGRP. Ce sont des traitements de fond qui visent à réduire la fréquence des crises. « Grâce à cette thérapie que j’ai débutée il y a deux ans, je suis passé de 12 migraines lourdes par mois à quatre migraines légères qui peuvent passer avec de l'ibuprofène », raconte Stéphane, 51 ans, souffrant de migraines depuis l’âge de 18 ans.

Mais peu de Français peuvent en bénéficier. L’Assurance maladie ne les prend pas en charge. « C’est une aberration. Ils sont remboursés dans plusieurs pays, sauf en France. Leur argument est qu’il y a déjà des traitements de fond pris en charge. Sauf que tous les patients migraineux ne répondent pas de la même manière à tous les médicaments. Il arrive parfois que certains fonctionnent un temps, puis qu’ensuite nous devions en changer », explique Stéphane.

Des traitements aux prix faramineux

Cet ingénieur de 51 ans a décidé de se restreindre pour bénéficier de ce traitement, qui lui coûte 270 euros par mois. « Mon salaire me permet d’y accéder, mais je fais partie de la minorité. Nous sommes 10 millions de malades en France. Comment font ceux qui ne peuvent pas se le permettre ? », témoigne-t-il.

Plusieurs raisons expliquent le non-remboursement de ces nouveaux médicaments. La première : le manque d’études scientifiques comparant ces nouvelles molécules à celles déjà sur le marché. Le deuxième frein concerne la négociation du prix. « Les fabricants ne trouvent pas d’accord avec l’Assurance maladie sur un tarif raisonnable », souligne Sabine Debremaeker.

La migraine : 2ème cause de handicap dans le monde

« La Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu un avis favorable pour les personnes présentant plus de 8 jours de traitement de crise par mois, en échec de deux traitements et sans antécédent cardiovasculaire. S'appuyant sur le manque de données de comparaison avec d'autres traitements, l'autorité sanitaire a donné une note qui ne permet pas le remboursement », regrette la présidente de l’association.

L’Organisation mondiale de la santé déplore que le poids de cette pathologie ne soit pas pris en compte. Son coût économique est faramineux. Selon l’organisation sanitaire, rien qu’en Europe, les dépenses de santé liées à la migraine seraient d’environ 111 milliards d’euros.

Classée 2ᵉ cause mondiale de handicap par l’OMS, cette maladie est largement sous-estimée. Pour la première fois, l’association La Voix des migraineux dévoile, par le biais d’une enquête, la réalité des patients et l’impact social et psychologique de ce fléau.

Une enquête qui met en lumière le quotidien des migraineux

Entre mars et mai 2022, 683 personnes âgées de 41 ans en moyenne ont répondu à un questionnaire en ligne pour documenter leur parcours de soins. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 70 % des patients rapportent un handicap sévère, 55 % ont dû s’arrêter de travailler plus de 21 jours au cours des trois derniers mois, et 60 % ne parviennent pas à s’occuper correctement de leurs enfants. « Quand une crise survient, notre cerveau n'est plus disponible. On s’isole totalement, et on pourrait prendre n'importe quoi pour soulager cette souffrance », confie Stéphane.

Selon l’association, le rythme de travail augmente la fréquence des crises. « Il faut des aménagements pour réduire le nombre de crises, comme des lumières indirectes, avec possibilité de varier l’intensité, des casques antibruit, des salles de repos, plus de télétravail… », souligne Sabine Debremaeker.

« La seule solution que les migraineux trouvent en entreprise actuellement, c’est d’aller aux toilettes pour prendre leurs cachets, car c’est le seul endroit où ils peuvent se retrouver sans bruit et dans l’obscurité. » Après les toilettes, il ne leur reste qu’une autre option : la voiture.

Sources

Interview avec Sabine Debremaeker, présidente de l'association "La voix des migraineux"

Stéphane, 51 ans, souffrant de migraines