concept of organ donation and transplantation, doctor holds with virtual icons of various human organs, including the bra...Istock

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“J’étais un chasseur, et depuis ma greffe de cœur, je suis devenu végétalien”. Et si la mémoire ou la personnalité n’étaient pas uniquement logées dans le cerveau, mais réparties dans l’ensemble du corps ? Depuis des décennies et toujours aujourd’hui, de nombreux témoignages intriguent : des receveurs d’organes transplantés révèlent des changements étonnants survenus après leur opération. Mais qu’est-ce que ce phénomène ?

Des souvenirs transmis par greffe ?

Selon une étude, publiée dans Transplantology en 2024, 89 % des patients greffés interrogés ont déclaré avoir constaté au moins un changement notable dans leur comportement, leur personnalité ou leurs préférences après une transplantation. Ces changements incluent de nouveaux goûts pour certains aliments, une sensibilité émotionnelle différente, de nouveaux désirs, un sentiment accru de spiritualité, ou encore des souvenirs de lieux, d’odeurs, de visages, etc. Ces témoignages sont surtout rapportés chez des personnes greffées du cœur, mais aussi du foie, du rein ou des poumons.

La mémoire est généralement considérée comme étant stockée dans le cerveau, à sa base dans l'hippocampe, mais aussi dans le système immunitaire. Malgré cela, certaines hypothèses avancent que d'autres parties du corps pourraient également stocker des informations, sous forme biochimique ou électrophysiologique. C’est sur cette base que plusieurs chercheurs ont émis l’idée que les organes transplantés peuvent transmettre au receveur des éléments de l’histoire du donneur, volontairement ou non.

Des témoignages qui s'accumulent

Joe, un patient ayant reçu une greffe du cœur, témoigne de changements dans sa personnalité après son opération. Accompagné d’un neurochirurgien, le Dr Remi Nader, il raconte : “J’ai commencé à avoir des envies de citron après mon opération. J’avais aussi envie d’un cigare alors que je n’aimais pas vraiment les cigares”.

Ce témoignage rejoint de nombreux autres, recensés dans la littérature scientifique. Des cas similaires sont décrits, avec des détails troublants : un homme qui se met à aimer la musique classique comme son donneur, une jeune femme qui finissait les phrases des poèmes du sien. Un enfant a développé une phobie de l’eau alors que sa donneuse était morte noyée, et une femme de 29 ans a même changé de sexualité. Si ces exemples restent anecdotiques, leur répétition interroge.

Comment expliquer ce phénomène ?

"Le transfert de traits de personnalité et de souvenirs du donneur au receveur défie les visions traditionnelles de la mémoire et de l’identité", selon le Dr Nader. La science n’a pas encore de réponse définitive à ce phénomène, mais plusieurs hypothèses sont étudiées !

Devant Joe, le neurochirurgien évoque l’hypothèse de la mémoire cellulaire. Selon cette théorie, certaines molécules comme l’ADN, l’ARN, ou encore les protéines, pourraient stocker des traces d’expériences ou d’émotions, et les transférer lors de la transplantation. Cette hypothèse distingue plusieurs types de mémoire possibles : génétique, épigénétique, métabolique ou encore énergétique. Ces mémoires seraient intégrées dans les cellules et potentiellement actives après la greffe.

Mais ce n'est pas la seule explication possible ! Une autre repose sur le système nerveux intrinsèque du cœur. Des recherches ont montré que le cœur possède un réseau de plus de 40 000 neurones, capable de percevoir, de ressentir, et même de mémoriser de façon autonome. Cette structure est connectée au cerveau via le nerf vague, permettant une communication dans les deux sens. Il n’est donc pas exclu que ce "petit cerveau du cœur" transporte des informations qui peuvent influencer la cognition, mais aussi les émotions du receveur après transplantation !

Une autre hypothèse, veut que ce phénomène serait lié à des facteurs psychologiques. Recevoir un organe est une expérience bouleversante : entre la reconnaissance envers le donneur et la prise de conscience de sa propre vulnérabilité, de nombreux éléments peuvent modifier l’identité d’une personne.

De même, les effets secondaires de certains médicaments utilisés après une greffe peuvent aussi contribuer à ces transformations. Le Dr Nader explique que la prise de stéroïde, recommandée après certaines transplantations, provoque de fortes envies de manger.

Enfin, certains chercheurs insistent sur la composante psychosomatique et sur le phénomène d’incorporation symbolique : le receveur pourrait projeter sur l’organe greffé des qualités ou des attentes. Celles-ci seraient alors ensuite inconsciemment intégrées à son comportement.