Chaque année, 29 millions de personnes âgées de 50 ans et plus, en parfaite santé, prennent une aspirine tous les jours dans le but de prévenir d’éventuelles maladies cardiovasculaires (MCV). Non seulement cette pratique serait totalement inutile, mais elle pourrait même s’avérer dangereuse.

Un essai clinique confirme l’inutilité de l’aspirine en prévention

Fin juillet, des chercheurs de l’université d’Harvard ont alerté sur les risques associés à la prise quotidienne d’aspirine. Par son action de fluidification sanguine, ce médicament augmenterait le risque d’hémorragie (et donc, d'AVC). Un nouvel essai clinique, nommé ASPREE et présenté lors du Congrès de l’European Society of Cardiology le 31 août, confirme les dangers de cette pratique.

Pas moins de 19 114 personnes ont participé à l’étude. Les chercheurs ont d’abord calculé leurs niveaux de risque cardiovasculaire sur dix ans. Puis, ils les ont classés en trois groupes : 0 à 1 facteur de risque, 2 à 3 et plus de 3. Une partie des sujets ont reçu 100 mg d’aspirine par jour, d’autres, un placebo.

Cela a permis aux chercheurs de comparer plusieurs critères entre les participants sous aspirine et le groupe témoin, et de voir s’ils pouvaient varier en fonction du niveau de risque cardiovasculaire. Ils se sont penchés en priorité sur le taux de survie des participants sans invalidité (autrement dit, sans signe de démence ni de handicap physique). Mais ils ont aussi examiné les taux de mortalité, d’hémorragies majeures et de maladies cardiovasculaires.

En l’absence de problèmes cardiaques, la prise d’aspirine quotidienne est plus dangereuse qu’utile

L’essai randomisé a montré que, chez les personnes âgées de 70 ans et plus, ne présentant pas (ou très peu) de risque cardiovasculaire, la prise d’aspirine quotidienne n’a pas d’effet sur la survie sans invalidité, ni sur les probabilités de développer une MCV. En revanche, leur risque d’hémorragie est beaucoup plus élevé.

À l’inverse, pour les participants qui avaient déjà un risque élevé de maladies cardiovasculaires, l’aspirine semble avoir un effet bénéfique. Les participants qui prenaient le médicament ont enregistré un taux plus faible d’événements cardiovasculaires que ceux sous placebo, avec un risque d’hémorragie inchangé. Néanmoins, cette réduction des MCV ne s’est pas traduite par une amélioration significative de l’espérance de vie sans invalidité.

“Ces résultats soulignent que le rapport bénéfice-risque dans l’utilisation de l’aspirine chez les hommes et les femmes âgés en bonne santé varie selon les niveaux de risque cardiovasculaire. Ils indiquent également que la réduction des événements cardiovasculaires dans les groupes à risque élevé, en utilisant les méthodes de stratification actuelles, ne permet pas d’identifier les individus chez qui cet avantage se traduit par une meilleure espérance de vie sans invalidité”, explique Christopher Reid, professeur à la Curtin University de Perth (Australie).

Autrement dit, chez les personnes en bonne santé, le risque accru d’hémorragie est plus important que la faible diminution de maladies cardiovasculaires, lié à la prise d’aspirine. La balance bénéfice-risque d’une consommation quotidienne de ce médicament est donc défavorable chez ces patients. Chez les personnes à risque, la prise d'aspirine ne semble pas augmenter l'espérance de vie.

Les chercheurs vont maintenant essayer d’améliorer les prédictions du risque cardiovasculaire

“De plus en plus de personnes atteignent l’âge de 70 ans sans maladie cardiovasculaire déclarée. Notre analyse suggère qu’il faut améliorer les méthodes de prédiction du risque pour identifier les patients qui peuvent effectivement tirer des bénéfices d’une petite dose d’aspirine quotidienne”, estime le Pr. Reid, porte-parole des chercheurs de l’étude.

C’est justement le but de l’étude de suivi longitudinal ASPREE, qui va se pencher sur de nouveaux moyens d’identifier les groupes exposés à un risque accru de maladies cardiovasculaires - autres que les facteurs de risque conventionnels et les modèles de prévision actuels. Ce qui permettra de ne prescrire de l’aspirine que chez les personnes qui présentent un risque réel.

“D’après les résultats de l’essai ASPREE, une petite dose quotidienne d’aspirine ne peut pas être recommandée chez les personnes en bonne santé, âgées de plus de 70 ans, même chez celles qui présentent le plus grand risque de maladies cardiovasculaires. L’analyse actuelle indique que des méthodes plus affinées sont nécessaires pour identifier un sous-groupe qui pourrait tirer bénéfice d’une thérapie préventive”, conclut le Pr. Reid.

Sources

Aspirin should not be recommended for healthy people over 70, ScienceDaily, 31 août 2019.