La maladie de Verneuil et le cancer de la peau sont-ils en lien ?Image d'illustration Shutterstock

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Encore une pathologie de cause inconnue qui donne du fil à retordre aux chercheurs. La maladie de Verneuil, ou hidradénite suppurée pour les amateurs de Scrabble, est une affection de la peau qui se caractérise par l’apparition de lésions douloureuses. Selon une étude publiée en décembre 2023 dans la revue scientifique Science Direct, l’évolution à long terme de la maladie de Verneuil pourrait aboutir à plusieurs complications, dont la dégénérescence en carcinome épidermoïde (un cancer de la peau). "C’est une modification qui est classique mais rare", rapportent les chercheurs.

Symptômes de la maladie

Pour la petite histoire, cette affection est décrite pour la première fois en 1854 par le chirurgien français du même nom : Aristide Stanislas Auguste Verneuil de Saint-Martin. Les lésions s'expliquent par l’obstruction des follicules pileux (la structure de la peau qui produit le poil) et une prolifération anormale de bactéries sur le derme. Résultat : l’hôte ne parvient pas à éliminer les germes et crée une inflammation. "Cette réponse inappropriée de la peau vis-à-vis de sa flore pourrait correspondre à une forme de déficit immunitaire qui reste localisée à la peau. En effet, les patients porteurs de cette maladie n’ont en principe pas de déficit immunitaire dans le sang ou la moelle osseuse", indique l’Institut Pasteur sur son site.

De causes inconnues

Encore aujourd’hui, les causes sont inconnues. Cependant, quelques théories subsistent, comme les facteurs génétiques, le tabagisme, la surcharge pondérale ou un tour de taille important, les déséquilibres hormonaux, la dérégulation du système immunitaire, et une prolifération anormale de bactéries dans la profondeur de la peau. L’hypothèse actuelle proposée par l’équipe Pasteur-Necker est celle d’un déficit de l’immunité localisé à la peau. Deux études publiées en 2023 semblent conforter cette position.

Lien entre l'hidradénite suppurée et le cancer de la peau

Mais existe-t-il un lien avec le cancer de la peau ? "Dans des cas exceptionnels, un cancer de la peau peut survenir sur des lésions très anciennes et négligées, non traitées depuis 20 à 30 ans après le début de la maladie. Une surveillance régulière par un dermatologue est donc nécessaire pour vérifier l’évolution", précise l’Institut Pasteur sur son site.

Diagnostic

Les scientifiques de l’étude publiée en 2023 sur Science Direct se sont intéressés à cette évolution possible : la dégénérescence en carcinome épidermoïde. Chez un homme âgé de 57 ans, fumeur, et suivi depuis 13 ans pour une maladie de Verneuil, les chercheurs ont observé une récidive marquée par des lésions, malgré une cure d’antibiotiques. La biopsie cutanée a montré la présence d’un carcinome épidermoïde. Diagnostic confirmé par un scanner et une IRM. "Dans la littérature, la dégénérescence en carcinome épidermoïde est une complication rare. La maladie est plus fréquente chez le sexe feminin, mais le risque de dégénérescence est observé quasi exclusivement chez les hommes", explique l’étude.

Traitement

Des traitements existent pour contrôler les poussées et obtenir une rémission. L’objectif : maîtriser l’inflammation, prévenir les récidives et améliorer la qualité de vie. Plusieurs options thérapeutiques existent :

  • Les traitements locaux : antiseptiques et antibiotiques directement sur la peau.

  • Les traitements systémiques : antibiotiques oraux et immunomodulateurs biologiques pour réduire l’inflammation.

  • Les traitements chirurgicaux : drainage de l’abcès, exerèse large des zones atteintes contenant des germes.

Le traitement comprend également l’aspect psychologique. C’est en effet une pathologie qui impacte considérablement la vie sociale et intime des patients. Des stigmates qui seraient bien moins importants si la maladie de Verneuil était diagnostiquée suffisamment tôt.

Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de moyen de prévenir son apparition. Cependant, l’Institut Pasteur donne quelques mesures pouvant limiter son développement :

  • Perte de poids accompagné par un professionnel de santé et arrêt de la consommation de tabac.

  • Éviter les prises d’anti-inflammatoires et de médicaments diminuant l’immunité.

  • Éviter les irritants : choisir des vêtements amples et en fibres naturelles pour réduire les frottements et la transpiration.

  • Consulter rapidement un dermatologue, en cas de symptômes suspects, pour un diagnostic et une prise en charge précoce.

Taux d'invalidité et évolution

La prévalence de cette maladie inflammatoire chronique est difficile à déterminer en raison du sous-diagnostic. Cependant, elle serait estimée entre 1 et 4 % de la population mondiale, ce qui reste rare.