
- 1 - Medisite : Comment expliquer que le glaucome soit une pathologie à laquelle on pense peu, y compris chez les plus de 60 ans, pourtant à risque ?
- 2 - Car une suspicion de glaucome est une urgence ?
- 3 - Comment prévenir le glaucome justement ?
- 4 - Est-ce le seul signe qui doit alerter ?
- 5 - Quels traitements avez-vous à disposition pour soigner les personnes atteintes d'un glaucome ?
On parle moins du glaucome que d’autres maladies de la vision, comme la DMLA. Pourtant, le glaucome, une maladie chronique de l'œil qui touche le nerf optique, est l’une des principales causes de cécité dans le monde, la deuxième dans les pays industrialisés. Alors que s’ouvre aujourd’hui la semaine mondiale du glaucome, nous avons voulu mieux comprendre cette maladie, ses enjeux pour notre santé visuelle, les signes qui l’annoncent, et les traitements disponibles avec la Dre Sophia Vincent, ophtalmologue au sein du réseau Point Vision.
Medisite : Comment expliquer que le glaucome soit une pathologie à laquelle on pense peu, y compris chez les plus de 60 ans, pourtant à risque ?
Dre Sophia Vincent : C’est effectivement une maladie à laquelle les patients pensent moins, moins connue que la rétinopathie diabétique ou la DMLA, et qui pourtant est aussi grave, ou encore que la cataracte qui est liée au vieillissement physiologique du cristallin. Il n’y a pas assez de campagne de prévention. Peut-être parce que le glaucome est une maladie silencieuse, qui reste longtemps asymptomatique, ne provoque aucune douleur et qui fait perdre la vision périphérique très progressivement. De fait, la maladie peut évoluer sans que l’on se rende bien compte du problème. Déjà parce que l’on utilise beaucoup plus notre vision centrale (pour lire, regarder les écrans, etc.) que notre vision périphérique. On peut ainsi continuer à voir parfaitement, mais seulement au centre. Mais aussi parce que les patients pensent souvent que cette perte visuelle est “normale”, physiologique, liée à l’âge, qu’ils devraient simplement consulter pour changer de lunettes. Ils ne mesurent pas le caractère d’urgence.
Car une suspicion de glaucome est une urgence ?
Tout à fait. Les dommages causés au nerf optique sont définitifs, nous ne savons pas les réparer. En revanche, on peut stopper la progression de la maladie, d’où l'intérêt de la dépister et la diagnostiquer au plus tôt. Mais surtout on peut prévenir cette maladie en contrôlant la tension oculaire.
Comment prévenir le glaucome justement ?
La prévention passe essentiellement par un suivi régulier chez le médecin ophtalmologue dès 40 ans, tous les deux ans, puis annuel après 60 ans. À partir de la quarantaine, il est important de contrôler la pression intraoculaire. Ce simple examen, couplé à un fond d'œil permet de détecter un glaucome naissant. En cas de suspicion de glaucome, l’ophtalmologue peut pousser l’investigation avec des examens complémentaires comme la réalisation champ visuel.
Le glaucome attaquant la vision périphérique en premier, on doit aussi rester attentif à la perte de vision périphérique. On peut notamment s’en rendre compte quand on conduit, si on a plus de mal à voir ou lire les panneaux de signalisation par exemple. Petit à petit le champ visuel se réduit, on parle souvent de vision tubulaire comme à travers un tunnel.
Est-ce le seul signe qui doit alerter ?
Non. Certains patients peuvent se plaindre d’éblouissement, de halos nocturnes, d’un flou visuel ou de difficultés d’adaptation à l’obscurité. Ces signes sont symptomatiques du glaucome chronique, le plus courant parce qu'il représente 80 à 90 % des cas. Le glaucome à angle fermé, beaucoup plus rare, se distingue par des signes aigus, violents et rapides : maux de tête, yeux rouges, perte visuelle rapide… Il faut dans ce cas se rendre immédiatement aux urgences ophtalmo les plus proches, on peut perdre la vue en quelques jours.
Quels traitements avez-vous à disposition pour soigner les personnes atteintes d'un glaucome ?
Il existe essentiellement trois types de traitements pour ralentir la progression d’un glaucome et ainsi préserver la fonction visuelle. Ces traitements visent à réduire et contrôler la pression intraoculaire et peuvent être combinés au besoin en fonction de la cause du glaucome, de son stade, du choix et de la tolérance du patient.
En premier lieu, on privilégie le traitement médicamenteux par collyres car moins invasif. Ces collyres sont hypotonisants c'est-à-dire qu’ils vont agir de différentes manières pour diminuer la pression intraoculaire en diminuant la production ou en augmentant l’évacuation de l’humeur aqueuse (liquide à l’avant de l’œil). C’est un traitement qu’il faut suivre scrupuleusement si on veut qu’il soit efficace, les gouttes doivent être instillées tous les jours, le plus souvent à vie.
Le traitement au laser est plutôt réservé aux personnes qui ne supportent pas les gouttes, car cela reste un acte invasif et les résultats ne sont jamais définitifs (on peut d'ailleurs combiner le laser aux gouttes). En revanche, c’est moins contraignant, car on peut réussir à faire baisser et contrôler la pression intraoculaire en une à deux séances de quelques minutes directement dans le cabinet du médecin.
La chirurgie enfin, est proposée en cas d'échec des autres traitements ou en cas de glaucome avancé. Dans tous les cas, l'ophtalmologue met en place un suivi rapproché, indispensable pour contrôler l’évolution de la maladie et l’effet des traitements.
Interview de la Dre Sophia Vincent, ophtalmologue au sein du réseau Point Vision.