L'insuffisance cardiaque augmente-t-elle vraiment le risque de cancers ? Une étude répond

Publié par Elodie Vaz
le 24/09/2025
Insuffisance cardiaque et cancer
Istock
Image d'illustration
Une grande étude française montre que l’insuffisance cardiaque ne se contente pas de peser lourdement sur le cœur. Elle serait aussi un facteur de risque indépendant pour le cancer, même en tenant compte des causes classiques comme l’âge, le tabac ou d’autres maladies cardiovasculaires.
 

Vieillissement, tabagisme… L’insuffisance cardiaque et le cancer possèdent de nombreux facteurs de risque communs. Le professeur Jean-Sébastien Hulot et son équipe de chercheurs de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), de l’Inserm, de l’Université Paris Cité et de la fédération hospitalo-universitaire PREVENT Heart Failure, ont mené une recherche dont les résultats ont été publiés en mars 2025 dans European Journal of Preventive Cardiology. L’objectif : savoir si les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque développent davantage de cancers. Jusqu’à présent, si la toxicité des traitements anticancéreux sur le cœur était bien documentée, le chemin inverse était peu clair.

Méthode : une cohorte massive et un suivi long

Pour parvenir à leurs résultats, les chercheurs français ont utilisé les données du Système national des données de santé (SNDS). Ils ont identifié 330 867 adultes hospitalisés pour un premier épisode d’insuffisance cardiaque entre 2010 et 2019. Pour chacun d’eux, ils ont trouvé trois personnes témoins sans antécédent d’insuffisance cardiaque ni de cancer. Le suivi moyen dépasse les quatre années après le diagnostic d’insuffisance cardiaque.

Ce que montrent les résultats

Les chercheurs ont remarqué que le taux annuel d’apparition d’un cancer chez les patients avec insuffisance cardiaque est de 21,9 cas pour 1 000 personnes/année, contre 17,4 chez les témoins. L’augmentation concerne surtout les cancers solides : colorectal, du poumon, mais aussi le myélome multiple. Environ 16,5 % des nouveaux cas de cancers solides observés pourraient être attribuables, de façon statistique, à l’insuffisance cardiaque. « Ce chiffre ne prouve pas une relation de cause à effet pour chaque cas, mais indique qu’une part significative des cas pourrait être liée à cette pathologie cardiaque », précisent les auteurs dans l’étude. Enfin, les patients déjà cardiaques qui développent un cancer présentent un risque de décès plus élevé que ceux atteints de cancer mais sans insuffisance cardiaque.

Que doit-on en penser ?

Ces données sont importantes pour plusieurs raisons. La première : changer le regard clinique. « Ces résultats soulignent la nécessité d’une approche transversale entre cardiologie et oncologie, ouvrant la voie à de nouvelles stratégies de prévention et à une prise en charge plus globale des patients atteints de maladies chroniques », précisent les auteurs de l’étude dans un communiqué de l’AP-HP. La deuxième : le dépistage renforcé. « Pour les patients cardiaques, des stratégies de dépistage oncologique plus proactives pourraient être utiles pas forcément dès le diagnostic cardiaque, mais dans le suivi », ajoutent les chercheurs. Et pour finir, la recherche de mécanismes. Pourquoi y a-t-il ce lien ? Est-ce l’insuffisance cardiaque elle-même ou est-ce lié aux traitements, aux hospitalisations, ou aux modifications du mode de vie que la maladie impose ? Les auteurs ne concluent pas à une causalité directe.

Limites et précautions

Bien sûr, toute étude a ses limites. Les données actuelles ne permettent pas de prouver que l’insuffisance cardiaque cause directement le cancer. Il pourrait y avoir des facteurs non mesurés comme le mode de vie, l’environnement… De nouveaux travaux sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse.

Mais ces résultats mettent en lumière un aspect souvent sous-estimé de l’insuffisance cardiaque. Au-delà des complications cardiovasculaires, elle semble augmenter le risque de survenue de cancers solides. Ce constat invite à une approche plus globale des patients cardiaques, intégrant non seulement le suivi du cœur, mais aussi une attention renforcée à la prévention et au dépistage oncologiques.

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