Le stress peut-il provoquer un cancer ? IllustrationIstock

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Le stress n’est pas seulement un coup de chaud avant une présentation professionnelle ou un excès de transpiration pendant un premier rendez-vous galant. En médecine, on distingue le stress aigu, ponctuel et adaptatif, du stress chronique, plus insidieux, qui s’installe dans le temps. Le premier apparaît et disparaît aussitôt suite à un événement vécu comme stressant. Le second est permanent et entraîne une libération prolongée d’hormones comme le cortisol, avec des effets systémiques sur l’organisme.

Le cancer, lui, survient lorsqu’une cellule commence à se multiplier. Cette cascade de mutations peut être favorisée par certains facteurs de risque identifiés : tabac, alcool, obésité, exposition à des substances toxiques, hérédité... Mais dans l’imaginaire collectif, le stress s’est glissé dans cette liste. Probablement parce qu’il est invisible, sournois, et parce qu’on cherche, face à la maladie, des causes compréhensibles.

Pas de lien direct, mais des pistes indirectes

À ce jour, aucune étude solide n’a montré que le stress, à lui seul, peut provoquer un cancer. Comme le confirme le Dr Jérémie Zeitoun, chirurgien cancérologue au Centre de Chirurgie de la Femme à Paris, “aucune preuve scientifique solide ne permet d’établir un lien direct entre le stress et l’apparition d’un cancer. Cela dit, le stress peut être une conséquence du cancer, et à ce titre, entraîner des pathologies, notamment cardiovasculaires”.

Certaines recherches explorent des mécanismes biologiques plausibles : un stress chronique affaiblit le système immunitaire, favorise une inflammation de bas grade, perturbe certains processus hormonaux. Ce terrain pourrait être plus vulnérable. Mais cela ne signifie pas que le stress est une cause en soi. “On sait que le stress peut déclencher des réponses hormonales complexes, notamment la sécrétion de cortisol, qui peut affecter le système immunitaire. Cela n’a jamais été démontré, mais une inflammation chronique pourrait théoriquement influencer certains processus comme la cicatrisation ou l’angiogenèse”, nuance le Dr Zeitoun.

A l’automne 2024, une étude réalisée à l'Hôpital de Chine occidentale de l’Université de Sichuan désigne le stress chronique comme un facteur de risque de cancer du côlon et du rectum. Les recherches ont en effet lié le stress et déséquilibre intestinal. Il aurait tendance à réduire les “bonnes bactéries”.

Stress et cancer du sein : pas de lien prouvé

“Deux grandes études menées en 1999 et 2011 ont exploré le lien entre stress et cancer du sein. La première ne montrait pas d’association claire. L’autre évoquait une possible corrélation entre des événements de vie très stressants et le développement du cancer du sein. Mais ces données restent discutées”, tempère le cancérologue.

Certaines études ont exploré des événements de vie intenses comme le deuil ou le stress post-traumatique. Quelques-unes montrent une augmentation du risque de certains cancers - notamment du sein dans les mois suivant un événement très stressant, mais les résultats sont hétérogènes et difficilement interprétables.

Le burnout, quant à lui, suscite un intérêt croissant, notamment dans les professions à forte charge émotionnelle (santé, éducation, social…). Mais là encore, il s’agit davantage de fragilité globale que de causalité directe.

Le stress responsable de comportements à risque

Le stress chronique a surtout un impact comportemental majeur. Il peut perturber le sommeil, favoriser le tabagisme ou la consommation d’alcool, entraîner une alimentation plus grasse et sucrée. Autant de facteurs de risque bien documentés dans la survenue de cancers. En ce sens, le stress n’est pas l’allumette, mais il peut jouer le rôle du carburant.

“Le stress, en particulier après l’annonce d’un cancer, peut profondément modifier les comportements : certains patients se mettent à fumer ou à boire alors qu’ils ne le faisaient pas avant, ou adoptent une alimentation très déséquilibrée. Il faut être attentif à ces évolutions et accompagner chaque patient dans sa globalité”, souligne le Dr Zeitoun. Avant d’ajouter : “C’est le rôle des praticiens de repérer les fragilités psychologiques, d’aller chercher ces informations, d’en parler, de comprendre, et d’agir pour éviter que le stress ne s’installe durablement”.

Comment réduire son stress ?

Faut-il pour autant ignorer le stress ? Certainement pas. Bien qu’il ne provoque pas directement de cancers, il peut à terme miner la santé. Apprendre à mieux le gérer, c’est préserver son énergie, son sommeil et son hygiène de vie.

“Un patient qui comprend ce qui lui arrive, pourquoi et comment il est soigné, est un patient qui gère mieux son stress et se soigne mieux”, affirme le Dr Zeitoun. “La gestion du stress ne prévient pas le cancer, mais elle peut améliorer la qualité de vie et réduire les comportements à risque”, poursuit le cancérologue.

L’activité physique est l’une des meilleures protections : elle réduit le stress et diminue le risque de plusieurs cancers. Les pratiques de relaxation, la psychothérapie, les groupes de parole peuvent aussi être de véritables soutiens. Et surtout, il ne faut jamais culpabiliser les personnes malades : le cancer n’est jamais une faute individuelle.

Le stress ne provoque pas un cancer comme une piqûre provoque une bosse. Mais il peut indirectement altérer votre équilibre, fragiliser votre corps, et amplifier des comportements à risque qui, eux, ont un impact certain sur votre santé.