

De plus en plus de chercheurs s’accordent à dire que la prévention joue un rôle essentiel dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Dans un article récent publié dans la revue médicale The Lancet, des experts ont actualisé la liste des facteurs de risque modifiables liés à la démence, en y ajoutant deux nouveaux éléments : les troubles de la vision non traités et un taux élevé de cholestérol LDL, souvent qualifié de « mauvais cholestérol ».
Ces facteurs viennent s’ajouter à ceux déjà identifiés :
- Biologiques et médicaux : traumatismes crâniens, hypertension, diabète, obésité, dépression, perte auditive.
- Comportementaux : tabac, alcool, sédentarité, manque de sommeil.
- Sociaux : faible niveau d’éducation, isolement social.
- Environnementaux : pollution de l’air.
Selon les auteurs, près de 45 % des cas de démence pourraient être évités ou retardés en agissant sur ces paramètres. Et ce, même chez les personnes présentant une prédisposition génétique à la maladie d’Alzheimer.
« La prévention est bien plus importante qu’on ne l’imaginait à l’époque des premières découvertes sur les maladies neurodégénératives », affirme le professeur Gilles Allali, directeur du Centre de la mémoire du CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois), dans un entretien accordé à Planète Santé. « Aujourd’hui, nous comprenons mieux quels facteurs augmentent les risques et comment les modifier, ce qui est très encourageant », ajoute-t-il. Dans un contexte où l’accès aux traitements innovants reste limité, la prévention apparaît comme un levier incontournable.
Stimuler le cerveau à tout âge : un réflexe à adopter tôt
L’un des grands messages des experts est clair : il faut stimuler le cerveau le plus possible, et ce dès le plus jeune âge. C’est dans ce cadre que les troubles sensoriels, comme la perte de vision ou d’audition, sont désormais pris très au sérieux. « Une réduction des stimuli sensoriels peut affaiblir le cerveau et, dans certains cas, précipiter l’apparition d’une maladie neurodégénérative », explique la professeure Aki Kawasaki, responsable de l’unité de neuro-ophtalmologie de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne.
Des études ont d’ailleurs montré une plus forte prévalence de maladies oculaires comme la cataracte ou la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) chez les personnes atteintes d’Alzheimer. Même si un lien de cause à effet reste à confirmer, ces troubles visuels méritent une attention particulière.
Mieux vaut prévenir dès 35 ans que guérir à 75
Il peut sembler abstrait de penser à son cerveau à 35 ans pour prévenir une maladie qui pourrait survenir à 75 ou 80 ans. Pourtant, les spécialistes insistent : c’est entre 30 et 60 ans que se construit en grande partie la santé cérébrale de demain. « C’est durant le milieu de vie qu’il faut intervenir, car c’est là que les efforts sont les plus efficaces », concluent les auteurs de l’étude publiée dans The Lancet.
Faire un bilan à mi-parcours, ajuster son hygiène de vie, corriger des troubles sensoriels, soigner son sommeil, bouger davantage, entretenir ses relations sociales : ces gestes simples mais réguliers peuvent faire une réelle différence.
Voici un diaporama des conseils d’experts pour limiter l’apparition de la maladie.
Encourager les activités cognitives stimulantes

Apprendre une langue étrangère, jouer de la musique ou encore chanter sont autant de moyens efficaces de renforcer la cognition.
Appareiller les troubles auditifs

Les recherches indiquent que la perte auditive peut être un facteur de risque pour le développement de troubles cognitifs, y compris la démence et la maladie d'Alzheimer.
Traiter la dépression

Les personnes ayant des antécédents de dépression semblent avoir un risque accru de développer une maladie d'Alzheimer, suggère une étude néerlandaise publiée dans la revue scientifique Neurology. "Chez plus de la moitié des patients atteints de la maladie d'Alzheimer, la dépression est comorbide, mais elle précède aussi parfois le diagnostic clinique de maladie d'Alzheimer de plusieurs années, suggérant que le risque de démence pourrait être lié à des changements de la structure cérébrale induits par la dépression", indiquent le Dr Mirjam Geerlings, auteure de l’étude et médecin au Centre médical universitaire d'Utrecht.
Favoriser l’activité physique

"Toutes les études confirment que les personnes pratiquant une activité physique modérée ou élevée réduisent d’environ 30 % leur risque de développer une maladie neurocognitive par rapport à celles qui n’en pratiquent que très peu", précise la Fondation Vaincre Alzheimer.
Arrêter le tabac et réduire la consommation d’alcool

"Les études concordent en effet sur ce point : les fumeurs et buveurs réguliers sont environ deux fois plus exposés que les autres au risque de démence", souligne la Fondation Recherche Alzheimer.
Lutter contre l’hypertension artérielle

Une hypertension artérielle (HTA) non contrôlée entre 35 et 64 ans accroît de 61 % le risque de développer la maladie d'Alzheimer, selon l'étude parue dans The Lancet Neurology.
Surveiller son cholestérol

Selon une étude publiée dans la revue JAMA Network Open en 2023, les personnes qui ont une tendance génétique à des taux élevés de cholestérol HDL ont un risque accru de développer la maladie d'Alzheimer.
Prendre en charge l’obésité

Une étude publiée dans la revue Diabètes met en avant le lien entre l'obésité et les pathologies liées à la protéine Tau dans un modèle de neurodégénérescence de la maladie d’Alzheimer. Ces travaux, réalisés par des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Lille 2 et de l’Université Lille Nord de France, renforcent l’idée d’une contribution majeure des anomalies métaboliques dans le développement de démences.
Réduire l’isolement social des personnes âgées

Les chercheurs ont observé que les personnes âgées isolées socialement augmentent de 31 % le risque de développer la maladie d'Alzheimer ou une autre forme de démence.
Favoriser le dépistage et le traitement de la perte de vision

Des chercheurs coréens indiquent, dans une étude publiée dans la revue Nature, que l’incidence des démences est augmentée chez les patients âgés de moins de 65 ans souffrant de baisses de l’acuité visuelle et de diabète. Cette tranche d’âge de la population présentait un risque de démence accru de 50 % lorsqu’un déficit visuel existe.
Réduire la pollution de l’air

Dans une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet Planetary Health, des chercheurs suggèrent qu’en plus d’accroître le risque de développer des maladies cardiovasculaires et pulmonaires, la pollution de l’air pourrait accélérer le déclin cognitif, un des symptômes annonciateurs d’une pathologie neurodégénérative comme la maladie d’Alzheimer et d’autres démences.