« On devra y renoncer » : l’angoisse des curistes de la station d'Amnéville face à un déremboursement des cures thermales
Dans le bassin chauffé à 35 degrés, Maryse, 67 ans, bonnet bien vissé sur la tête, laisse flotter ses bras depuis une dizaine de minutes. Autour d’elle, la vapeur s’élève doucement, brouillant les vitres du centre thermal Saint-Eloy d’Amnéville, dans le Grand Est. Ici, les curistes atteints d’arthrose, de polyarthrite rhumatoïde ou de pathologies des tendons viennent chercher un peu de répit. « Je souffre de rhumatismes depuis quelques années. Mon médecin m’a recommandé une cure pour calmer mes douleurs et réduire mes antalgiques », confie Maryse. Mais pour la sexagénaire, cette parenthèse pourrait bien être la dernière si le décret prévoyant une baisse drastique du remboursement des cures thermales entrait en vigueur.
Depuis plusieurs mois, cette menace plane sur toutes les stations. La prise en charge par la Sécurité sociale pourrait être abaissée, passant de 100 % à 65 % pour les patients en affection longue durée, et de 65 % à seulement 15 % pour les curistes conventionnés.
La peur d’une décision par décret
Ce vendredi 5 décembre, un souffle d’espoir a pourtant traversé les couloirs du centre. L’Assemblée nationale a adopté un amendement du groupe « Socialistes et apparentés » visant à maintenir les remboursements. Un vote rassurant, mais loin d’être décisif. « On craint qu’une décision par décret tombe malgré tout », souffle Guillaume Dumas, directeur du pôle thermal d’Amnéville.
Pour Maryse, pas question de se laisser abattre pour autant. À sa sortie du bassin, elle enfile son peignoir humide et rejoint un autre soin qu’elle adore : l’application de boue chauffée à 48 degrés. Adossée contre le carrelage vert d’eau, elle observe Vanessa, 40 ans, hydrothérapeute, qui remue avec précaution une mixture sombre dans un récipient métallique encore fumant. « Ce soin-là, c’est mon préféré. Il soulage vite mes genoux », glisse Maryse dans un sourire.
12 000 curistes par an
Ici, douze soins thermaux différents sont proposés pour apaiser les douleurs, détendre les muscles et redonner de la mobilité. Certains sont décontractants, d’autres franchement antalgiques, voire anti-inflammatoires. « Les curistes ont trois consultations : une avant la cure pour définir les soins nécessaires, une à mi-parcours pour ajuster, et une dernière pour évaluer les progrès », détaille la docteure Guyard Concetta, médecin du centre.
« On fait de fausses économies sur le dos des plus fragiles, qui souffrent de maladies lourdes. On oublie que ces cures permettent souvent de diminuer les médicaments, parfois très coûteux »
Et des progrès, beaucoup en constatent. Chaque année, plus de 12 000 curistes conventionnés franchissent les portes de Saint-Eloy pour ses spécialités rhumatismales et respiratoires. Tous redoutent de voir leur facture grimper si le remboursement chutait. « On fait de fausses économies sur le dos des plus fragiles, qui souffrent de maladies lourdes, se désole Maryse. On oublie que ces cures permettent souvent de diminuer les médicaments, parfois très coûteux. »
Des propriétés reconnues
Dans un petit bureau proche des vestiaires, Diane Koelbert, kinésithérapeute et responsable des soins, parcourt d’un œil exercé le planning de la journée. Pour elle, le débat n’a plus lieu d’être : les bénéfices sont évidents. « La température de l’eau, la pression des jets, le travail des kinés… tout contribue à relâcher les tensions. Et les minéraux présents dans l’eau thermale ont de vraies propriétés anti-inflammatoires, antalgiques et myorelaxantes », explique-t-elle.
Dans les couloirs humides où résonnent les pas en claquettes, l’inquiétude se mêle à l’espoir. Maryse, elle, s’accroche à cette cure comme à une bouée de sauvetage dans l’eau tiède, en espérant qu’on ne la lui retire pas.
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Reportage au centre thermal Saint-Eloy, Amnéville-les-Thermes