Botulisme : des fragments d'ARN protègent les neurones lors de l'exposition à la toxine mortelleImage d'illustrationIstock

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Huit mois d’hospitalisation en réanimation et une légère amélioration. C’est le constat que font les soignants du service de réanimation du CHRU de Tours. « L’état général des quatre personnes contaminées s’est amélioré au fil du temps, mais elles sont encore hospitalisées en réanimation », a indiqué à 20 Minutes le Pr Pierre-François Dequin, médecin-réanimateur au CHRU.

En septembre, cinq personnes avaient contracté la maladie après avoir consommé des conserves d’ail des ours. « La cinquième personne est sortie du service et c’est une bonne nouvelle », ajoute le spécialiste.

Le botulisme est une affection neurologique rare mais grave, provoquée par une toxine qui se développe dans les aliments mal conservés, faute de stérilisation suffisante. Dans 5 à 10 % des cas, la maladie est mortelle.

Des neurotoxines botuliques mortelles et à la fois utilisées comme substances thérapeutiques

Les neurotoxines botuliques sont très puissantes. Alors qu'elles peuvent provoquer une paralysie potentiellement mortelle, comme c’est le cas des quatre personnes hospitalisées à Tours, elles constituent aussi la base de nombreuses applications thérapeutiques et cosmétiques (la diminution des rides).

Des scientifiques se sont intéressés de plus près à cette neurotoxine à la fois mortelle et source de traitement. Dans une étude publiée dans la revue Genomic Press le 20 mai 2025, ils ont découvert un mécanisme jusqu'alors inconnu expliquant comment les neurones survivent à l'exposition à la neurotoxine botulique de type A (BoNT/A), malgré la puissante capacité de celle-ci à bloquer la neurotransmission.

« Nous savons depuis longtemps que la toxine botulique de type A induit une paralysie sans tuer les neurones, contrairement aux autres sérotypes botuliques », explique le Dr Hermona Soreq, de l’Université de Jérusalem. « Cette caractéristique unique a permis de généraliser son utilisation thérapeutique, mais les mécanismes moléculaires soutenant la survie des neurones sont restés largement inexpliqués. »

Les petits ARN jouent un rôle important

L’équipe du Dr Soreq a découvert qu'à la suite d'une intoxication à la neurotoxine, les neurones accumulent des fragments d’ARN tRF. Ces derniers interagissent avec des protéines clés impliquées dans la régulation de la mort cellulaire programmée. « Cela suggère que les fragments d’ARN tRF servent de régulateurs de la réponse à l'empoisonnement à la toxine botulique », explique un des auteurs de l’étude.

Bloquer la mort cellulaire tout en maintenant les effets thérapeutiques

L'équipe de recherche a démontré que ces fragments d’ARN tRF favorisent la survie des neurones en ciblant plusieurs mécanismes qui bloquent la mort cellulaire, tout en permettant aux effets thérapeutiques de la toxine de se poursuivre. C’est un peu une sorte de sauveurs cellulaires empêchant les neurones de succomber à un état de stress induit par la toxines.

Ces fragments d'ARNt protecteurs pourraient-ils être exploités à des fins thérapeutiques dans d'autres conditions où la prévention de la mort neuronale est cruciale ? « La compréhension des mécanismes moléculaires à l'origine des effets de la neurotoxine botulique pourrait permettre d'améliorer les formulations thérapeutiques en optimisant la durée et l'efficacité », explique le Dr Osnat Rosen, coauteur principal de l’étude. « Cela pourrait être particulièrement bénéfique pour les patients qui ont besoin de traitements réguliers pour des maladies chroniques. »

Améliorer les traitements des maladies neurologiques

La manipulation de ces voies tRF pourrait-elle prolonger ou raccourcir la durée des effets du botulisme ? Les chercheurs pensent qu'il s'agit d'un domaine prometteur pour le développement de médicaments qui pourrait permettre aux médecins de personnaliser la durée du traitement en fonction des besoins individuels des patients.

L'étude révèle également pourquoi les différents sérotypes botuliques ont des profils de sécurité différents. Alors que le BoNT/A préserve la viabilité neuronale, d'autres sérotypes, comme le BoNT/C et le BoNT/E, sont dépourvus de ce mécanisme de protection, ce qui pourrait expliquer leur neurotoxicité plus élevée.

« Ces résultats améliorent non seulement notre compréhension du fonctionnement de la toxine botulique, mais fournissent également des informations sur les mécanismes fondamentaux de survie cellulaire », conclut le Dr Soreq. « L'identification des tRF en tant que médiateurs clés de la protection neuronale pourrait conduire à des approches thérapeutiques entièrement nouvelles pour une série de maladies neurologiques. »