Antidépresseur : vers des traitements sur mesure pour éviter les effets secondaires

Publié par Elodie Vaz
le 29/10/2025
4 minutes
Antidépresseurs
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Les antidépresseurs sauvent des vies, mais leurs effets secondaires diffèrent considérablement d’un médicament à l’autre. Une étude menée par le King’s College de Londres plaide pour une approche plus personnalisée des prescriptions, afin d’adapter le traitement au profil de chaque patient.
 

Ils sont devenus les stars du placard à pharmacie. En Europe et aux États-Unis, une personne sur dix prend aujourd’hui des antidépresseurs pour soigner une dépression ou un trouble anxieux. S’ils sont efficaces, ces médicaments ne se valent pas tous lorsqu’il s’agit d’effets secondaires : certains font grossir, d’autres font maigrir, certains augmentent la tension, d’autres la font chuter. Autant de paramètres à prendre en compte avant de prescrire.

C’est précisément ce qu’a voulu éclairer le Dr Toby Pillinger, du King’s College de Londres, en analysant 151 essais cliniques randomisés et 17 rapports de la FDA américaine, couvrant 30 antidépresseurs différents. « L'intérêt de ces études réside dans le fait qu'elles étaient toutes contrôlées par placebo et randomisées, ce qui nous permet d'être sûrs que les différences que nous observons sont dues au médicament », explique le chercheur dans une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet en octobre 2025.

Des effets secondaires cardiovasculaires et sur la prise de poids 

Les résultats montrent une grande diversité de réactions physiques en fonction des molécules. La maprotiline est associée à une prise de poids moyenne de 1,8 kg, quand l’agomélatine provoque au contraire une perte d’environ 2,4 kg. Côté rythme cardiaque, la fluvoxamine le ralentit de 8 battements par minute en moyenne, alors que la nortriptyline l’accélère de 13 bpm. 

Cette dernière réduit aussi la pression artérielle systolique de 3 à 7 mmHg, tandis que la doxépine l’augmente d’environ 5 mmHg. « Chaque augmentation de 1 mmHg de votre pression artérielle, si vous souffrez d'hypertension, augmente votre risque d'accident vasculaire cérébral de 1 % », rappelle dans les colonnes de New Scientist, le Dr Oliver Howes, co-auteur de l’étude.

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine comme médicaments de première intention en France

Certains traitements, comme la paroxétine, la duloxétine, la desvenlafaxine ou la venlafaxine, sont aussi associés à une hausse du cholestérol. En revanche, les inquiétudes concernant un déséquilibre du sodium sanguin ne semblent pas fondées. « Notre étude a montré qu'il n'y avait en réalité aucun problème avec le sodium », précise le Dr M. Pillinger.

En France, les ISRS ou inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine comme le fluoxétine ou la paroxétine sont les médicaments de première intention. En Angleterre, six molécules dominent 85 % des prescriptions : sertraline, mirtazapine, fluoxétine, amitriptyline, citalopram et venlafaxine. Parmi elles, quatre s’avèrent relativement sûres, mais l’amitriptyline augmente poids, rythme cardiaque et tension, tandis que la venlafaxine agit aussi sur le cholestérol. D’où l’importance d’un choix éclairé.

« Ces informations sont très utiles tant pour les médecins que pour les patients », estime sur New Scientist Mahyar Etminan, du groupe de conseil en épidémiologie Epilytics, à Vancouver. « Ces données peuvent être intégrées à une application […]. Cela donnera aux médecins une plus grande marge de manœuvre pour choisir l'antidépresseur le mieux adapté à chaque patient. »

Trouver une molécule adaptée à chaque patient

Justement, l’équipe du professeur Pillinger travaille sur un outil numérique listant les effets secondaires de chaque molécule. Objectif : aider les praticiens à éviter ou, au contraire, à privilégier certains médicaments selon le profil du patient. « Il s'agit de trouver la molécule adaptée à chaque patient et de prescrire des traitements personnalisés », explique le chercheur.

Mais certains restent prudents. Le professeur John Ioannidis, de l’université Stanford, alerte sur un possible biais de sélection. Seules les études mentionnant des effets secondaires auraient pu être incluses. Et il rappelle que « les gens prennent généralement des antidépresseurs pendant plus de 8 semaines, parfois pendant des années. » Des études de longue durée seraient donc nécessaires.

Le Dr Pillinger reconnaît cette limite, tout en affirmant avoir « rassemblé la plupart des données disponibles ». Son équipe prépare d’ailleurs une analyse sur le long terme, avec davantage de diversité parmi les participants. Il note déjà que certaines tendances, comme la hausse de la tension sous venlafaxine ou la prise de poids rapide, pourraient se confirmer dans le temps : « Une fois que vous avez pris du poids, il est difficile de le perdre. »

Reste un message clé pour les patients : ne pas interrompre leur traitement sans avis médical. « C'est une question nuancée ; il s'agit d'une décision individuelle, qui reflète le profil de risque et les avantages de chaque personne. Si elles sont inquiètes, nous leur recommandons d'en parler à leur médecin », conclut Oliver Howes.

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