“J’étais venue pour du magnésium, j’ai fini en soins intensifs”Adobe Stock
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Lucile est d'un naturel anxieux, et elle en est parfaitement consciente. Depuis plusieurs années, elle est suivie par un psychiatre et doit prendre un traitement. Autant dire qu’elle est habituée au stress et à une sorte d’hypervigilance : elle a tellement normalisé certains symptômes que cela lui a joué des tours. Notamment il y a deux ans, alors qu’elle était particulièrement fatiguée.

“J’avais 41 ans. C’était le matin, je ressentais des tressautements, comme ceux que tu peux avoir au niveau de la paupière quand tu es fatiguée, mais dans l'épaule. Je me sentais un peu bizarre.”

“La pharmacienne m'a dit d’aller voir un médecin le plus tôt possible”

Lucile, au téléphone avec un ami, coupe court à la conversation : elle doit se rendre à la pharmacie pour acheter du magnésium. Une cure lui fera sûrement du bien. “Pour moi, c'était un manque, une carence. La pharmacienne m’a demandé pourquoi je voulais tant acheter du magnésium, alors je lui ai répondu que j’avais des tressautements dans l'épaule, que j’étais essoufflée.”

La pharmacienne s’inquiète et lui dit d’aller voir un médecin le plus tôt possible. Lucile est dubitative. “J’étais essoufflée, mais d’une manière pas du tout habituelle. Je n'avais pas 87 ans quand même ! Je ressentais un peu de pression dans la cage thoracique, aussi. Ce contretemps m'agaçait un petit peu parce que j’étais pressée, j’avais du boulot et des rendez-vous.”

Mais la pharmacienne ne lâche pas l’affaire et refuse de la laisser partir en l’état. “Soit j'appelle les pompiers, soit vous me promettez que vous rentrez et que vous appelez SOS Médecins”, lui assène-t-elle.

“Un docteur arrive et me fait un électrocardiogramme”

Lucile ne veut pas “embêter les médecins pour rien”, selon ses propres mots, mais décide tout de même de suivre ses recommandations. “Je raconte que c'est la pharmacienne qui m’a dit de le faire, parce que je me sens un peu gênée d'appeler. Je pensais que les médecins allaient me conseiller de me coucher, de dormir un peu, et puis merci, au revoir ! Mais pas du tout : ils m'ont envoyé quelqu'un.”

Un docteur arrive aussitôt et lui fait un électrocardiogramme. “Je vois à sa tête que ça ne va pas du tout”, se souvient Lucile. En effet, celui-ci appelle le SAMU. Elle n’est pas bien sûre de comprendre. “Le résultat n'est pas bon. Soit vous commencez à faire un infarctus et c'est en train de monter, soit vous en avez déjà fait un petit, car une trace indique qu'il y a eu un problème”, lui annonce alors le praticien.

“Je me suis sentie complètement vide”

Lucile est effondrée. “Je me suis sentie complètement vide, les larmes coulaient. Je venais de traverser plusieurs années un peu compliquées et j'étais arrivée à un moment de ma vie où je me disais 'ça y est, les choses sont stabilisées'. Je l'ai vécu comme le feu d'artifice final !” La jeune femme fait alors un point sur les semaines passées. “Je me suis rendu compte que ça faisait effectivement plusieurs jours que je n'étais pas bien, mais que je me disais, comme sur plein d'autres sujets de santé, que ce n’était pas grave, que ça allait passer. Tu n'as pas de fièvre, tu ne saignes pas, donc tu prends sur toi et tu avances !”

Il faut aussi dire que les sensations de stress, d’anxiété et d’angoisse lui sont très familières. En conséquence, Lucile ne se soucie pas vraiment, en temps normal, de ce genre de tracas. “Être un peu oppressée, c'est quelque chose d'habituel chez moi, ça vient assez régulièrement. Je pense que j'étais un peu dans le déni de ce stress. En fait, je me suis focalisée sur les symptômes physiques - les tressautements dans l'épaule - car ça ne m'était jamais arrivé.”

“L'image qu'on a de l'infarctus, c'est quelqu'un qui s'écroule”

Le SAMU finit par arriver au domicile de la jeune femme. “C'est hyper impressionnant : d'un coup, il y a cinq personnes dans mon salon avec des machines. Ils me mettent un spray dans la bouche, des trucs partout, des diodes, des machins. Ils me font un autre électrocardiogramme pour confirmer celui du médecin, et ils voient la même chose. Ils me disent qu’il faut qu'on parte à l'hôpital tout de suite. Je me prenais tout en pleine face, je n'étais pas prête. L'image qu'on a de l'infarctus, c'est quelqu'un qui s'écroule d'un coup. C'est fulgurant. Jamais de la vie je n’aurais pensé en faire un.”

Note : chez la femme, les symptômes de l’infarctus sont souvent différents de ceux de l’homme. L’association Agir pour le cœur des femmes recense cinq symptômes atypiques majeurs : “La sensation d’épuisement, l’essoufflement à l’effort, la douleur aiguë dans le dos, les signes digestifs et les palpitations brutales.” On est donc loin du cliché de l’homme qui se tient le cœur puis se tord de douleur avant de tomber par terre.

“Je me retrouve en soins intensifs”

À partir de là, tout s’enchaîne. “Quand les pompiers arrivent, c'est la fête à la maison. J’avais commencé ma journée normalement et je me suis retrouvée dans un camion de pompiers avec des gens au-dessus de moi qui se disaient que j’allais potentiellement leur claquer entre les doigts ! Puis je me suis retrouvée à l'hôpital où on m’a prodigué des soins extrêmement rapides. Il fallait que ça aille très, très vite.”

Lucile lâche prise. Elle comprend qu’elle ne peut plus rien faire à part attendre. “Je me retrouve en soins intensifs, ils me font des échographies du cœur. Les examens sont un petit peu compliqués, ce qui n'est pas généralement le cas. Parce que j'ai de petites côtes et que je suis menue, ils me font des blagues style : “On va la mettre en pédiatrie.””

“Les tressautements se sont arrêtés”

Les heures passent et la situation se stabilise. Le lendemain, on annonce à Lucile qu’elle peut rentrer chez elle. Mais ce n’est pas tout : la jeune femme n’a, en réalité, pas fait d’infarctus du myocarde. “Mon diagnostic, à ce jour, c’est que c’était une très forte angoisse”, lui annonce le médecin.

On lui prescrit des anxiolytiques et un suivi chez le cardiologue pour le suivi. “Les tressautements et les douleurs que je ressentais dans la cage thoracique - mais que je ne voulais pas écouter - se sont arrêtés.” Lucile était loin de se douter qu’une crise d’angoisse pouvait avoir de telles répercussions.

"Une crise d'angoisse peut être décorrélée de ce qui se passe dans ta tête"

Deux ans plus tard, elle pense comprendre ce qu’il s’est passé ce jour-là : “Quand on dit que la crise d'angoisse est quelque chose de physique, je pense l’avoir expérimenté. Une crise d'angoisse peut être décorrélée de ce qui se passe consciemment dans ta tête. C'est complètement différent, pour moi, d'une crise d'anxiété, où tu es pleinement conscient que c'est psychologique. Tu peux faire une crise d'anxiété qui va terminer par une crise d'angoisse. Mais tu peux arriver à la crise d'angoisse sans avoir conscience que c'est dû à une détresse interne. Je pense que tu peux faire une crise d'angoisse uniquement physique sans forcément ruminer, sans conscientiser tes problèmes.”

"Les années m'ont appris à accueillir le stress"

Elle l’a compris : sa santé mentale peut être fragile, et elle est tout aussi importante que sa santé physique. Les deux sont d’ailleurs intimement liées. Cela lui semble encore plus important aujourd’hui. “Les années passant, ça m’a appris à accueillir le stress, à comprendre que deux personnes différentes ne réagissent pas de la même manière par rapport au problème. Le stress est une manière d'appréhender la vie : si je ne veux pas être anxieuse, ça me rend anxieuse, alors je fais une crise d'anxiété. Aujourd’hui, j’essaie vraiment de sortir de ça.”

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