Covid-19 : on sait pourquoi il y a plus de décès en Île-de-France

Publié par Pauline Capmas-Delarue
le 19/05/2020
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L’Ile-de-France fait partie des régions les plus sévèrement frappées par le Covid-19. Toutefois, des disparités semblent émerger au sein des départements qui la composent, avec une surmortalité particulièrement marquée en Seine-Saint-Denis, notamment. Zoom sur la surmortalité dans cette région, et les causes qui peuvent l’expliquer.

L’Ile-de-France fait partie des régions qui regroupent le plus de personnes contaminées au Covid-19, et donc, de décès. Depuis plusieurs semaines, la direction générale de la Santé rappelle chaque soir dans son communiqué de presse que l’Ile-de-France, le Grand-Est, l’Auvergne-Rhône-Alpes et les Hauts-de-France regroupent à elles seules plus de 70 % des patients hospitalisés en réanimation.

Une surmortalité particulièrement marquée en Ile-de-France

En outre, une étude publiée le 11 mai par l'Observatoire régional de santé Ile-de-France, qui s’appuie sur les données de l’Insee, a mis en exergue la surmortalité liée au coronavirus dans cette région, et apporté des éléments d’explications. En cause, les disparités préexistantes dans une partie des départements franciliens - en particulier en Seine-Saint-Denis, qui compte 1,6 million d’habitants.

Dans ce diaporama, nous revenons plus en détail sur les différentes causes pouvant expliquer le nombre important de décès et de cas dans la région. Pour y accéder, cliquez sur l’image en haut de l’article.

+ 118,4 % de décès en Seine-Saint-Denis, versus 2019

D’après cette étude, la surmortalité est particulièrement importante en Seine-Saint-Denis, avec + 118,4 % de décès entre le 1er mars et le 10 avril 2020, par rapport à la même période en 2020. La partie nord de ce département, le plus pauvre de métropole, est sensiblement touchée.

Les autres départements denses qui entourent la capitale enregistrent également une hausse, avec + 101,5 % de décès dans les Hauts-de-Seine, + 94,1 % dans le Val-de-Marne et + 92,6 % à Paris.

À l’inverse, les niveaux de surmortalité semblent diminuer dès qu’on s’éloigne de la capitale, puisqu’ils sont moins forts en grande couronne - hormis dans le Val-d’Oise, qui se démarque avec + 90,1 % de morts.

+ 118,4 % de décès en Seine-Saint-Denis, versus 2019

“Une approche infra-départementale est impérative”

Sur son site, l’Observatoire régional de santé précise que l’analyse de ces données “montre qu’une approche infra-départementale est impérative, puisque les différents établissements publics territoriaux (EPT) de Seine-Saint-Denis présentent des niveaux de surmortalité très sensiblement différents les uns des autres”.

En outre, le lieu de décès n’est pas un indicateur fiable pour calculer la mortalité des populations sur les territoires, puisque de nombreux patients sont décédés à l’hôpital, qui ne se situe pas forcément dans leur ville ou département de résidence. “Les habitants de Seine-Saint-Denis par exemple fréquentent largement les hôpitaux parisiens et val-de-marnais”, précise l’ORS. C’est pourquoi 22,1 % des décès Séquano-Dionysiens ont été enregistrés dans un autre département que la Seine-Saint-Denis.

Pour Isabelle Grémy, directrice de l'Observatoire régional de santé, plusieurs causes peuvent contribuer à expliquer la surmortalité en Ile-de-France, et en particulier dans certains départements. Nous les détaillons dans notre diaporama.

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La surmortalité durant l'épidémie de Covid-19 dans les départements franciliens, ORS Ile-de-France, 7 mai 2020.

Coronavirus : une étude explicite la surmortalité en Île-de-France, La Provence avec AFP, 11 mai 2020.

Grands immeubles avec des parties communes fréquentées

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vue sur la défense de la mairie de gennevilliers
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“Les populations les plus vulnérables socialement sont celles qui habitent dans les grands ensembles collectifs, avec des parties communes fréquentées, plus d'enfants de bas-âge…” rapporte Isabelle Grémy, directrice de l'Observatoire régional de santé (ORS) à l’AFP. 

Habitations moins grandes, peu propices à l’isolement

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interior of the hotel room, bed, sofa, wardrobes, tv
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Parmi les populations vulnérables, Isabelle Grémy cite également celles qui vivent dans “des surfaces par mètre carré qui sont moins importantes". D’après les données de l’Insee, "plus de 570 000 personnes vivent dans un ménage comptant moins d’une pièce par personne en Seine-Saint-Denis". 

Nombreux “travailleurs-clés”, dans l’impossibilité de télétravailler

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at the supermarket  checkout counter hands of the cashier scans groceries, fruits and other healthy food items clean modern shopping mall with friendly staff, small lines and happy customers
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Autre facteur qui a contribué à l’expansion de l’épidémie : le nombre important de “travailleurs-clés” en Ile-de-France, qui ont dû poursuivre leur activité normalement, dans l’impossibilité de télétravailler. Ces derniers représentent jusqu’à 12 % des actifs dans le 93. 

Populations plus précaires, qui ne peuvent pas toujours se confiner

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tents of homeless people under subway viaduct in paris
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Selon Dr Frédéric Adnet, directeur du Samu 93 et chef du service des urgences de l'hôpital Avicenne à Bobigny, interrogé par nos confrères du Parisien, “il y a plus de malades en Seine-Saint-Denis”, et la précarité de ses habitants contribue à l’expliquer. 

Dans ce département, la population est très peu partie au début du confinement. “Ici, les gens n'ont pas de résidence secondaire. Ils sont restés là et ont donc davantage recours aux structures hospitalières”, explique le médecin. 

En outre, les mesures de confinement seraient aussi moins efficaces dans cette zone. “Quand je regarde par la fenêtre de l'hôpital, je vois un immense bidonville, où les gens vivent à dix dans une cabane sans toit. On a affaire à une population très précarisée, des sans-abri, qui ont d'autres préoccupations que le confinement”. 

Habitants plus souvent sujets à l'obésité et au diabète

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obese man stretching neck muscles, back pain problems caused by overweight
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L’ORS souligne également que les habitants des quartiers populaires franciliens sont plus souvent sujets à l’obésité et au diabète, qui font partie des comorbidités qui augmentent le risque de développer une forme grave de Covid-19. 

"C'est exactement la double peine : ils ont plus de chance de se faire contaminer de par leurs conditions de vie, de par leur travail, et ils ont plus de chance de faire des formes graves", déplore Isabelle Grémy. Elle précise que ces différences peuvent aussi exister à l’échelle d’une ville ou d’un quartier. 

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