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Combattante, c' est l’histoire d’Isabelle Guyomarch. À la tête d’un groupe industriel cosmétique de 250 salariés et fondatrice du laboratoire Ozalys, marque de cosmétiques destinés aux femmes touchées par le cancer, sa vie est bouleversée en 2013 après le diagnostic d’un cancer du sein.

Stade 3. Agressif. Et surtout, synonyme de chirurgie, de chimiothérapie et de radiothérapie. "Ces quatre années de ma vie, du jour du diagnostic jusqu’au moment où j’ai commencé à écrire, ont été d’une telle intensité que c’est apparu comme une évidence d’écrire, nous confie l’auteure. C’est aussi une trace pour mes filles. Je voulais leur adresser un message et qu’il reste".

Combattante c'est donc le témoignage de cette femme engagée et de son combat contre le cancer du sein, pendant lequel elle s’est confrontée, tant dans sa vie professionnelle que personnelle, à de nombreux tabous autour des cancers féminins. Isabelle brise les non-dits et parle de la considération des femmes malades sur leur lieu de travail, mais surtout de féminité et de sexualité.

Isabelle Guyomarch. ©Eugénie Martinez

En effet, la sexualité pendant le cancer, et particulièrement le cancer du sein, reste encore un aspect tabou et trop souvent relégué au dernier plan. La vie intime est pourtant essentielle au bien-être du malade et à sa qualité de vie, estime Isabelle. Mais comment aimer, séduire et se sentir désirable quand la chimio et les douleurs entravent la libido ? Comment vibrer face au regard d’un homme quand on a perdu un sein, et parfois ses cheveux ? Isabelle nous parle de son expérience.

C’est son époux à l'époque qui a décelé l’un des signes de son cancer. "Dans un moment d’intimité, il a remarqué la grosseur palpable dissimulée dans ma poitrine", décrit Isabelle. Puis tout s’est enchaîné : diagnostic, opération, traitement, après cancer… Tous ces bouleversements auront des conséquences irréversibles sur le couple.

"Je me souviens de la dernière fois que j’ai fait l’amour avant mon opération"

Après le diagnostic du cancer, c’est la vie toute entière du couple qui est bouleversée. "Après l’annonce du cancer, mon mari et moi avons été très soudés, se remémore Isabelle. Même si, on ne peut nier que la maladie est venue tout compliquer".

"Je me souviens de la dernière fois ou j’ai fait l’amour avant la chirurgie. J’avais le sentiment que c’était la dernière fois. Et c’est très déroutant de se dire que c’est peut-être la dernière fois qu’on fait l’amour avec un corps intact".

Isabelle avait refusé la mastectomie. "J’ai demandé une tumorectomie : on retire uniquement la tumeur et pas l’ensemble du sein, explique-t-elle. Je suis consciente d’avoir pris un risque en refusant, mais je l'ai assumé".

La chirurgie, un cataclysme pour la vie intime

Pour Isabelle, la tumorectomie a été une épreuve physique et morale. "Le chirurgien avait réalisé un beau travail, mais il était clair qu’aucune sexualité n’était plus possible pendant un certain temps, relate-t-elle. J’étais mutilée et je souffrais. J’ai subi deux interventions à trois semaines d’intervalle. Je ne pouvais plus bouger. Rien que porter un sac de course ou conduire était devenu inenvisageable. Ensuite, j’ai démarré la chimiothérapie".

Dès les premières séances, Isabelle a été confrontée aux effets indésirables : nausées et grande fatigue. L’inacceptable s’est produit sous la douche. En se lavant la tête, une touffe de cheveux lui reste dans les mains.

"Quand vous vous regardez dans la glace, au fil des semaines de traitement, votre image est tellement altérée que vous perdez l'estime de vous-même. Lorsqu’on parle de reconstruction après la chirurgie, les gens préfèrent se dire ‘très bien, elle va retrouver son corps et ses seins auront à nouveau du volume’. Mais en réalité, les séquelles sont réelles, même après une reconstruction : le sein ne retrouve pas sa forme normale, et surtout, on ne récupère aucune sensation".

"Pour la première fois, mon corps me produisait du plaisir et non de la douleur"

"Si je me souviens de la dernière fois que j’ai fait l’amour avant l’opération, je me rappelle tout aussi bien de la première fois après, confie Isabelle. Pour la première fois depuis plusieurs semaines, mon corps me produisait du plaisir et je pouvais ressentir autre chose que la douleur".

"Il est vrai que dans le cadre du cancer, la sexualité est abordée de façon secondaire, voire superficielle. Pourtant, quand vous êtes malade et endurez beaucoup de souffrance physique, si vous faites l’amour, vous vous offrez enfin quelques minutes pendant lesquelles votre corps ne souffre pas…et s’envole. Je me souviens de mes larmes de bonheur à cet instant".

En effet, selon Isabelle, il est très difficile d’envisager une perte complète d’intimité et de sexualité au cours du cancer. "C’est une source d’émotions, ajoute-t-elle. Et cette source d’émotion est source de qualité de vie. Votre corps vous donne tellement peu d’émotions positives au cours de la maladie qu’un moment de plaisir peut être un vrai soutien. Pour ma part, mes rapports intimes m’ont donné le sentiment d'être en vie".

"Mais la sexualité en tant que ‘malade’ n’est qu’une parenthèse, très différente d’une intimité ‘normale’. Et c’est lorsqu’il a fallu retrouver une sexualité de femme et revenir dans la normalité que tout s’est compliqué".

"L’après cancer a eu raison de mon couple"

Isabelle et son mari sont restés unis tout au long de la maladie. Ils ont surmonté le diagnostic, la chirurgie et les traitements agressifs. Mais contre toute attente, l’après cancer a été ingérable si l’on en croit l’auteure.

"Au cours de la maladie, j’ai maintenu une sexualité intense, au sens émotionnel, décrit Isabelle. Cela lui procurait une dimension mystique et même exceptionnelle. Mais après le cancer, alors que je n'étais plus malade, la sexualité, mais aussi la vie de couple devait revenir à la normale. Mon mari, qui avait été un vrai soutien et très présent durant la maladie, aspirait désormais à une urgence de vie : tout devait redevenir comme avant. Mais pour moi, ce n’était pas si simple. Finalement, c'est l'après cancer qui aura eu raison de mon couple".

"Vous ne pouvez pas vous sentir femme avec une couche-culotte et un lubrifiant !"

Comme de nombreuses victimes en rémission après un cancer du sein, Isabelle s’est vue prescrire un traitement antihormonal, dont le but est d’éviter les éventuelles récidives. "Il m’a été prescrit pour 10 ans. Ce traitement a réellement altéré ma féminité et mon intimité, nous raconte-t-elle. Il provoque ce qu’on appelle une atrophie vaginale, ce qui s’apparente aux effets de la ménopause puissance 100 ! Mais lorsque vous êtes ménopausée, on vous prescrit des traitements hormonaux substitutifs pour éviter ces effets. Or, ces derniers ne sont pas compatibles avec le cancer du sein".

Isabelle a donc subi les effets du traitement antihormonal : "toute la sphère uro-génitale de la femme est affectée. Cela va de la sécheresse vaginale à l’incontinence urinaire. Les rapports sexuels deviennent douloureux, voire impossibles. C’est toute la féminité qui est touchée. Vous ne pouvez pas vous sentir femme avec une couche-culotte et un lubrifiant".

"Si j’ai tenu le coup pendant la maladie, je me suis effondrée après. Je ne parvenais pas à revivre une vie de femme comme avant". L’après cancer aura donc été fatal pour le couple d'Isabelle. "On était comme des boxeurs sur le ring. On s’est battu ensemble un an contre le cancer. Et la perspective de se battre encore x années contre les séquelles était trop lourde pour nous. Nous nous sommes séparés un an après la fin des traitements, ajoute-t-elle. Je me suis reconstruite seule et me suis battue pour redevenir une femme".

Cinq ans après, Isabelle est heureuseet a pu renouer avec sa féminité grâce à la régénération vulvo-vaginale, une technique qui permet de répondre efficacement aux effets secondaires des traitements antihormonaux. Désormais, Isabelle milite pour que cette technique onéreuse, peu répandue soit remboursée par la Sécurité sociale et soit généralisée.

Auditionnée au Sénat par le Groupe D'Étude du Cancer, elle ouvre la voie pour que les solutions efficaces ne soient plus réservées aux privilégiées.

Sources

Merci à Isabelle Guyomarch, auteure de Combattante, éd. Cherche Midi, 2019

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