Le tramadol remis en cause : peu d’efficacité, beaucoup de risques

Publié par Elodie Vaz
le 07/10/2025
Tramadol
Istock
Selon une analyse publiée dans la revue scientifique BMJ Evidence Based Medicine, le tramadol prescrit contre les douleurs chroniques, n’apporterait qu’un soulagement minime tout en doublant le risque d’effets indésirables graves, notamment cardiaques.

Longtemps considéré comme un antidouleur « sûr », le tramadol voit aujourd’hui sa réputation sérieusement remise en question. Selon une vaste analyse publiée le 7 octobre 2025 dans la revue scientifique BMJ Evidence Based Medicine, ce médicament opioïde, aujourd’hui largement prescrit contre les douleurs chroniques, n’apporterait qu’un bénéfice minime tout en augmentant sensiblement le risque d’effets secondaires parfois graves.

“Le tramadol est un opioïde à double action. Il agit à la fois sur le cerveau et sur les voies nerveuses de la douleur”, expliquent les chercheurs dans un communiqué. Il est prescrit pour soulager les douleurs modérées à sévères, qu’elles soient aiguës (à court terme) ou chroniques (sur la durée). Recommandé dans de nombreuses indications médicales, il est devenu l’un des opioïdes les plus utilisés dans le monde, notamment aux États-Unis mais aussi en France.

Son succès repose sur une image rassurante : celle d’un médicament efficace, moins addictif et moins dangereux que la morphine. Une réputation que cette nouvelle étude remet en cause.

Une analyse rigoureuse de 19 essais cliniques

Pour évaluer réellement l’efficacité et la sécurité du tramadol, des chercheurs ont compilé les résultats de 19 essais cliniques menés jusqu’en février 2025, incluant au total 6 506 patients souffrant de douleurs chroniques : neuropathiques, arthrosiques, lombaires ou liées à la fibromyalgie.

Les participants, âgés en moyenne de 58 ans, ont été traités pendant deux à seize semaines, puis suivis jusqu’à quinze semaines. La majorité ont pris le médicament sous forme de comprimés, une seule étude testant une crème topique.

Un effet analgésique à peine perceptible

Le verdict est sans appel : le tramadol soulage légèrement la douleur, mais son effet reste bien en dessous du seuil jugé cliniquement significatif. Autrement dit, la différence ressentie par les patients par rapport à un placebo est trop faible pour être réellement utile dans la vie quotidienne.

Des risques cardiovasculaires accrus

Plus inquiétant encore, le médicament double presque le risque d’effets indésirables graves par rapport au placebo. Parmi eux, les chercheurs ont observé une hausse d’événements cardiaques : douleurs thoraciques, insuffisance cardiaque ou maladies coronariennes. L’étude évoque aussi une possible augmentation du risque de certains cancers, mais la durée courte des essais rend cette association incertaine.

En parallèle, les effets secondaires plus bénins tels que les nausées, vertiges, somnolence ou constipation, se révèlent fréquents. Des désagréments qui, cumulés, affectent la qualité de vie des patients sans que le bénéfice thérapeutique ne soit clairement démontré.

"Les chercheurs reconnaissent que les résultats étaient à haut risque de biais, mais cela augmente la probabilité que les résultats surestiment les effets bénéfiques et sous-estiment les effets néfastes du tramadol", précise le communiqué.

Un enjeu mondial de santé publique

Ces résultats s’inscrivent dans un contexte mondial préoccupant. “Près de 60 millions de personnes seraient dépendantes aux opioïdes. En 2019, les drogues ont causé environ 600 000 décès, dont 80 % liés à ces substances”, alertent les chercheurs. Aux États-Unis, les morts par overdose d’opioïdes ont grimpé de 49 860 en 2019 à plus de 81 000 en 2022.

Face à cette crise, les chercheurs appellent à limiter au maximum l’usage du tramadol et des opioïdes dans le traitement de la douleur chronique, au profit d’approches non médicamenteuses ou de traitements mieux évalués.

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