Des médecins réclament le remboursement de traitements non autorisés pour soigner des maladies telles que la dépression
La prise en charge des troubles psychiatriques pourrait-elle évoluer en France ? C’est en tout cas ce que réclame un collectif de professionnels de santé dans une tribune publiée le 11 novembre dans Le Monde. Psychiatres, pharmaciens, pédopsychiatres et associations – dont le professeur Antoine Pélissolo et l’association Bicycle – appellent l’État à autoriser le remboursement de certains médicaments prescrits en psychiatrie même lorsque leur indication officielle ne correspond pas à celle pour laquelle ils sont utilisés.
Dans leur texte, les signataires déplorent que « certains psychotropes ne sont en effet pas remboursés par la sécurité sociale dans le cadre de leurs usages en psychiatrie, et ce malgré le niveau de preuve tels qu'ils sont mondialement recommandés ». En clair : des médicaments efficaces, reconnus à l’international, ne sont pas pris en charge en France dès lors qu’ils sont utilisés hors de leur stricte indication autorisée.
Des prescriptions hors AMM très fréquentes en psychiatrie
Les médecins dénoncent une rigidité administrative qui « exclut les patients les plus démunis de l'accès à des traitements qui sont parfois les seuls efficaces ». Ils alertent également sur un effet pervers du système, « particulièrement vrai en médecine extra-hospitalière où les psychiatres sont plus susceptibles d'être contrôlés par la Caisse d'assurance maladie pour des prescriptions hors AMM ». Le hors AMM, ou hors autorisation de mise sur le marché, désigne l’utilisation d’un médicament pour une maladie ou un trouble autre que celui validé par les autorités sanitaires.
Des traitements non remboursés… mais bien moins coûteux que d’autres
Cette réalité n’a rien de marginal : en psychiatrie, « 43,5 % des prescriptions se font hors autorisation de mise sur le marché (AMM) », rappellent les signataires. Selon eux, ces molécules « parfois indispensables » permettent de limiter « considérablement le recours à d'autres prises en charge (bien plus coûteuses quoique remboursées) » mais aussi de réduire le taux d’hospitalisation, la fréquence des consultations et même les arrêts de travail. Ils assurent que « la possibilité pour un praticien de faire accéder son patient au remboursement de ces molécules sans être inquiété par la CPAM est une mesure peu coûteuse pouvant être adoptée sur directive ministérielle ».
L’enjeu dépasse d’ailleurs la seule question financière. Le collectif estime que l’adoption d’une telle mesure « pourrait aussi, partiellement, pallier la pénurie de psychotropes frappant le pays » depuis le début de l’année. La France fait face en effet à de graves difficultés d’approvisionnement. Les médicaments à base de quétiapine, largement utilisés pour la schizophrénie et les troubles bipolaires, devraient rester difficiles à trouver « au moins jusqu’à la fin de l’année », selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). L’instance suit également de près la situation d’autres antipsychotiques, comme la rispéridone, la chlorpromazine, la venlafaxine ou encore le téralithe.
Accès aux soins : un enjeu majeur alors que la santé mentale est grande cause nationale
Ces ruptures touchent de plein fouet les patients, pour qui la continuité du traitement est essentielle. Un arrêt brutal peut provoquer des rechutes, des crises aiguës et des passages aux urgences. Alors que la santé mentale a été déclarée « grande cause nationale » en 2025, les signataires avertissent que ces pénuries constituent une véritable épreuve pour les malades.
Pour y remédier, ils demandent à l’État « que soit établie la liste des médicaments dont les patients de psychiatrie doivent pouvoir bénéficier quelles que soient leurs ressources, y compris si cela implique une prise en charge par la CPAM alors que la molécule n'a pas d'AMM dans cette indication ». Une proposition qui relance le débat, déjà sensible, sur l’équilibre entre rigueur réglementaire, sécurité des patients et accès effectif aux soins.