A l’Hôpital du Mans, 53 chirurgiens démissionnent le même jour

Publié par Josselin Aubrée
le 06/03/2023
Maj par Clara De Frutos
le 13/03/2023
medico con cuffietta e mascherina in camice blu isolato su sfon
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En réaction à la dégradation de leurs conditions de travail et à la fermeture de nombreux lits d’hôpitaux, 53 chirurgiens du Centre Hospitalier du Mans ont présenté leur démission administrative au ministre de la santé et de la prévention François Braun.

C’est à travers une lettre adressée au ministre de la santé François Braun, au directeur de l’Agence Régionale de Santé et aux élus sarthois et régionaux que les chirurgiens du Centre Hospitalier du Mans que des médecins ont fait part de leur épuisement et de leur ras le bol. 

Urgences locales fermées : 60 lits de chirurgie réquisitionnés 

L’année passée, plusieurs services d’urgence de la Sarthe et de la Mayenne ont fermé leurs portes, s’inscrivant ainsi dans les recommandations du rapport sur la territorialisation des activités d’urgence daté de 2015

Résultat, de nombreux patients de ces départements se retrouvent au centre hospitalier du Mans pour diverses urgences. Néanmoins, il faut bien les accueillir quelque part, et c’est le service chirurgie de l'Hôpital du Mans qui trinque.

Le quotidien Ouest-France indique que "60 lits (sur 150) de chirurgie conventionnelle auraient ainsi été fermés pour accueillir ces patients, faute de personnel paramédical pour ouvrir des lits de médecine." Par ailleurs, infirmières et infirmiers dédiés aux urgences sont eux-mêmes dépassés par l’afflux de patients nécessitant des soins auxquels le personnel n’est pas nécessairement formé. 

Des opérations reportées faute de place

Selon les médecins du Centre Hospitalier du Mans, depuis le 9 janvier "ce sont plus de 110 interventions qui ont dû être déprogrammées du jour au lendemain faute de place."

Face à une situation redoutée il y a quelques années et qui apparaît désormais au grand jour, les chirurgiens et anesthésistes interrogés par Ouest-France indiquent qu’il n’est plus envisageable "de prendre en charge nos patients dans des conditions de soins correctes et humainement supportables."

Ce jeudi 2 mars, ils ont alors pris la décision collectivement de démissionner de leurs fonctions et responsabilités administratives dans une lettre adressée au ministre de la santé, au directeur de l’ARS des Pays de la Loire ainsi ainsi qu’aux huit parlementaires sarthois, à la présidente du conseil régional, au président du conseil départemental et au maire du Mans :

Nous, chirurgiens et anesthésistes du Centre hospitalier du Mans, ne pouvons plus garantir la mission qu’un hôpital public doit remplir : une mission de service public.

Toutefois, ces professionnels du service public tiennent à signaler qu’ils continueront à assurer leur service de médecine auprès de leurs patients.

Hôpitaux en danger, déserts médicaux : le système de santé est-il malade ?

Ce phénomène fait écho aux déserts médicaux qui touchent une grande partie de l'Hexagone.

Des travaux, menés par la Direction de la recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques avec le ministère de la Santé en 2018, montrent que les Français ont accès, en moyenne, à 3,93 consultations par an avec un médecin exerçant dans une commune à moins de 20 minutes en voiture de chez eux. Cela représente une baisse de 3,3 % en 3 ans. En effet, les Français avaient pu prendre 4,06 rendez-vous par habitant en 2015.

Pour rappel, les experts estiment qu'un territoire est sous-doté en généralistes, plus communément appelé un désert médical, si l’accès est inférieur à 2,5 consultations par an et par habitant. Selon le rapport publié en février 2020, près de 6 % de la population (près de 3,8 millions de personnes) vit ainsi dans une zone où le nombre de docteurs est insuffisant (contre 3,8 % en 2015).

Les inégalités sociales se creusent en France

"L’accessibilité se réduit sur l’ensemble du territoire, mais de manière plus prononcée dans les communes les moins bien dotées en médecins généralistes", déplore la Dress dans son rapport. "L’accessibilité des 10 % de la population les mieux lotis baisse en effet deux fois moins que celle des 10 % les moins bien lotis."

"Les inégalités territoriales se creusent ainsi par le bas : si, en 2015, les 10 % les mieux dotés avaient accès à 2,17 fois plus de consultations que les 10 % les moins bien dotés (rapport interdécile), en 2018, ils ont accès à 2,24 fois plus de consultations", terminent les experts.

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https://www.ouest-france.fr/sante/la-coupe-est-pleine-a-lhopital-du-mans-des-dizaines-de-chirurgiens-demissionnent-c47ffb3e-b8de-11ed-ad6f-faa675ef2bb3

https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/2015-07-06_Rapport-Territorialisation_des_Urgences.pdf

Vivez-vous dans un désert médical ?, Pour l'éco, 24 décembre 2020

En 2018, les territoires sous-dotés en médecins généralistes concernent près de 6 % de la population, DRESS, publié en février 2020

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