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Cette histoire hors-norme pourrait bien être l’affaire de pédophilie la plus importante, jamais vue en France. Le Dr Joël Le Scouarnec, chirurgien digestif en Charente-Maritime, est incarcéré depuis mai 2017 et doit être jugé début 2020 pour agressions sexuelles et viols commis sur de nombreuses jeunes patientes.

Selon un récent communiqué de Laurent Zuchowics, procureur de la République de La Rochelle, 250 potentielles victimes ont été identifiées, parmi lesquelles 209 ont pu être auditionnées. En outre, 184 plaintes visent actuellement le chirurgien. Ce dernier avait déjà été condamné en 2005 à Vannes dans le Morbihan pour détention d’images à caractère pédopornographique.

Durant près de 30 ans, le chirurgien a consigné ses actes criminels dans des carnets, auxquels France Info a pu accéder. Intitulé "Mon journal intime", ce dossier comporte des récits glaçants. "Je suis un grand pervers. Et j'en suis très heureux", écrit le Dr Le Scouarnec avant de décrire les caresses, attouchements et pénétrations digitales qu'il a fait subir à ses jeunes patientes.

L’une des nombreuses victimes, Amélie Lévêque-Merle, âgée de 9 ans au moment des faits, raconte avoir été violée par le Dr Le Scouarnec après une opération de l’appendicite.

C’est en suivant l’affaire dans la presse qu’elle comprend sa phobie des vaccins

"Depuis plusieurs années, j’avais un mal-être, une phobie des piqûres, des vaccins et généralement un malaise avec le monde médical", raconte Amélie Lévêque-Merle, aujourd’hui âgée de 37 ans et domiciliée en Indre-et-Loire. C’est en suivant l’affaire dans la presse qu’elle fait le lien avec ses angoisses. "J’ai compris qu’il avait exercé à la clinique où j’avais été opérée, ça a été une évidence".

Amélie décide alors de se tourner vers son médecin traitant pour consulter son dossier médical. Ce dernier est formel : la jeune femme a bien été opérée de l’appendicite en 1991 à Loche…par le Dr Joël Le Scouarnec.

Amélie entre alors en contact avec Me Francesca Satta, avocate en droit pénal (Barreau de Saintes et Bordeaux), qui représente toutes les victimes du chirurgien. Grâce à elle, Amélie voit ses doutes se confirmer : son nom figure aussi dans les carnets dans lesquels Joël Le Scouarnec relatait ses agressions.

"J’étais sans défense, mes parents avaient toute confiance dans ce médecin"

En 1991, Amélie a été opérée de l’appendicite alors qu’elle avait 9 ans. C’est en sortant du bloc opératoire qu’elle aurait été abusée par le praticien. "J’étais sans défense, mes parents avaient toute confiance dans ce médecin, c’est ça qui est dur", déplore-t-elle.

Comme de nombreuses victimes, Amélie avait complètement refoulé ses souvenirs. Elle parvient à se remémorer son agression grâce à des séances d'hypnose. Désormais, elle a des flashs et visualise la scène.

Amélie a pu prendre connaissance du carnet, que tenait son bourreau. "Je ne voulais pas connaître tous les détails écrits sur moi, mais il évoque des regards sur mon intimité, de choses lourdes de sens", explique-t-elle.

En déposant plainte, Amélie a pu être considérée comme victime. "C'est un sentiment étrange, poursuit l'ancienne patiente. C'est une horreur d'être consignée dans ces carnets, mais grâce à eux, j'aurai sans doute la chance que l'homme qui m'a agressé soit jugé".

"Ces enfants étaient réveillés quand je commettais ces actes"

En mai 2017, une perquisition avait été menée au domicile du médecin, situé à Jonzac (Charente-Maritime). Des images pédopornographiques, des poupées cachées sous les lattes du plancher, des perruques ainsi que des carnets ("Le journal intime"), contenant près de 200 noms d’enfants, ont été retrouvés.

Joël Le Scouarnec y relatait les détails sordides de ses perversions sexuelles. Les titres parlent d’eux même.

"Avec mes petites danseuses, mes lettres pédophiles, petite fille précoce, petites filles de l’île de Ré"…

Lors d’un interrogatoire, le chirurgien avait avoué certaines agressions, commises notamment lorsqu’il exerçait à Loches (Tourraine) : sur ses nièces, sur une voisine et sur des enfants hospitalisés dans son service.

"Elles avaient 7, 8 et 9 ans. Ces enfants étaient réveillées quand je commettais ces actes. C’était après l’opération, alors qu’elles étaient alitées", a livré Joël Le Scouarnec au juge d’instruction.

Chaque année, il note son âge et en majuscule : "Je suis un pédophile"

Dernièrement, Franceinfo a pu accéder à l'intégralité du contenu d'un des carnets du criminel. Il contient des milliers de pages au texte intolérable. À titre d'exemple, le 10 avril 2004, l'ex-chirurgien écrit : "Tout en fumant ma cigarette du matin, j'ai réfléchi au fait que je suis un grand pervers".

"Je suis à la fois exhibitionniste, voyeur, sadique, masochiste, scatologique, fétichiste, pédophile. Et j'en suis très heureux".

Il mentionne aussi les noms de famille de ses victimes, ainsi que leur date de naissance et leur adresse. Joël Le Scouarnec relate également des récits de masturbation, qui ont lieu surtout dans son bureau à l'hôpital. Le jour de son anniversaire, chaque année, il note son âge et en majuscule : "Je suis un pédophile".

Sa nièce était sa première victime

Le chirurgien raconte aussi comment ses premières pulsions criminelles sont nées. Sa nièce aura été sa première victime, alors qu'il avait 35 ans. "Elle venait souvent sur moi, sur mes genoux", explique-t-il aux enquêteurs, "peut-être que je voyais en elle la petite fille que j'aurais voulu avoir".

"Elle avait les cheveux longs, et oui, elle me séduisait. Inconsciemment, bien évidemment."

"J'ai dépassé le stade des câlins jusqu'au stade sexuel. Cela s'est fait naturellement", déclare-t-il. Ensuite, il s'en prend à une fille d'amis, que sa femme garde régulièrement, en la photographiant lorsqu'elle dort. Il lui fait aussi subir des attouchements. "Le pli était pris", partage-t-il.

Sources

Chirurgien accusé de pédophilie : "J’étais sans défense", témoigne une plaignante, Le Parisien, 18 novembre 2019

"Je suis un grand pervers et j'en suis très heureux", Franceinfo, 17 janvier 2020