Sclérose en plaques : une nouvelle piste permet de comprendre les causes de la maladie

Publié par Elodie Vaz
le 16/09/2025
Sclérose en plaques
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Image d'illustration
Des chercheurs Français révèlent le rôle inattendu de cellules clés de l’immunité dans la sclérose en plaques, responsable d’une inflammation et ouvrant la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques.

Douleur chronique, fatigue, problèmes de concentration… En France, près de 120 000 personnes vivent avec la sclérose en plaques (SEP) et environ 3 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Une maladie auto-immune sans traitement curatif, qui laisse les patients dans le désespoir. Le système immunitaire s’attaque par erreur au cerveau et à la moelle épinière, détruit la myéline (la gaine protectrice des fibres nerveuses) et provoque une inflammation persistante appelée neuro-inflammation. Résultat : les signaux nerveux circulent mal, entraînant fatigue, troubles moteurs et poussées inflammatoires imprévisibles.

Dans ce contexte, chaque avancée scientifique est scrutée de près. Une équipe toulousaine de l’Inserm, du CNRS et de l’université de Toulouse, vient de mettre en lumière un coupable inattendu. Son nom : le « Tfr régulateurs », un sous-type de lymphocytes T (les éléments clés de l’immunité). Leur étude, parue dans Science Translational Medicine, le 27 août 2025, révèle un rôle pro-inflammatoire jusque-là insoupçonné de ces cellules.

Des cellules censées réguler… mais qui attisent le feu

L’équipe de chercheurs menés par la professeure Meryem Aloulou et le professeur Nicolas Fazilleau se sont d’abord appuyés sur le sang de patients en pleine poussée. Surprise : la population de lymphocytes Tfr y était anormalement élevée. Pour vérifier ce lien, les scientifiques ont eu recours à un modèle murin de SEP. Chez des souris dépourvues de Tfr, la maladie se révélait plus douce, avec moins de crises inflammatoires.

Mais un second élément clé a interpellé les chercheurs. Une molécule au nom barbare : la S1PR2, présente à la surface des cellules B. Quand les Tfr manquent à l’appel, S1PR2 devient plus abondante et agit comme un frein, empêchant les cellules B de quitter les ganglions lymphatiques. Sans ce frein, ces cellules migrent plus facilement vers le cerveau, déclenchant la neuro-inflammation.

Une fois installées dans le tissu cérébral, les cellules B activent d’autres lymphocytes T et libèrent des cytokines pro-inflammatoires, renforçant l’attaque contre le système nerveux central. Autrement dit, loin de calmer la réaction immunitaire, les Tfr « stimulent l’activité des cellules B, favorisant leur migration jusqu’au cerveau », soulignent les auteurs dans un communiqué de l’Inserm.

Vers de nouveaux traitements et biomarqueurs

« Cette étude apporte de nouvelles connaissances sur les mécanismes en jeu dans le retournement contre soi du système immunitaire dans la SEP. Pour la première fois, nous avons identifié le rôle pro-inflammatoire des lymphocytes Tfr qui semblent favoriser l’inflammation en aidant les cellules B à atteindre le cerveau, où elles aggravent la maladie. Ces résultats apportent un éclairage nouveau sur le rôle de ces cellules et pourraient ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques ciblant leur action », explique Meryem Aloulou, chargée de recherche à l’Inserm et co-dernière autrice.

Son collègue Nicolas Fazilleau voit déjà un possible débouché clinique : « À l’avenir, nous pouvons imaginer que le suivi du niveau de Tfr dans le sang des patients pourrait être utilisé comme biomarqueur pour prédire la survenue d’une poussée. En effet, des traitements existent pour empêcher l’entrée des lymphocytes dans le cerveau, mais ils sont trop lourds pour être administrés aux patients de façon prolongée. »

Une nouvelle pièce du puzzle

Aujourd’hui, les traitements de fond visent surtout à ralentir l’évolution de la maladie et à réduire la fréquence des poussées. Ils améliorent la qualité de vie mais ne guérissent pas la SEP. En dévoilant comment les Tfr favorisent l’infiltration des cellules B, l’équipe toulousaine ouvre une piste pour bloquer ce processus à la source.

Il reste à confirmer ces résultats chez l’humain et à déterminer comment cibler spécifiquement les Tfr sans perturber d’autres défenses immunitaires. Mais pour les chercheurs comme pour les patients, cette découverte constitue une étape importante : elle éclaire un mécanisme jusque-là méconnu et offre un nouvel espoir dans la lutte contre une maladie qui, malgré les progrès, continue de défier la médecine.

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