Pénurie de gynécologues médicaux : la téléconsultation est-elle une bonne option ?Adobe Stock
Sommaire

La pénurie de praticiens qui touche la gynécologie médicale complique le parcours de soins des femmes. Celles-ci peinent à trouver un gynécologue médical disponible près de chez elles, se confrontant souvent à des praticiens trop chargés pour accepter de nouvelles patientes, ou bien à des délais d’attente à rallonge, pouvant grimper de 6 mois à 8 mois en moyenne.

En août 2021, Françoise Dumont, sénatrice du Var (Provence-Alpes-Côte d'Azur), a alerté le ministre de la Santé et des Solidarités sur cette pénurie de gynécologues médicaux, craignant que celle-ci ne pénalise un peu plus l’accès aux soins des femmes. "L'absence d'offre de soin déjà ressentie aujourd'hui (et qui va s'accentuer dans les prochaines années) présente un caractère particulièrement préjudiciable pour la santé des femmes - les plus jeunes en particulier- du fait de l'attente de plus en plus longue avant l'obtention d'un rendez-vous, ainsi que des retards avérés de diagnostics", s'inquiétait-elle.

Une fonte drastique du nombre de gynécologues médicaux

La sénatrice citait quelques chiffres, témoignant de cette démographie alarmante de gynécologues médicaux : "Entre 2007 et 2020, la France s'est vu perdre 52,5 % de ses effectifs en gynécologues médicaux, à savoir 1 022 médecins, en 13 ans. De surcroit, au 1er janvier 2020, 12 départements de métropole n'avaient plus aucun gynécologue médical, soit 5 départements de plus qu'en 2018".

Téléconsultation en gynécologie médicale : une pratique répandue

Pour contourner cette difficulté d’accès aux soins, certaines patientes ont trouvé la parade et n’hésitent plus à se tourner vers les plateformes et applications de téléconsultation médicale : la téléconsultation représente 7% des rendez-vous pris par les patientes chez les gynécologues médicaux (proposant ce service), selon Doctolib (données de décembre 2022). Autres chiffres qui attestent que cette pratique est assez répandue :

  • Près de 40% des gynécologues médicaux sur Doctolib utilisent la solution de téléconsultation.
  • Les gynécologues médicaux qui proposent ce service réalisent en moyenne 15 téléconsultations par mois sur Doctolib.

Mais pour autant, consulter en ligne un gynécologue médical peut-il remplacer une consultation classique en cabinet ?

Gynécologie médicale : une téléconsultation uniquement pour certains motifs

La réponse est clairement non, selon la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale (FNCGM).

Dans un guide des bonnes pratiques publié en 2019 pour Doctolib, la Fédération rappelle qu’il n’est pas possible de réaliser un suivi gynécologique uniquement en téléconsultation. Et de citer la Haute Autorité de Santé : "Le jugement de la pertinence d’une prise en charge en téléconsultation plutôt qu’en cabinet relève de la seule décision du médecin."

"La téléconsultation peut être utile pour certains motifs mais pas sur tout", abonde Julia Maruani, gynécologue médicale à Marseille, secrétaire générale adjointe de la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale, contactée par Medisite. Elle doit être vue comme un complément dans le suivi gynécologique des femmes pour simplifier la prise en charge mais doit plutôt être réalisée avec leur gynécologue habituel."

Téléconsultation : la condition de proximité du praticien

Les applications de téléconsultation médicale de type Qare, Medadom, en plein essor, constituent une solution de "dépannage" jusqu'à un certain point, juge Julia Maruani. "Elles ne sont normalement pas autorisées par la sécurité sociale car le médecin doit se tenir à proximité du domicile du patient pour permettre une consultation physique, sauf certaines exceptions (si on réside dans une zone où l'offre de soins est faible et qu’il n’existe pas d’organisation territoriale coordonnée sur le territoire de résidence, ndlr). Or, aujourd’hui, ce qui se développe avec ces plateformes ne permet pas de proposer un suivi", déplore-t-elle.

Plus largement, pour la spécialiste, la téléconsultation ne saurait se substituer au suivi gynécologique indispensable en cabinet et conseillé tous les ans ou tous les deux ans (chez les femmes en bonne santé). "Elle ne remplace pas la consultation médicale en cabinet mais peut accélérer la prise en charge des patientes dans certains cas" quand on a des difficultés à trouver un gynécologue médical disponible rapidement ou un médecin généraliste qui fait de la gynécologie médicale, précise Julia Maruani.

Dans quels cas la téléconsultation peut-elle être utile ? "En cas de douleur liée à une infection urinaire par exemple ou de mycoses, ou si on constate quelque chose d’anormal au niveau intime, consulter rapidement un gynécologue médical en visio peut aider à évaluer les symptômes et le degré d’urgence pour ensuite, si besoin prescrire des examens et être orientée vers une consultation en cabinet", affirme la gynécologue médicale.

Et l’experte de citer un contre-exemple, qui nécessite un examen en cabinet : "A l’inverse, dans le cas d’une femme de 65 ans qui présente des lésions cutanées notamment vulvaires qu’elle ne voit pas, seul un examen en cabinet sera à même de déterminer l’origine des lésions et écarter un éventuel risque de cancer de la vulve. C’est pourquoi un examen chez un gynécologue reste recommandé a minima une fois tous les deux ans, pour écarter ces risques".

Dans quels cas consulter en visio son gynécologue médical ?

En dehors d’une première consultation (où l’examen en cabinet reste indispensable), certains cas justifient un entretien en visio avec son gynécologue médical. Voici quelques cas où la visio peut être utile :

  • résultats d’une biopsie(col, vulve, vagin) ou d’une imagerie, examen de biologie, test de dépistage du cancer du col de l’utérus
  • en cas de suspicion de cystite (car l'examen physique n’est pas nécessaire au diagnostic), mycoses et autres infections urinaires basses non fébriles
  • pour ajuster ou renouveler un traitement : une contraception, un traitement hormonal de substitution pour les femmes ménopausées, traitement de l’endométriose
  • information et prévention sur la sexualité
  • pour les femmes enceintes : consultation pré-conceptionnelle, entretien pré-natal, consultation post-natale, entretien post-natal précoce, prolongation d’arrêt de travail, etc.
  • les consultations pour demande d’IVG (interruption volontaire de grossesse) peuvent également être réalisées en téléconsultation pour les femmes vivant dans des zones de désert médical.

Pour en savoir plus, la liste exhaustive des motifs de consultation en téléconsultation est détaillée dans le guide des bonnes pratiques de la FNCGM.

Consulter une sage-femme, une bonne alternative ?

Certaines femmes optent pour un rendez-vous chez une sage-femme pour réaliser un contrôle de routine au niveau de l’appareil génito-urinaire. Une démarche utile, jusqu’à un certain point.

"En l’absence d’accès à un gynécologue médical ou à un médecin généraliste qui pratique la gynécologie, la sage-femme peut être un bon recours pour tout ce qui a trait à la prévention et au dépistage du cancer du sein ou de cancer du col utérin avec l’examen du col et la palpation des seins. Mais en cas de symptôme anormal ou de pathologie, il faudra faire un examen chez un gynécologue médical", pointe Julia Maruani.

Notre Newsletter

Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.

Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.