Qu'est-ce que la dyspraxie ? 

La dyspraxie est une perturbation de la capacité à effectuer certains gestes et activités volontaires (nommés "praxie").

Ce trouble des apprentissages résulte d’un dysfonctionnement – et non d’une lésion – de la zone cérébrale qui commande la motricité. Cette maladresse devient plus évidente au fil des apprentissages et notamment au moment de l’entrée à l ’école primaire avec les débuts de l’écriture.

Est-ce une difficulté fréquente ?

Selon les estimations, la dyspraxie toucherait environ 6 % des enfants de 3 à 5 ans et entre 5 et 7 % des enfants de 5 à 11 ans, surtout des garçons, mais les études fiables sont rares. De plus, de nombreux enfants ne seraient pas diagnostiqués. Les spécialistes considèrent qu’au moins un enfant dyspraxique est présent dans chaque classe scolaire. L’ensemble des troubles « dys » affecterait, lui, 10% des enfants.

Comment se manifeste une dyspraxie ?

Les spécialistes reconnaissent plusieurs types de dyspraxies qui affectent différemment la vie quotidienne et les apprentissages. Ils peuvent aussi se combiner.

La dyspraxie visuo-spatiale

Elle correspond au trouble de l’organisation et de la construction spatiale. Il s’agit des manifestations les plus fréquentes de la dyspraxie. Elle se manifeste par des difficultés à :

  • organiser son regard, par exemple pour dénombrer des objets (l’enfant en oublie ou en compte certains plusieurs fois, alors que sa vue est bonne) ;
  • situer les éléments les uns par rapport aux autres dans l’espace ;
  • s’orienter par rapport à son propre corps (ex.: distinguer sa droite de sa gauche, suivre une trajectoire en oblique).

La dyspraxie idéatoire

Ce trouble correspond à des difficultés dans la succession chronologique des gestes, pour réaliser une action. Il entraîne des difficultés d’utilisation et de manipulation des objets (utiliser un outil, ouvrir une boîte).

La dyspraxie idéomotrice

Il s’agit d’un trouble dans l’organisation du geste moteur, en l’absence d’objet. Elle est à l’origine de difficultés pour réaliser des gestes symboliques et des mimes (faire chut, mimer une action…)

La dyspraxie visuo-constructive

Elle rend difficile les activités d’assemblage et de construction (empiler des cubes, assembler des pièces...)

La dyspraxie de l’habillage

Elle entraîne des difficultés à s’habiller seul.

La dyspraxie bucco-linguo-faciale ou oro-faciale

Cette forme du trouble touche spécifiquement les mouvements de la bouche, comme souffler, siffler, claquer ses lèvres ou tirer la langue. Le langage en revanche, n’est pas affecté, contrairement à la dyspraxie verbale, qui est un trouble particulier du langage. L’enfant ne parvient pas à parler correctement en raison de difficultés de coordination.

Néanmoins, Aurélien D’Ignazio nous informe que les derniers rapports d’experts faisant référence (INSERM, 2019) ne catégorisent plus autant de « sous-types » de dyspraxie. Une terminologie commune et consensuelle est préconisée sous le terme de dyspraxie de développement (principalement en France) et/ou Trouble du Développement de la Coordination – TDC - (principalement à l’international).

Les autres troubles « dys »

La dyspraxie fait partie d’un ensemble de troubles "dys" et peut être associée à d’autres troubles des apprentissages :

  • dyslexie, dysorthographie, dysgraphie... en rapport avec le langage écrit
  • dyscalculie, en rapport avec le calcul ;
  • dysphasie... en rapport avec le langage oral ;
  • trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

Quelles sont ses causes ?

La dyspraxie résulte d’un trouble de la zone cérébrale qui commande la motricité. Les troubles praxiques ne sont pas liés au développement intellectuel de l’enfant et certains ont d’ailleurs un haut potentiel intellectuel. Cette affection est majoritairement innée sans cause identifiée (dyspraxie développementale), mais elle peut aussi toucher des enfants ayant des lésions cérébrales plus ou moins localisées (dyspraxie lésionnelle), liées à différentes situations :

  • Une prématurité ;
  • Une souffrance cérébrale lors de la grossesse ou de l’accouchement ;
  • Des antécédents de traumatisme crânien ;
  • Une tumeur cérébrale ;
  • Un accident vasculaire cérébral (AVC).

Quels sont ses facteurs de risque ?

Les troubles praxiques et leurs conséquences négatives sur la qualité de vie, peuvent persister à l’âge adulte, surtout chez les enfants non diagnostiqués, et donc non pris en charge de manière adaptée.

Quelles sont les personnes à risques ?

  • Les anciens prématurés ;
  • Les enfants ayant eu une lésion cérébrale;
  • Les garçons sont davantage touchés que les filles par la dyspraxie.

Traitement : peut-on soigner une dyspraxie ?

On ne guérit pas d’une dyspraxie, mais une rééducation adaptée ainsi que des moyens de compensation peuvent largement aplanir les troubles et les difficultés. Les patients même adultes peuvent bénéficier d'une prise en charge pluridisciplinaire afin d'améliorer leur qualité de vie.

Les troubles dyspraxiques sont-ils contagieux? 

Il ne s'agit pas de troubles contagieux.

Qui, quand consulter ?

Le diagnostic de la dyspraxie peut être posé par le médecin traitant, un pédiatre, neuropédiatre, ou médecin scolaire. Celui-ci sera alerté par un enfant entre 6 et 8 ans qui présente les difficultés suivantes :

  • chutes fréquentes ;
  • difficulté dans l’apprentissage de mouvements coordonnés (tricycle, trottinette, course, nage...) ;
  • difficulté à participer aux jeux collectifs (sports de ballon notamment) ;
  • peine à assembler des légos ;
  • stratégies d’évitement (refuser d’aller au parc, éviter les tâches de graphisme…) ;
  • dès la moyenne section de maternelle si votre enfant présente des retards par rapport aux enfants de son âge, il faudra en parler au médecin de famille, à l’équipe enseignante ou au médecin scolaire.

Pourquoi une dyspraxie non suivie, complique-t-elle la vie quotidienne ?

Elle peut entraîner :

  • Un manque d’autonomie dans la vie quotidienne.
  • Une scolarité très difficile particulièrement dans un certain nombre de matières enseignées telles que la géométrie du fait d’une manipulation inadaptée des instruments comme le compas, l’équerre… mais aussi les matières scientifiques, technologiques, sportives et artistiques.
  • Une mauvaise organisation au quotidien.
  • Une lenteur.
  • Une grande fatigue, du fait de la nécessité de compenser en permanence ses difficultés.
  • Une mauvaise estime de soi souvent renforcée par les réactions négatives de l’entourage.
  • Un isolement, repli sur soi.
  • Une dysgraphie (difficultés d’écriture) persistante à l’âge adulte, qui peut être compensée par un recours systématique à l’ordinateur.

Comment s'effectue le diagnostic de la dyspraxie ?

Le dépistage précoce de la dyspraxie est fondamental pour limiter au maximum les conséquences de cette affection sur la vie de l’enfant. Lorsque les signes d’alertes (école /parents) sont rapidement identifiés : retards importants en graphisme, difficultés scolaires, le diagnostic est posé par les professionnels afin que des aménagements, ainsi qu’un suivi approprié puisse se mettre en place rapidement.

Mais dans certains cas un dépistage préventif s’impose :

  • anciens prématurés ;
  • suivi de séquelles de lésions cérébrales.

Dyspraxie, apraxie : quelle différence ?

Réponse du Dr Aurélien d’Ignazio :

En cas de lésion cérébrale, ce ne sera pas à proprement parler une dyspraxie car ce n’est plus un trouble du développement, mais la conséquence d’une affection cérébrale (on parle alors souvent d’apraxie). »

Quels sont les examens ou analyses pratiqués ?

Le diagnostic est généralement confirmé à l’issue d’un bilan médical complet, basé sur plusieurs éléments :

  • Un bilan psychomoteur afin de constater le niveau de performance au regard d’une norme dans les domaines tels que la motricité fine, la motricité globale, l’organisation dans l’espace, le graphisme…
  • Un bilan neuropsychologique avec des tests psychométriques pour évaluer la mémoire, l’attention, le langage et diverses fonctions cérébrales.
  • Un bilan neurologique pour étudier le fonctionnement du système nerveux de l’enfant.

Des examens complémentaires peuvent être nécessaires en fonction de la situation précise de l’enfant :

  •  Un bilan ergothérapique afin d’estimer la motricité, l’usage de la vue et du toucher, ainsi que l’organisation dans l’espace et l’autonomie.
  •  Un bilan orthophonique pour évaluer le langage, mais aussi le raisonnement logique et mathématique.
  •  Un bilan pédopsychiatrique à la recherche d’éventuels troubles du développement affectif ou psychologique.

À l’issue du diagnostic et des bilans, une prise en charge personnalisée est proposée à l’enfant et à sa famille.

La prise en charge de la dyspraxie

Il existe des centres spécialisés implantés dans les centres hospitaliers régionaux qui regroupent des équipes pluridisciplinaires compétentes pour diagnostiquer la dyspraxie et coordonner les soins les plus adaptés. Ce sont des lieux spécialisés d'information, de diagnostic et de prise en charge des patients.
Dans tous les cas, consultez d’abord un médecin pour confirmer la nature du problème, avant de vous adresser à l’un de ces centres.

La prise en charge des dyspraxies repose essentiellement sur de la rééducation :

  • L’ergothérapie concerne la coordination des gestes et la précision des mouvements. Elle permet aussi l’apprentissage de techniques pour faciliter l’autonomie de l’enfant, si besoin avec du matériel adapté.
  • L’orthophonie est une rééducation de la voix, de la parole et du langage, écrit ou oral. Les problèmes logiques ou mathématiques sont également abordés.
  • L’orthoptie traite les troubles de la vision et du regard
  • La psychomotricité se traduit par des exercices sur l’articulation entre le corps et les commandes cérébrales, le schéma corporel, les repères dans l’espace, la motricité globale et fine. « Elle intervient également pour redonner confiance à l’enfant dyspraxique ayant une image de lui dévalorisée », souligne Aurélien d’Ignazio.
  • Le soutien psychologique est souvent indispensable en raison des conséquences psychiques de la dyspraxie. Il vise à remettre l’enfant en confiance et à le déculpabiliser par rapport à sa maladie.

Dyspraxie et scolarité

La dyspraxie entraine souvent l’échec scolaire. Cette maladie est reconnue comme un handicap nécessitant des mesures d’accompagnement spécifiques,  depuis 2005. Une scolarité classique peut cependant être envisagée, parfois avec de simples aménagements :

  • Une diminution de l’usage de l’écrit pour privilégier l ’oral ;
    Une adaptation des contrôles 
  • Un allègement de la charge de travail.
  • Des aides supplémentaires peuvent être obtenues sur demande, comme la mise à disposition d’un ordinateur et de logiciels adaptés.

L’enfant peut être accompagné par différents intervenants extérieurs :

  • Des psychologues scolaires et professeurs des écoles spécialisés des Réseaux d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté (RASED) ;
  • Des professionnels des secteurs médicosociaux, médicaux et paramédicaux ;
  • Un auxiliaire de vie scolaire, individuel ou mutualisé entre plusieurs élèves.
  • Enfin, les examens et concours peuvent également être aménagés en fonction des difficultés de l’enfant (durée des épreuves, outils spécialisés, secrétariat, …).

Cependant, lorsque les troubles de l’enfant sont importants ou évoluent, une scolarisation dans une structure adaptée peut être nécessaire. Deux types de structures sont alors indiqués :

  • Les classes spécialisées des écoles ordinaires, mises en place dans les écoles primaires, les collèges et les lycées ;
  • Les unités d’enseignement en milieu spécialisé pour une scolarisation à temps partiel ou complet dans un établissement médicosocial et éducatif spécifique.
    Dans tous les cas, un cadre formalisé est nécessaire pour mobiliser et coordonner l’ensemble des acteurs intervenant dans la scolarisation de l’enfant

Quelle est la prise en charge des dyspraxies adultes ?

  • L'ergothérapie, ou « praxithérapie » cherche à identifier les principales difficultés du patient en échangeant avec lui. Puis elle met en place une stratégie de rééducation, pour travailler sur les gestes du quotidien qui posent problème, l'aider à s'organiser, etc. Cet accompagnement est donc adapté au cas par cas, en fonction du profil de chacun.
  • En parallèle, un orthophoniste peut intervenir auprès des patients souffrant de problèmes d'élocution.
  • Un soutien psychologique peut s'avérer nécessaire dans les périodes les plus difficiles.

En quoi des séances de psychomotricité peuvent-elle aider un dyspraxique adulte ?

Réponse d’ Aurélien D’Ignazio, psychomotricien :

« La psychomotricité peut être utile pour la personne adulte nécessitant de reprendre confiance en elle tout en profitant d’exercices ciblés sur l’organisation spatio-temporelle, la fluidité de certaines séquences motrices et les stratégies cognitives pouvant s’y associer ».

Peut-on conduire si on est atteint de dyspraxie ?

Des aménagements spécifiques de l’examen du permis de conduire ainsi que du véhicule, avec une boîte de vitesse automatique et un équipement GPS peuvent permettre de conduire malgré le trouble.

Comment aider son enfant dyspraxique ?

S’informer sur la dyspraxie aide à connaître ce trouble pour en comprendre les conséquences et envisager un bilan pour son enfant si certains signes inquiètent et même agacent.

Une fois le diagnostic posé, il est essentiel d'explique r la dyspraxie et ses répercussions aux personnes qui entourent l'enfant (école, grands-parents, animateur…) afin qu’il ne soit pas grondé ou bousculé.
Les parents devront tout mettre en œuvre pour lui faciliter la vie : vêtements faciles à enfiler, pas d’objets fragiles, jeux qui ne le mettent pas en difficulté)
La patience est la règle même si les bols renversés et autres vêtements mal enfilés peuvent pousser à bout.

La dyspraxie fatigue, car aucun geste de la vie courante ne va de soi, il faut donc en tenir compte dans l ’emploi du temps des enfants.

Prévention : peut-on éviter ce trouble ?

Il n’existe pas de prévention possible des dyspraxies. Mais en présence de soupçons d’un trouble praxique, il est utile de consulter, avant 6 ans, si possible afin que soient rapidement mise en place des mesures d’accompagnement.

Sources

Synthese INSERM Dyspraxie (2019).inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/trouble-developpemental-coordination-ou-dyspraxie

D’Ignazio, A. & Martin; J. (2018). 100 idées pour développer la psychomotricité des enfants (éd. Tom Pousse).