Bactérie sexuellement transmissible : un nouvel antibiotique face à une infection de plus en plus résistante

Publié par Elodie Vaz
le 29/12/2025
Infection sexuellement transmissible
Istock
La gonorrhée touche chaque année des millions de personnes dans le monde et devient de plus en plus difficile à soigner. Face à la montée des résistances aux antibiotiques, un nouveau traitement oral pourrait offrir un précieux sursis aux médecins, alors que le risque de souches totalement incurables se rapproche.

Silencieuse, répandue et de plus en plus difficile à soigner, la gonorrhée inquiète les autorités sanitaires du monde entier. Cette infection sexuellement transmissible touche plus de 80 millions de personnes chaque année, selon les estimations. Et le problème s’aggrave : la bactérie responsable, Neisseria gonorrhoeae, développe des résistances aux traitements existants, faisant planer le risque de voir apparaître, à terme, des formes totalement incurables.

La gonorrhée survient lorsque la bactérie infecte différentes parties du corps, notamment l’anus, l’urètre et les organes génitaux. Elle peut provoquer une sensation de brûlure lors de la miction, ainsi que des écoulements inhabituels au niveau du vagin ou du pénis. Mais dans certains cas, elle passe inaperçue. Non traitée, elle peut avoir de lourdes conséquences, allant jusqu’à l’infertilité ou la fausse couche.

La ceftriaxone, dernier rempart menacé par la résistance

Aujourd’hui, le traitement repose principalement sur une injection de ceftriaxone, le dernier antibiotique encore efficace contre la majorité des souches. Mais là aussi, la situation se dégrade. L’Organisation mondiale de la santé a constaté qu’en 2024, dans 12 pays, dont la Thaïlande, l’Afrique du Sud et le Brésil, environ 5 % des cas étaient déjà résistants à cet antibiotique. Un chiffre en forte hausse. Il a été multiplié par six depuis 2022.

Lorsque la ceftriaxone ne fonctionne plus, les médecins peuvent essayer d’autres antibiotiques. Mais les options se réduisent dangereusement. « Nous sommes à court d’options », alerte dans les colonnes de New Scientist, Alison Luckey, du Global Antibiotic Research and Development Partnership. « Cela fait des décennies qu’aucun médicament contre la gonorrhée n’a été approuvé. »

Un médicament prometteur contre les formes résistantes

Dans ce contexte préoccupant, une nouvelle molécule pourrait offrir un répit. Des chercheurs se sont penchés sur la zoliflodacine, un antibiotique spécialement développé pour traiter la gonorrhée résistante aux médicaments. Une vaste étude a été menée auprès de 744 personnes atteintes de gonorrhée, aux États-Unis, en Afrique du Sud, en Thaïlande, en Belgique et aux Pays-Bas.

Les participants ont été répartis au hasard pour recevoir soit la zoliflodacine, soit le traitement standard combinant ceftriaxone et azithromycine. Environ six jours plus tard, des prélèvements ont été réalisés. Résultat : la zoliflodacine a éliminé 91 % des infections, contre 96 % pour le traitement classique. Une différence jugée non significative. Les effets secondaires, comme les maux de tête ou les nausées, étaient similaires et transitoires dans les deux groupes.

Si la majorité des infections étudiées n’étaient pas résistantes aux traitements actuels, des données antérieures montrent que la zoliflodacine est efficace en laboratoire contre des souches résistantes à tous les antibiotiques standard. Pour Alison Luckey, ces résultats sont encourageants. « Dans les endroits où le risque de résistance est fréquent, on pourrait être plus enclin à l’utiliser plus tôt comme traitement de première intention », explique-t-elle. Elle souligne aussi un avantage pratique : ce médicament se prend par voie orale, contrairement à la ceftriaxone injectable, que certaines personnes évitent « par crainte des aiguilles ».

Les données ont été soumises à la Food and Drug Administration (FDA) américaine, qui doit rendre sa décision d’autorisation le 15 décembre. En cas de feu vert, d’autres pays devraient suivre. « Si celle-ci est positive, d’autres autorisations, notamment au Royaume-Uni, en Europe et en Asie, devraient suivre peu après », estime Charlotte-Eve Short, de l’Imperial College London.

Combinée aux efforts de vaccination contre la gonorrhée, notamment avec le vaccin contre la méningite de groupe B récemment mis en place au Royaume-Uni, l’arrivée de nouveaux traitements pourrait changer la donne. « C’est une excellente nouvelle », se réjouit Charlotte-Eve Short. « Si nous abordons le problème sous deux angles différents – la prévention et le traitement –, nous devrions être en mesure d’avoir un impact plus important sur la réduction de la résistance. »

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