À l’hôpital, cette manière de respirer multiplie par six le risque de décès

Publié par Elodie Vaz
le 12/11/2025
L'impact de la respiration sur la mortalité
Istock
À l’hôpital, un simple souffle peut tout changer. Une nouvelle étude révèle qu’un symptôme souvent sous-estimé pourrait devenir un outil clé pour sauver des vies.
 

Une simple question pourrait sauver des vies à l’hôpital : « Avez-vous du mal à respirer ? » Selon une étude publiée le 9 novembre 2025 dans la revue scientifique ERJ Open Research, les patients qui développent un essoufflement après leur admission présentent un risque de décès six fois plus élevé que les autres. À l’inverse, la douleur, elle, n’augmente pas ce risque.

L’étude, menée auprès de près de 10 000 patients hospitalisés entre 2014 et 2016 au Beth Israel Deaconess Medical Center, à Boston, a été dirigée par le professeur agrégé Robert Banzett, affilié à la faculté de médecine de Harvard. « La sensation de dyspnée, ou difficulté à respirer, est un symptôme très désagréable. Certaines personnes la ressentent comme une sensation de faim, de manque d’air ou d’étouffement », explique-t-il dans un communiqué. « À l’hôpital, les infirmières demandent systématiquement aux patients d’évaluer leur douleur, mais ce n’est pas le cas pour la dyspnée. »

Pourtant, l’étude montre qu’il suffirait de 45 secondes pour demander aux patients d’évaluer leur essoufflement sur une échelle de 0 à 10, comme on le fait déjà pour la douleur. Les chercheurs ont croisé ces réponses avec les données de mortalité deux ans après l’hospitalisation.

Un risque multiplié par six

Les résultats sont sans appel : les patients ayant ressenti une dyspnée à l’hôpital avaient six fois plus de risques d’y mourir que ceux qui n’en souffraient pas. Et plus l’essoufflement était intense, plus la probabilité de décès augmentait. Les patients concernés étaient aussi plus souvent transférés en soins intensifs ou pris en charge par une équipe d’intervention rapide. Chez ceux qui étaient encore essoufflés au repos au moment de leur sortie, 25 % sont décédés dans les six mois, contre seulement 7 % chez ceux qui n’avaient ressenti aucune dyspnée. À l’inverse, les chercheurs n'ont trouvé aucun lien clair entre la douleur et le risque de décès.

« Ce n’est pas une condamnation à mort »

Pour le professeur Banzett, le message reste porteur d’espoir. « Il est important de souligner que la dyspnée n'est pas une condamnation à mort. Même dans les groupes à haut risque, 94 % des patients survivent à l'hospitalisation et 70 % survivent au moins deux ans après. » Il y voit surtout un outil simple et peu coûteux pour repérer les patients fragiles et adapter les soins : « Identifier les patients à risque grâce à une évaluation simple, rapide et peu coûteuse devrait permettre une prise en charge plus personnalisée », ajoute-t-il.

Pour le chercheur, la dyspnée est bien plus qu’un inconfort, c’est un signal d’alarme vital. « La sensation de dyspnée est un signal d'alarme indiquant que l'organisme ne reçoit pas suffisamment d'oxygène et n'élimine pas suffisamment de dioxyde de carbone. Une défaillance de ce système représente une menace existentielle », souligne-t-il. Et d’ajouter, en comparaison : « la douleur est un système d'alerte utile, mais elle ne signale généralement pas une menace existentielle. Si vous vous cognez le pouce avec un marteau, vous évaluerez probablement votre douleur à 11 sur une échelle de 0 à 10, mais votre vie n'est pas en danger. »

Un appel à généraliser l’évaluation de la dyspnée

Les chercheurs souhaitent désormais que ces résultats soient confirmés dans d’autres hôpitaux à travers le monde. « Je suis à la retraite et mon laboratoire est fermé, mais j'espère que d'autres poursuivront ces recherches. Je suis convaincu qu'un jeune chercheur brillant trouvera la solution », confie le professeur Banzett.

Pour la professeure Hilary Pinnock, de l’Université d’Édimbourg, cette étude redonne toute son importance à la surveillance clinique humaine. « À l'ère du numérique, certains s'interrogent sur la pertinence de cette pratique exigeante en personnel. Il est donc intéressant de constater le lien entre la dyspnée subjective, la mortalité et d'autres complications. » Elle insiste sur le fait que « la dyspnée a été évaluée sur une échelle de 0 à 10, ce qui a pris moins d’une minute. Ces résultats remarquables devraient inciter à mener davantage de recherches afin de comprendre les mécanismes sous-jacents à cette association et comment ce “signal d’alarme puissant” peut être exploité pour améliorer la prise en charge des patients. »

Un enjeu aussi pour les soins de ville

Le Dr Cláudia Almeida Vicente, médecin généraliste au Portugal, rappelle que « l'essoufflement peut être causé par divers problèmes, notamment l'asthme, une infection pulmonaire, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et même l'insuffisance cardiaque. » Elle estime que cette découverte dépasse le cadre hospitalier : « La mortalité élevée à deux ans chez les patients sortis de l’hôpital avec une dyspnée souligne la nécessité d’un suivi post-hospitalier plus rigoureux. »

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